Le Temps

«La Formule 1 est toujours attrayante»

La saison 2016 débute ce week-end en Australie avec le grand retour de Renault. Cyril Abiteboul, directeur général de Renault Sport Racing, en détaille les raisons

- PROPOS RECUEILLIS PAR LAURENT FAVRE

Cyril Abiteboul est né en 1977, l’année où Renault débarqua en Formule 1 avec sa livrée jaune, son losange sur le capot, son moteur V6 turbocompr­essé en dessous et quelques moqueries. Bien vite, le nuage de fumée qui s’échappait parfois de la « théière » devint un panache blanc derrière lequel se rallia toute la F1. Les victoires (35), les duels Prost-Arnoux, la France qui gagne, puis la consécrati­on avec les deux doubles titres mondiaux (pilote avec Fernando Alonso et constructe­ur) en 2005 et 2006 ont fait entrer Renault dans la légende de la Formule 1.

La Régie en était sortie partiellem­ent en 2010, se contentant durant cinq saisons de fournir ses moteurs. Un désengagem­ent qui semblait correspond­re au désintérêt constaté ces dernières années autour de la F1, jusqu’à ce qu’en décembre 2015, le PDG Carlos Ghosn confirme le rachat de Lotus et le grand retour de Renault en F1. Une opération confiée à Cyril Abiteboul, 38 ans, rencontré début mars au Salon de l’auto où un tour rapide mais expert des stands acheva de le convaincre de la bonne santé du secteur automobile. «Quand les constructe­urs allaient mal, la F1 en a perdu trois.»

Pour tout le monde, y compris Bernie Ecclestone, la Formule 1 est malade.

Pourquoi vouloir y revenir? Si l’on s’en tient aux audiences ou au cas européen, où règne une certaine autophobie, cela peut laisser circonspec­t. Mais si l’on regarde Renault comme un constructe­ur mondial, leader dans beaucoup de segments, qui construit en Chine, qui relance l’Alpine... Tout ceci crée un contexte très favorable et cohérent avec la Formule 1. Renault a du succès et doit le faire savoir. Or, on se rend compte que la publicité traditionn­elle n’est plus suffisante. La F1 offre la meilleure exposition possible.

Pourquoi ne pas être simplement resté motoriste? Parce qu’être motoriste coûte cher, offre une visibilité réduite et ne permet pas d’influer sur les décisions. Etre constructe­ur à part entière ne coûte que 20% plus cher, donne accès au processus de décision ainsi qu’à une part des droits commerciau­x de la Formula One Management et garantit une visibilité supérieure. Le retour sur investisse­ment est donc bien meilleur.

Le fait que la catégorie quitte progressiv­ement l’Europe pour les nouveaux marchés asiatiques vous arrange. Cela recouvre parfaiteme­nt notre stratégie. La monoplace portera notamment le logo d’Infiniti, la marque premium luxe de Nissan.

Etes-vous conscient tout de même de la perte d’intérêt sportif de la

catégorie? La Formule 1 n’est pas sans défaut, ni sans menace. Mais elle conserve sa valeur et cette capacité fantastiqu­e à raconter des histoires humaines. Une écurie de F1 emploie plus de 1000 personnes. Chez Renault, nous sommes 450 pour le moteur et 500 pour le châssis. Et nous allons encore engager 150 personnes. Un club de football anglais, c’est 500 ou 600 employés. La F1 est le plus grand sport d’équipe du monde! Etre pleinement dans la course va nous permettre de peser de tout notre poids pour que la course devienne plus spectacula­ire, plus accessible, qu’e llere mette l’homme au coeur du récit.

«La F1 est le plus grand sport d’équipe du monde!»

Revenir, c’est bien, mais avec son passé, Renault ne peut pas se contenter de participer. Je suis d’accord, mais il faudra être patient. Mercedes, qui est actuelleme­nt au firmament, a mis cinq ans à construire son succès. Nos objectifs sont clairement définis mais nous sommes conscients que cela prendra du temps.

La marque est également très fortement identifiée à la France. Nous sommes un constructe­ur de taille mondiale mais d’origine française. C’est notre âme et il est important de la conserver avec un management français. Avoir un pilote français n’est pas un impératif. Cela se fera ou pas, selon l’opportunit­é.

Et Sébastien Buemi, qui court pour e.dams, l’écurie de Formule E codétenue par Renault et Alain Prost? Sébastien fait un excellent boulot en Formule E. Ce n’est pas évident, tous les pilotes de F1 ne gèrent pas aussi bien la transition. Avec e.dams, nous sommes dans une phase de consolidat­ion, la priorité est de ne pas changer ce qui va bien.

Quel rôle joue Alain Prost, à la fois ambassadeu­r de Renault, partenaire en Formule E mais pas vraiment impliqué en F1? C’est comme pour Sébastien Buemi: Alain Prost fait actuelleme­nt partie d’un autre projet extrêmemen­t important pour Renault. Nous avons d’ailleurs prolongé de deux ans notre participat­ion dans l’éc urie e.dams. On ne change pas une équipe qui gagne.

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CYRIL ABITEBOUL DIRECTEUR GÉNÉRAL DE RENAULT SPORT RACING

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