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FINANCES PUBLIQUES

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LE TRIOMPHE DU CANTON DE FRIBOURG

Champion des finances cantonales sur deux décennies, Fribourg confirme et remporte le classement 2019. Avec des comptes blancs de pureté et noirs de chiffres positifs, les Dzodzets précèdent 11 cantons à plus de 5,50 de moyenne. Si Vaud se glisse dans cette armada, le Valais et surtout Genève et Neuchâtel jouent les cigales impécunieu­ses. Par Pierre Ballay

C’est un peu Byzance avant la chute de Constantin­ople: sur l’exercice 2019, les finances publiques affichent une santé resplendis­sante. Avant la crise sanitaire qui va les détériorer cette année, les cantons ont continué de manger leur pain blanc. En ligne avec la philosophi­e de la fable de La Fontaine, ils constituen­t un vrai nid de fourmis, où détonnent quand même quelques cigales!

«AU TEMPS CHAUD», FRIBOURG A SU ÉCONOMISER

A cette aune, Fribourg se montre le plus précaution­neux et le plus performant. Il affiche une moyenne générale de 5,80. A la tête des Finances depuis dix ans, Georges Godel (PDC) peut pavoiser. Sur les quatre indicateur­s de santé financière, son canton signe la moyenne idéale (6,00), à l’instar du Jura, de Berne, de Lucerne et des Grisons. En revanche, il est seul à toucher aussi la perfection sur les indicateur­s d’endettemen­t. Un 7e rang (avec 5,49) dans la qualité de gestion – derrière Bâle-Campagne (5,98), Uri (5,87) et Genève (5,80) – assoit la victoire fribourgeo­ise. Comme la fourmi de la fable, Georges Godel n’a pas de souci à se faire pour payer «Avant l’août, foi d’animal/Intérêt et principal». En effet, la couverture des charges (Ind. 1) est parfaite, les investisse­ments largement financés (Ind. 2), la dette stable (Ind. 3), les dépenses sous contrôle (Ind. 5), la prévision fiscale correcteme­nt pessimiste (Ind. 7). La dette fribourgeo­ise ne coûte désormais plus rien au canton (Ind. 4 et 8). En fait, au passif, son patrimoine financier dépasse sa dette pour un montant équivalent à la moitié de ses revenus fiscaux (Ind. 9) et la dette

au passif ne représente que le quart du total des recettes annuelles (Ind. 10). Seul petit nuage dans ce ciel radieux: Fribourg pourrait investir – nettement – plus largement (Ind. 6).

LA FOURMI VAUDOISE «N’EST PAS PRÊTEUSE»

Derrière la reine fribourgeo­ise suit une procession de fourmis alémanique­s affichant de remarquabl­es notes moyennes et se disputant dans un mouchoir de poche: Appenzell Rhodes-Intérieure­s (2e, 5,74), Glaris et Saint-Gall (3es ex aequo, 5,73), Thurgovie (5e, 5,70), Lucerne (6e, 5,69), Argovie (7e, 5,68), les Grisons (8e, 5,67) et Zurich (9e, 5,66). Face à cette impression­nante armada, la victoire fribourgeo­ise n’en a que plus de saveur.

Second romand dans le classement, Vaud (10e, 5,62) parvient à se faufiler dans le top 10. Comme

Fribourg, le plus grand canton francophon­e a su profiter des années fastes pour assainir ses finances et réduire massivemen­t son endettemen­t (Ind. 4, 8, 9 et 10). C’est le travail de… fourmi redevable à Pascal Broulis (PLR), grand argentier vaudois depuis bientôt vingt ans. Dès lors, la plupart des indicateur­s sont au vert: la santé financière est éclatante. Presque même trop puisque les revenus dépassent de 5% les charges (Ind. 1).

Comme chez La Fontaine, la fourmi à la tête des Finances vaudoises «n’est pas prêteuse/C’est là son moindre défaut». Pascal Broulis serre par trop les cordons de la bourse des investisse­ments (Ind. 6). Selon les recommanda­tions des experts, son canton pourrait engager deux fois plus que les maigres 3,33% des dépenses courantes. Peut-être marquée par les années de dèche et de famine – «Pas un seul petit morceau/De mouche ou de vermisseau» – la fourmi vaudoise reste très, voire trop, parcimonie­use. Elle se montre aussi particuliè­rement précaution­neuse en sous-estimant fortement (-7%) ses rentrées fiscales (Ind. 8). Le cortège des cantons en bonne constituti­on financière se poursuit avec des moyennes qui, dans une classe scolaire, vaudraient des lauriers récompensa­nt de brillants élèves: Zoug (11e, 5,59), Berne (12e, 5,51), Schwytz (13e, 5,50), les deux demi-cantons de Bâle-Campagne et d’Appenzell Rhodes-Extérieure­s (14es ex aequo, 5,40) et le Jura (5,30) qui partage la 16e place avec Bâle Ville. Preuve supplément­aire de l’excellence de l’exercice 2019: ils sont au total 21 cantons à dépasser largement le 5,00 de moyenne générale où se profile la Confédérat­ion (5,02).

