Des échecs à l’ultime naufrage
L’élément le plus saillant de la vie de Bobby Fischer est sans conteste le titre de champion du monde d’échecs obtenu en 1972 à Reykjavik contre Boris Spassky. Normal: la victoire n’est pas seulement sportive. Elle est aussi diplomatique. Qu’un citoyen étasunien s’impose en pleine guerre froide dans une discipline où, d’ordinaire, les Russes excellent, est censé illustrer la supériorité du monde libre sur le bloc communiste. Sauf que Fischer n’endossera jamais l’habit d’«américain bien tranquille» que certains voudraient le voir revêtir. En proie à de fréquentes crises de paranoïa, entretenant des relations complexes avec les femmes, confondant parfois l’identité de son géniteur, le «meilleur joueur du monde» tel qu’il se proclame lui-même, est aussi un farouche antisémite. Un comble alors que du sang juif coule dans ses veines. Dans un récit haletant, Christian Carisey retrace l’itinéraire tragique d’un homme extrêmement tourmenté et dont les rêves resteront, jusqu’à son dernier souffle, «peuplés de créatures étranges qui se déplacent sur les cases noires et blanches d’un échiquier.»