UNE MONARCHIE PAS COMME LES AUTRES
Le royaume du Maroc est cité en exemple aux monarchies arabes qui font face à des revendications pour plus de démocratie.
Il y a quelques semaines, la jet set de la capitale marocaine était encore assoupie après un concert de Rihanna qui s’était prolongé tard dans la nuit. Le roi, quant à lui, était à l’étranger, où il avait été vu portant une chemise sans col et une veste de sport dans un quartier chic de Paris. Mais ce samedi à Rabat, au siège du parti politique islamiste au gouvernement, des dizaines de représentants de l’organisation s’étaient quant à eux levés tôt. Bien coiffés, ils grignotaient des croissants avant une séance de stratégie qui durerait toute la journée. Le sujet : la tentative persistante d’un de leurs partenaires dans la coalition au pouvoir, le Parti Istiqlal, de faire tomber leur gouvernement. Le Premier ministre, Abdelilah Benkirane, leader charismatique du parti de la Justice et du Développement du Maroc (PJD), a exhorté ses troupes à rester vigilantes. «Ce n’est pas un jeu» leur a dit le leader corpulent à barbe blanche dans un discours d’une heure interrompu par des applaudissements d’approbation. «La politique, c’est des idées, des convictions, des opinions. Elle prend des années de la vie des gens, des fractions de leur vie. C’est une responsabilité. Vous avez pris cette voie depuis votre jeunesse lorsque vous avez décidé de sacrifier vos loisirs en devenant un militant du parti» . Ce pays nord-Africain de 32 millions d’habitants a évité le sort des autres pays arabes qui soit subissent des bouleversements cataclysmiques ou ont resserré l’écrou de la répression depuis qu’une vague de changement politique – commencée en 2011 – traverse la région. Mais le Maroc s’est engagé dans une curieuse expérience qui, d’après certains, pourrait servir de modèle aux monarchies du MoyenOrient confrontées à une demande de changement. D’autres, tout aussi convaincants, soutiennent que le Maroc est la preuve que ces nations sont imperméables à toute réforme véritable. Comme en Egypte, où un coup d’État soutenu par l’armée et la magistrature a renversé un gouvernement islamiste élu. Le cas du Maroc montre la persistance d’un ‘Etat dans l’Etat’ dans les pays arabes. En apparence, un gouvernement élu dirigé par un parti populiste islamiste partage le pouvoir avec le descendant d’une dynastie monarchique qui remonte au Moyen Age. Mais le roi, la cour et les forces de sécurité — appelés collectivement le makhzen — ont toujours la main haute sur les questions économiques et politiques réellement importantes. Les islamistes, cependant, ont une approche à long terme. Bien que loyal à la monarchie, M. Benkirane est un politicien talentueux qui a ses propres priorités. L’an dernier, son gouvernement a scandalisé la cour royale en publiant la liste des personnes et les entreprises qui, par privilège, ont obtenu des autorisations d’exploitation convoitées. C’était un véritable bottin mondain de ceux qui sont dans les bonnes grâces de cet Etat dans l’Etat : des membres de la