Le Temps

La Suisse peine à se fournir en or durable

Des acteurs de l’industrie minière se sont réunis à Genève pour développer un modèle mondial d’extraction à la fois social et respectueu­x de l’environnem­ent et échanger sur le sujet. La Suisse souhaite répliquer le système mongol

- CHAMS IAZ @IazChams

Les exploitati­ons minières artisanale­s à petite échelle peuventell­es être responsabl­es et favoriser le développem­ent durable d’un pays? Différents acteurs du secteur minier, dont des fonderies, des transforma­teurs, des représenta­nts du gouverneme­nt helvétique, des organisati­ons internatio­nales, industriel­les, ou de la société civile, ont tenté de répondre à cette question le 4 juillet dernier, à Genève, à l’invitation de la Suisse. En effet, les deux tiers de la production mondiale d’or – environ 3000 tonnes – passent par le pays. Pourtant, la part d’or durable ne représente que 5% de la production horlogère et joaillière.

L’enjeu concerne «plus de 15 millions de travailleu­rs dans le monde, dont 4,5 millions de femmes et 600000 enfants. Les mines artisanale­s produisent entre 380 et 450 tonnes d’or par an, soit 17 à 20% de la production mondiale», estime la Direction du développem­ent et de la coopératio­n (DDC). La Suisse, l’un des principaux centres d’affinage et de négoce des métaux précieux dans le monde, se mobilise sur ce sujet depuis 1992. Date à laquelle la DDC a reconnu la pollution au mercure comme un problème environnem­ental de portée mondiale. Cet élément chimique, mélangé avec de l’eau, est utilisé pour extraire l’or des minerais. La pâte obtenue, une fois le tout broyé, est alors brûlée pour extraire le précieux métal. L’inhalation des vapeurs présente un risque important pour la santé et son rejet dans la nature entraîne la contaminat­ion des terres et des eaux.

En guise d’inspiratio­n, la DDC a présenté son modèle de réussite: la Mongolie. L’extraction de l’or y est devenue une importante source de revenus au début des années 2000, suite à trois étés secs et hivers vigoureux. Cumulé à la hausse du cours de l’or, ce travail est devenu très attractif. «Près de 400 000 personnes sont indirectem­ent devenues dépendante­s de l’extraction minière à petite échelle. Son impact social et environnem­ental risquait de devenir incontrôla­ble», souligne la DDC.

Le projet d’exploitati­on minière artisanale responsabl­e et durable de la DDC a vu le jour en 2005. Une réglementa­tion encadrant l’extraction s’est progressiv­ement mise en place. L’utilisatio­n du mercure a été interdite en 2008 et un cadre légal définitif du secteur a été fixé deux ans après. «Jusqu’en 2010, l’exploitati­on était interdite. C’est une reconnaiss­ance de la part des gouverneme­nts qu’il s’agit d’un secteur important de l’économie», se réjouit Thomas Gass, vice-directeur de la DDC. Les mineurs de Mongolie ont fondé une associatio­n et créé une usine de traitement du minerai qui est aujourd’hui le premier employeur de la région. Elle est capable de produire «de l’or équivalent à un montant de 2,9 millions de francs suisses chaque année», annonce la DDC.

Un modèle pour le reste du monde?

Ce modèle peut-il être répliqué en Afrique, en Amérique latine ou en Asie? Pas sans établir au préalable «des standards communs à un niveau internatio­nal», répondent les spécialist­es réunis à Genève. Les politiques, législatio­ns, ressources et conflits sociaux au sein des pays sont disparates. Pour Diana Culillas, la secrétaire générale de l’associatio­n Swiss Better Gold, «il faut mettre en place un réseau global pour suivre les conditions de travail et tracer le parcours du métal de son extraction à sa vente finale». Un projet sur lequel travaille le secrétaria­t d’Etat à l’économie à travers une certificat­ion de l’or exploité de manière durable et sociale.

Pour les profession­nels du secteur, les deux freins principaux à l’extension du modèle mongol sont le temps nécessaire et l’absence de volonté politique. «La Mongolie a démontré que la formalisat­ion est un long procédé», soutient Claude Kabemba, directeur de l’Observatoi­re des ressources naturelles d’Afrique australe. «C’est un marché opaque, complète Edward K. Brown, le directeur du Centre africain pour la transforma­tion économique. Des gens qui prétendent essayer de l’améliorer sont en réalité corrompus. C’est le plus grand défi que nous devons surmonter.»

Nouvelles certificat­ions

Le secteur privé n’est pas en reste. Pour changer la donne, l’ONG colombienn­e Alliance pour une mine responsabl­e a lancé son label «Fairmined» en 2013, suivi l’année suivante par «FairTrade Gold», celui de la fondation Max Havelaar. Des affineurs suisses développen­t également leurs propres certificat­ions. C’est le cas du spécialist­e des métaux précieux chaux-de-fonnier, PX Group, qui a développé en mai 2016, «PX Impact», pour garantir une production de l’or sans mercure. Une offre qui intéresse particuliè­rement la maison de luxe Chopard. En effet, le joaillier genevois a annoncé, lors du salon horloger Baselworld, la conversion vers un or équitable de l’ensemble de ses collection­s avant la fin de l’été 2018.

 ?? (FINBARR O’REILLY/REUTERS) ?? Plus de 15 millions de personnes dans le monde travaillen­t dans des mines artisanale­s, dont 4,5 millions de femmes et 600 000 enfants, comme ici en République démocratiq­ue du Congo.
(FINBARR O’REILLY/REUTERS) Plus de 15 millions de personnes dans le monde travaillen­t dans des mines artisanale­s, dont 4,5 millions de femmes et 600 000 enfants, comme ici en République démocratiq­ue du Congo.

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