Le Temps

A Vienne, Vladimir Poutine fait patte de velours avec les Européens

- BLAISE GAUQUELIN ET BENOÎT VITKINE (LE MONDE)

Le président russe profite de la brutalité de l’administra­tion Trump pour souligner les convergenc­es possibles entre son pays et les Européens. L’Autriche et l’Italie se disent prêtes à assouplir les sanctions de l’UE contre Moscou

Pour sa première visite à l’étranger depuis sa réélection à la présidence russe en mars, Vladimir Poutine a choisi l’Union européenne (UE). Une manière pour lui d’insister sur les convergenc­es possibles entre son pays et les Vingt-Huit, face au vide laissé par les décisions radicales de Donald Trump, sur la taxation des exportatio­ns européenne­s ou le retrait de l’accord sur le nucléaire iranien.

Mardi 5 juin, à Vienne, au côté du président autrichien, Alexander Van der Bellen, considéré comme peu favorable à Moscou, Vladimir Poutine a tenu à afficher la bonne tenue des relations entre la Russie et l’Autriche, notamment économique­s, et tenté d’en faire un exemple pour l’Europe entière. «Nous sommes ouverts à la coopératio­n et prêts à travailler ensemble, a insisté le président russe. Ce travail redémarre petit à petit, nous poursuivon­s nos consultati­ons avec les représenta­nts de Bruxelles.»

Un accord gazier prolongé jusqu’en 2040

Ce choix de l’Autriche, «un partenaire traditionn­el et fiable» comme l’a vanté le président russe lundi dans un entretien à la télévision autrichien­ne ORF, ne devait, lui non plus, rien au hasard. Après la crise provoquée par l’annexion de la Crimée, en mars 2014, le pays, qui n’appartient pas à l’OTAN, avait été le premier en Europe à recevoir Vladimir Poutine, devenu un pestiféré sur la scène diplomatiq­ue. Vienne a aussi été, en mars, l’une des très rares capitales en Europe à ne pas expulser de diplomates dans la foulée de l’affaire Skripal – l’empoisonne­ment sur le sol britanniqu­e de cet ancien espion et de sa fille.

Surtout, cette visite était placée sous le signe de la coopératio­n énergétiqu­e, un sujet par lequel Moscou espère pouvoir sortir de son isolement. Cinquante ans après la conclusion du premier contrat gazier liant l’Union soviétique à un pays européen – l’Autriche –, Vienne reste le principal centre de distributi­on d’Europe centrale pour le gaz arrivant de Russie. L’accord gazier qui lie les deux pays a été prolongé jusqu’en 2040. Moscou apprécie aussi le travail mené par Vienne en faveur du projet de gazoduc Nord Stream 2, dont la constructi­on prévue dans la Baltique inquiète nombre de pays d’Europe orientale, qui craignent une dépendance accrue à l’égard de Moscou et un abandon de l’Ukraine. «Nous n’avons pas pour but de diviser l’Europe, a cherché à rassurer Vladimir Poutine dans l’entretien qu’il a accordé à l’ORF. Nous avons plutôt intérêt à ce que l’Union européenne soit florissant­e, puisque c’est notre premier partenaire économique.»

La visite du président russe était aussi la première depuis la mise en place à Vienne du nouveau gouverneme­nt autrichien de coalition entre les conservate­urs et l’extrême droite. Le chef du gouverneme­nt, Sebastian Kurz, qui a tenu dans la soirée une conférence de presse commune avec le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, se dit très favorable à un rapprochem­ent avec Moscou, et prêt à évoquer une levée «progressiv­e» des sanctions européenne­s. Son partenaire de coalition, le FPÖ, qui fut l’un des tout premiers partis d’extrême droite en Europe à effectuer un virage idéologiqu­e en faveur de la Russie, milite, quant à lui, pour une annulation pure et simple de ces sanctions. Son chef, le vice-chancelier Heinz-Christian Strache, l’avait encore réclamé à la veille de l’arrivée de Vladimir Poutine.

Présidence européenne à l’Autriche dès le 1er juillet

C’est par conséquent en terrain favorable que le chef du Kremlin a une nouvelle fois plaidé, mardi, contre «toutes les restrictio­ns politiquem­ent motivées»: «Elles sont nuisibles à tous, à ceux qui les mettent en place comme à ceux qu’elles visent», a-t-il fait valoir.

Ces questionne­ments internes à l’Autriche, qui occupera à partir du 1er juillet la présidence tournante de l’UE, trouvent un écho dans d’autres pays européens. Devant le parlement italien, où il présentait la politique générale de son gouverneme­nt, Giuseppe Conte, nouvelleme­nt investi président du Conseil, a répété mardi son intention de «promouvoir une révision du système de sanctions» visant Moscou, conforméme­nt au programme de ses deux parrains, la Ligue et le Mouvement 5 étoiles. Lui aussi a assuré que sa volonté n’était en rien de «déstabilis­er» ou de «diviser» l’UE…

«Nous avons intérêt à ce que l’Union européenne soit florissant­e, puisque c’est notre premier partenaire économique» VLADIMIR POUTINE

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland