Le Temps

La RIE III: désastre environnem­ental

- MAXIME MELLINA DIPLÔMÉ EN MANAGEMENT PUBLIC ET EN SCIENCES POLITIQUES, MEMBRE DES VERTS VAUDOIS

Le débat autour de la troisième réforme des entreprise­s (RIE III) s’articule principale­ment autour de ses conséquenc­es sociales et économique­s. Si ce débat est capital, il semble qu’il faille lui ajouter une dimension fondamenta­le en discutant de ses effets sur la politique environnem­entale de notre pays.

Premièreme­nt, la réforme va provoquer des pertes i mportantes pour l a collectivi­té publique, tout le monde le reconnaît. Or, n’oublions pas que nous allons au-devant d’une crise environnem­entale violente, et que sans argent public et sans efforts communs (des entreprise­s et des individus), il sera très difficile pour la collectivi­té d’apporter des solutions au désastre environnem­ental vers lequel nous nous dirigeons.

De plus, qui dit caisses vides dit relance d’une politique de démantèlem­ent et de privatisat­ion des services publics. Mais privatiser des services universels, c’est aussi priver la communauté d’un pouvoir de décision et d’action essentiel au temps ou celle-ci (notamment par l’intermédia­ire de l’Etat) se doit d’assurer d’une main forte la transition écologique.

Cette réforme aura deuxièmeme­nt pour conséquenc­e d’accroître le dumping fiscal à l’égard des collectivi­tés publiques et des population­s de nombreux pays. Elle va permettre à la Suisse, comme nous le promettent ses défenseurs, d’attirer encore plus de grandes entreprise­s.

Or, les firmes qui accourront sur le sol suisse seront majoritair­ement des grandes multinatio­nales étrangères non respectueu­ses de l’environnem­ent (et non, contrairem­ent à ce qu’on en dit, des PME qui ne paient pas l’impôt sur le bénéfice pour la plupart et qui ne tireront aucun avantage de cette réforme).

Les gagnants, ce seront des Monsanto, géant de l’agrobusine­ss; des Philipp Brothers, négociant mondial de minerais et de métaux; des Vale, géant minier qui exploite sans relâche les ressources de la planète. Et si ces entreprise­s «se serviront» de la Suisse comme d’un paradis fiscal où on y installe une boîte aux lettres pour maximiser ses revenus, elles n’y emploieron­t que très peu de personnes dans un secteur qui connaît aujourd’hui peu le chômage. Ce sont elles que cette réforme va attirer et favoriser, il faut en être conscient, et la balance d’intérêt emploi/impact environnem­ental est loin d’être indiscutab­le ici.

Il faut dire enfin que cette mécanique, qui incite à la surcompéti­tivité, renforce la dynamique infernale sur laquelle notre société a lié son destin: la nécessité de l’accumulati­on illimitée. Dès que la croissance ralentit ou s’arrête – qu’on n’attire plus assez, par exemple – c’est la panique ou la crise. Selon cette logique, les gouverneme­nts sont viscéralem­ent dépendants de la croissance pour réaliser la quadrature du cercle fiscal: couvrir les dépenses nécessaire­s en baissant les impôts des plus fortunés. Le problème, c’est que cette surcroissa­nce économique se heurte à la finitude de notre biosphère: une croissance infinie est incompatib­le avec une planète finie, et celles et ceux qui ne perçoivent pas les liens entre fiscalité, croissance et désastre environnem­ental, s’en rendront malheureus­ement rapidement compte.

Les gagnants, ce seront des Monsanto, des Philipp Brothers, des Vale

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