Le désarroi de l’Europe face à l’urgence humanitaire
L’UE n’est pas prête à revoir sa politique migratoire
Après l’horreur de ce weekend, un chalutier transportant 700 candidats à la migration vers l’Europe ayant fait naufrage, la série noire s’est poursuivie lundi avec un nouveau bateau sombrant au large des côtes libyennes, chargé lui de 300 personnes. L’émoi est cette fois-ci général dans les capitales européennes. La cheffe de la diplomatie de l’UE, Federica Mogherini, déclare que «c’en est trop», «nous n’avons plus d’alibi pour ne rien faire». Et pourtant. Si un sommet urgent se tiendra jeudi à Bruxelles, le président du Conseil européen, Donald Tusk, a déjà indiqué qu’aucune décision spectaculaire n’était à attendre: «Il n’y en a pas, sinon on les aurait déjà prises.» Concrètement, on évoque un renforcement de la lutte contre les trafiquants, la destruction des navires des passeurs, un soutien plus efficace à la mission de surveillance Triton. Certains Etats, dont la Suisse, insistent sur un meilleur partage du fardeau de l’accueil. Mais 24 des 28 gou- vernements européens ont refusé dans le passé une révision de l’Accord de Dublin. Pendant ce temps, en Libye, pays dans lequel la plupart des migrants prennent la mer, le chaos perdure. La formation d’un gouvernement d’union nationale est le principal espoir de réguler ces flux.
Un sommet européen urgent sur la crise des migrants aura lieu jeudi à Bruxelles. L’annonce a été faite de la façon la plus solennelle lundi par Donald Tusk, le président du Conseil européen. Mais il a d’emblée prévenu qu’il ne fallait pas s’attendre à des décisions spectaculaires. «Il n’y en a pas, sinon on les aurait déjà prises», a-t-il dit.
L’Union européenne (UE) ne cache ainsi pas son incapacité à éviter les tragédies qui se succèdent dans la Méditerranée. Hier, l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) a indiqué avoir reçu un appel de détresse par une personne disant se trouver sur un bateau en train de couler, avec quelque 300 migrants à bord, au large de la Libye. Au cours du week-end, 700 hommes, femmes et enfants ont péri dans les mêmes condi- tions. Selon le Haut-Commissariat pour les réfugiés (HCR), 35 000 migrants sont arrivés par bateau dans le sud de l’Europe depuis le début de l’année, et 1600 sont portés disparus.
«Les mots ne suffisent plus, a martelé hier Martin Schulz, président du Parlement européen. L’UE peut faire et doit faire plus. C’est une honte et un aveu d’échec que de constater que de nombreux pays tournent le dos à leur respon- sabilité et consacrent si peu de moyens pour aider à sauver des gens en détresse.» Le socialiste allemand a réclamé une politique migratoire telle qu’elle existe aux Etats-Unis, qui permet aux personnes en détresse de s’établir en toute légalité.
Ce n’est pas la première fois qu’un sommet européen sera consacré à la question migratoire. En décembre 2013, peu après le drame de Lampedusa qui avait fait 366 morts, un sommet avait proposé de nombreuses mesures qui sont toutefois restées lettre morte. «Nous n’avons plus d’alibi pour ne rien faire, a lancé la cheffe de la diplomatie européenne, Federica Mogherini, avant la réunion conjointe des ministres des Affaires étrangères et de l’Intérieur de l’UE hier au Luxembourg. Les tragédies de ces derniers jours, de ces derniers mois, de ces dernières années, ç’en est trop.»
Mais les bonnes volontés ne se sont pas traduites par des mesures décisives. Les ministres se sont surtout engagés à renforcer la guerre contre les trafiquants humains, notamment en coopérant davantage en matière d’échange d’informa- tions. Ils ont aussi évoqué un mandat spécial qui permettrait de saisir et détruire les bateaux utilisés par les trafiquants.
Sur un autre registre, les ministres demandent de renforcer la mission de surveillance Triton en lui octroyant plus de moyens. Celle-ci est dotée d’un budget mensuel de 3 millions d’euros, alors que l’Italie à elle seule consacrait 9 millions à Mare Nostrum, qui était une mission de sauvetage jusqu’en novembre 2014.
Le troisième volet de mesures concerne le partage du fardeau pour l’accueil des migrants. En réalité, seule une poignée de pays as- sume l’accueil du plus grand nombre. D’autres pays, par crainte d’alimenter le discours anti-immigrés des partis nationalistes, sont réticents. La Commission avait bien proposé de réviser l’Accord de Dublin qui porte sur la prise en charge des réfugiés. Mais 24 des 28 gouvernements avaient opposé un refus catégorique. Seuls l’Italie, la Grèce, Chypre et Malte qui sont les plus concernés par les flux migratoires étaient favorables.
Les ministres des Affaires étrangères se sont également penchés sur la situation en Libye où passent, selon Sandro Gozi, secrétaire d’Etat italien aux Affaires européennes, 81% des candidats à l’asile. En réalité, la situation libyenne était déjà inscrite à l’agenda de la réunion d’hier, mais Federica Mogherini en a fait un sujet prioritaire. La cheffe de la diplomatie européenne a rappelé qu’elle avait le mandat de préparer un plan d’action pour soutenir la mise en place d’un futur gouvernement d’unité nationale en Libye. Les différentes factions libyennes se sont rencontrées à la fin de la semaine dernière au Maroc. Selon l’émissaire onusien Bernardino Leon, il y aurait un accord à 80% sur les termes de la transition politique. Dans une telle perspective, l’UE n’exclut pas une mission de maintien de la paix et de désarmement des milices.
«C’est un aveu d’échec que de constater que de nombreux pays tournent le dos à leur responsabilité»
«Nouvelle institution»
Dans un premier temps, c’est l’unité Jaguar de la Garde nationale, dont plusieurs membres reviennent du front, qui sera formée à Yavoriv. «L’objectif est de leur offrir les bons outils pour agir de manière collective, comme une organisation moderne, afin de protéger leur souveraineté», explique le capitaine Matthew Carpenter. «Plus que les soldats, c’est la chaîne de commandement qu’il faut changer», confiait récemment une source diplomatique à Kiev.
«Il ne s’agit ni plus ni moins que de renforcement de capacité, pour faire de l’armée une nouvelle institution, qui fera partie de la construction d’un nouveau pays», estime l’ambassadeur des Etats-Unis, Geoffrey Pyatt, qui accompagnait hier Petro Porochenko pour l’inauguration de l’opération.
A Moscou, la création d’un axe Atlantique-Ukraine, qui passerait par Varsovie, ne passe pas du tout. «La présence de spécialistes d’un pays tiers ne facilite pas le règlement du conflit», a indiqué vendredi le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov. La Russie pourrait trouver dans ce programme de formation de biens utiles arguments pour renforcer elle-même son soutien direct aux séparatistes de Donetsk et de Lougansk.