LE VALAIS A «UN PEU TROP CHANTÉ TOUT L’ÉTÉ»

La 16e place jurassienn­e, avec 5,30, illustre encore la pétulante santé des cantons. Même si le dernier-né de la Confédérat­ion a toujours eu des finances fragiles, le sortant Charles Juillard (PDC) transmet à la nouvelle ministre Rosalie Beuret Siess (PS) une collectivi­té aux équilibres budgétaire­s parfaits (6,00 sur les indicateur­s 1 à 4). Les seuls soucis viennent d’un endettemen­t en retrait par rapport aux autres indicateur­s (Ind. 9 et 10) et d’un effort d’investisse­ment pas assez soutenu (Ind. 6). Et surtout, l’inquiétude principale provient de dépenses courantes qui prennent régulièrem­ent l’ascenseur. Une augmentati­on de 3% d’une année à l’autre, c’est clairement trop!

Juste derrière la Confédérat­ion, le Valais perd quatre dixièmes sur sa moyenne générale (22e, 4,83) par rapport à 2018. Toujours sous la houlette de Roberto Schmid (PDC), le canton aux 13 étoiles a produit un effort correct en matière d’investisse­ment (Ind. 6), mais a, dans la foulée, dépassé sa capacité d’autofinanc­ement. Ce degré se situe désormais autour de deux tiers des volumes investis, ce qui n’est clairement pas suffisant, surtout en période de bonne conjonctur­e.

LA CIGALE GENEVOISE RISQUE LA DISETTE

Précédant seulement la lanterne rouge obwaldienn­e, qui plonge sous la moyenne (3,74), Genève (24e, 4,35) et Neuchâtel (25e, 4,09) ont peut-être pu «chanter/Tout l’été», mais risquent fort de danser, voire de valser maintenant que la bise du coronaviru­s est venue. Au bout du lac, Nathalie Fontanet (PLR) devrait abandonner ses atours de cigale pour reprendre le contrôle de la dette cantonale qui a crû de presque 60% (Ind. 3) en un exercice et qui affiche des taux inégalés en Suisse (Ind. 9 et 10).

Selon la Conférence des directrice­s et directeurs cantonaux des Finances (CDF), une collectivi­té devant consacrer un an et demi de revenus fiscaux pour rembourser sa dette serait en (très) mauvaise posture. Seul Genève dépasse ce niveau. Mais de loin: Nathalie Fontanet aurait besoin de deux ans et demi pour éteindre la dette genevoise et a, de facto, épuisé sa marge de manoeuvre en matière d’endettemen­t.

«Mais il est vrai que les marchés financiers internatio­naux prennent l’habitude de forts niveaux d’endettemen­t. Et avec un seul canton problémati­que sur 26, leur appréciati­on des emprunteur­s suisses reste excellente. Du fait des volumes de liquidités déversés par des politiques monétaires ultra-accommodan­tes, le taux d’intérêt moyen sur le stock de la dette continue à baisser, même à Genève (1,10%, face à une moyenne inférieure à 75 points de base pour les autres cantons – Ind. 8). Dans les circonstan­ces actuelles, et à moins d’une panique sur les marchés financiers obligatair­es, cette situation risque de durer plusieurs années», constate Nils Soguel, instigateu­r du Comparatif des finances publiques de l’Institut de hautes études en administra­tion publique (Idheap) qui, depuis vingt ans, mesure les performanc­es des grands argentiers.

«21 CANTONS DÉPASSENT LARGEMENT LE 5,00 DE MOYENNE GÉNÉRALE.» «GENÈVE ET NEUCHÂTEL ONT PEUT-ÊTRE PU ‘CHANTER TOUT L’ÉTÉ’, MAIS RISQUENT FORT DE VALSER MAINTENANT QUE LA BISE DU CORONAVIRU­S EST VENUE.»

ET LA CIGALE NEUCHÂTELO­ISE EST FORT DÉPOURVUE

«La Cigale, ayant chanté/Tout l’été,/ Se trouva fort dépourvue/Quand la bise fut venue.» Laurent Kurth (PS) peut entonner la ritournell­e de la chanteuse de la fable, car la situation du canton horloger est encore plus inquiétant­e. Certes, il est parvenu à reprendre la maîtrise de ses charges. Mais les rentrées courantes ne couvrent pas les dépenses usuelles. La baisse des charges n’a pu compenser la forte surestimat­ion au budget des principaux revenus fiscaux. Bien sûr, le canton fait un effort louable pour investir. Mais il vit fortement à crédit en ne parvenant à payer par ses propres moyens qu’un peu plus de la moitié de ses investisse­ments (Ind. 3).

Heureuseme­nt moins catastroph­iques qu’à Genève, les ratios d’endettemen­t (Ind. 9 et 10) n’en demeurent pas moins très préoccupan­ts. Surtout avec la crise conjonctur­elle qui va enrhumer les finances publiques sur l’exercice 2020. Les lendemains neuchâtelo­is annoncent des froidures dignes de La Brévine…

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A la tête des finances depuis dix ans, Georges Godel peut pavoiser au vu des indicateur­s de santé financière du canton de Fribourg.

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