Turbulences sur les rentes
Il est passionnant de voir comment les caisses de pension helvétiques se sont débrouillées durant la première vague de la pandémie. Au final, les navires ont tenu bon
En quelques jours, la pandémie a balayé les bons résultats des placements de toute l'année 2019. De nombreuses caisses de pension ont fait état à fin mars 2020 d'une performance négative et d'une sous-couverture. D'un coup, tout avait changé.
Rétrospectivement, on peut dire que, face à une situation inattendue et incertaine, beaucoup de responsables ont montré un engagement sans faille et une grande résilience. Ils ne se sont pas laissé déstabiliser par des nouvelles toujours plus dramatiques et parfois contradictoires, et ont agi avec circonspection. Ils ont affronté la nouvelle situation et suivi scrupuleusement l'évolution de la crise à l'aide d'outils innovants tout en prenant des mesures inédites. Mais ils ont aussi testé et remis en question sans relâche leur propre manière de faire.
Concernant les placements, on a vu le maintien du respect de la stratégie d'investissement définie et un recours limité aux rééquilibrages indispensables. Ce qui a payé, puisque les marchés se sont repris vers la fin du printemps.
La sous-couverture au centre des préoccupations
Dans le cadre d'une «good governance», les caisses de pension ont vérifié si des mesures d'assainissement devaient être prises. Elles auraient été prématurées. Mais il était juste d'y réfléchir pour pouvoir agir rapidement en cas de sous-couverture, dont l'évaluation fut la question récurrente durant cette période.
Pour faciliter la gestion des liquidités des entreprises affiliées, les organes dirigeants ont en outre dû prendre des mesures pour différer les versements des contributions des employeurs. Divers scénarios ont également été envisagés pour identifier de possibles répercussions sur les caisses de pension des entreprises mises en difficulté par la crise. On a notamment vérifié si et dans quelle mesure des placements illiquides auraient pu contribuer à satisfaire à d'importants engagements dus par les institutions de prévoyance.
Après la très réjouissante performance de 10% en 2019, la majorité des caisses de pension affichaient fin mai une performance d'investissement négative, un peu inférieure à 5%. Cependant, la situation n'est pas aussi sombre qu'on pourrait le penser. Si l'on prend en compte les deux années passées, la moyenne des performances demeure même positive. Par ailleurs, plusieurs projets gelés à court terme, comme l'abaissement du taux de conversion ou du taux d'intérêt technique, des adaptations légales en 2021 et la vérification des plans de prévoyance, se retrouvent de nouveau au sommet de la liste des priorités des caisses de pension.
Ne pas ignorer les conséquences
La gestion de la crise du Covid-19 a permis aux caisses de pension de se poser bon nombre de questions sur les scénarios possibles et leurs répercussions. Dans la plupart des cas, elles sont restées fidèles à leur stratégie et à leur feuille de marche. Elles ne se sont pas laissé détourner de leur chemin par une panique compréhensible.
Au cours de cette crise, les organes dirigeants des caisses de pension suisses n'ont pas oublié que la prévoyance est un processus à long terme et qu'il faut accepter les turbulences avec sérénité, sans bien sûr en ignorer les conséquences. On constate que, en dépit des grands soucis de leurs entreprises affiliées face à la crise du Covid-19, elles n'ont pas agi très différemment à ce qu'elles auraient fait par beau temps. Grâce à une analyse continue de la situation, à un grand engagement et beaucoup de flexibilité, ce n'est que dans de rares cas qu'il aura fallu prendre des mesures plus drastiques.