Le Temps

La Suisse n’est pas (encore) le paradis des start-up

- FATHI DERDER CONSEILLER NATIONAL (PLR/VD) PRÉSIDENT DE «LE RÉSEAU.CH»

«Les conditions sont parfaites pour les start-up en Suisse!» Parfaites, ni plus ni moins. Dans le silence studieux d’une salle de commission bernoise, une élue lucernoise tranche: nos startupers sont heureux, tout va bien, ne faisons rien. Une analyse tout en finesse reposant sur la lecture… d’un article. Aucun entreprene­ur ne lui a dit ça, mais elle l’a lu dans le journal, dit-elle. C’est très flatteur pour le journal, moins flatteur pour la rigueur parlementa­ire.

En vérité, ma collègue ne s’est volontaire­ment pas renseignée. Elle dresse ce portrait idyllique par dogme: elle combat ma propositio­n, contraire à ses conviction­s. Devant la Commission de l’économie du Conseil national, je propose de supprimer l’impôt sur l’outil de travail. Une taxe à la création d’emplois que tous les pays abandonnen­t. Même la France (c’est dire). Mais ma collègue tient mordicus à cette spécialité suisse. Au final, la commission me soutient à une large majorité. Une excellente nouvelle pour les entreprene­urs. Et un signe que tout n’est peut-être pas si parfait en Suisse.

Non, notre pays n’est pas le paradis des start-up. Je me suis ainsi permis de compléter les lectures de ma collègue, en lui remettant quelques témoignage­s de plus. Six cents témoignage­s, pour être précis, les 600 signataire­s du Manifeste pour les start-up suisses. Ils proposent dix mesures pour améliorer les conditions présumées parfaites. Dix mesures simples pour encourager l’investisse­ment ou l’immigratio­n de talents. Dix mesures neutres, sans idéologie ni dogme, pour créer davantage d’entreprise­s innovantes. Dix mesures soutenues par les principaux acteurs de l’écosystème: pas juste un témoignage lu dans le journal, mais 600 signatures de toute la Suisse. Six cents acteurs non politisés, unis pour dire: «Tout n’est pas parfait. Nous pouvons être meilleurs. Nous devons être meilleurs.» Accélérons le mouvement

Et c’est possible. Notre pays n’est pas encore le paradis des start-up, mais il peut le devenir. Les choses bougent. Nos start-up ont ainsi levé plus de 1,2 milliard de capital-risques l’année dernière (un record absolu), et neuf entreprise­s suisses sont dans le classement des 50 scale up européenne­s les plus dynamiques du Tech Tour Growth 50 (un record absolu, encore), sans oublier le lancement du Swiss Entreprene­urs Fund. Ça bouge, tant mieux. Mais tout reste à faire. Accélérons le mouvement, car la concurrenc­e est féroce. En Asie, aux Etats-Unis, ou en Israël, un pays de notre taille qui lève chaque année cinq fois plus de capital-risque que nous.

La Suisse est donc presque le paradis des start-up. Elle peut, et doit le devenir. En ce début d’année, tous les indicateur­s sont au vert, transformo­ns l’essai. En prenant des initiative­s pragmatiqu­es et rapides, loin des dogmes partisans. Notre défi est simple: il faut plus de talents et plus de capital-risque en Suisse. Pour un pays sans matière première, dans un monde bouleversé par la révolution numérique, c’est une urgente nécessité. Notre avenir en dépend.

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