Le suivi est le maillon faible de la chaîne
«Il y a trois critiques adressées au système actuel de suivi : il est bureaucratique, laxiste, et demande beaucoup de temps», déclare Kamel Ayadi, président du Haut comité du contrôle administratif et financier
Le protocole d’accord anticorruption signé entre le Haut comité du contrôle administratif et financier (Hccaf) et le gouvernement britannique en août dernier a fixé le cadre général d’un projet de renforcement et de modernisation du système de contrôle en Tunisie. En partenariat avec l’Organisation de la coopération et du développement économique (Ocde), cette initiative conjointe engage un programme de coopération entre ces parties s’étalant sur trois ans dans le domaine de la bonne gouvernance et la lutte contre la corruption. Et c’est dans le cadre de la mise en oeuvre de cet accord qu’une journée de travail a été organisée ce mardi 19 septembre à Tunis autour du thème : «Renforcement du système de contrôle, d’audit et d’inspection, pour une meilleure gouvernance de la gestion publique», et ce, en présence de M. Kamel Ayadi, président du Hccaf, Andrew Holt, premier secrétaire de l’ambassade de Grande-Bretagne et de Miriam Allam, cheffe du programme MenaOCDE pour la gouvernance.
La prévention pour contrer la corruption
Trois ateliers de travail ont été organisés à cette fin. Le premier se rapportant à l’amélioration de la qualité de l’audit et le renforcement des capacités des institutions départementales de contrôle et d’inspection. Le second a été consacré à l’efficacité du suivi pour une meilleure gouvernance de la gestion publique, alors que le troisième atelier a porté sur la communication, reporting et les relations avec les parties prenantes. On a choisi de s’adresser au système préventif, un choix qui n’est pas fortuit .Il ramène aux fondamentaux de la lutte contre la corruption qui doit s’appuyer sur un système de prévention, ce qui permet de pérenniser toute stratégie de lutte contre la corruption. Il est vrai que la répression est nécessaire pour pouvoir en finir avec l’impunité mais la stratégie de lutte ne pourrait être pérenne si elle ne s’appuie pas sur une stratégie préventive de lutte contre la corruption. La prévention a l’avantage d’anticiper la survenance des actes de corruption, de mauvaise gestion et de malversation, a déclaré M. Ayadi lors de son intervention.
Envisager des actions novatrices
Le président du Hccaf a aussi évoqué que le choix des actions de son comité repose sur trois principes, citant en premier lieu l’exhaustivité et l’exclusivité. C’est qu’il faut essayer d’envisager des actions qui touchent toutes les composantes du système de contrôle, que ce soit le contrôle interne par le biais des audits des inspections départementales, ou le contrôle externe par la Cour des comptes, ou aussi par le Parlement qui a une mission de contrôle, outre son rôle législatif. Le deuxième principe est celui du suivi de proximité. Un choix mûrement pensé pour sortir des sentiers battus et réfléchir de manière libre pour envisager des action novatrices, introduire de nouveaux concepts en matière de suivi des missions et des rapports de contrôle émanant du Haut comité. «Le système de suivi est l’un des maillons les plus faibles dans la lutte contre la corruption. C’est une vérité de La Palice. C’est pourquoi on a opté pour le renforcement du suivi dans notre programme d’action», souligne M. Ayadi. Et d’ajouter : «Il y a trois critiques adressées au système actuel de suivi : il est bureaucratique, laxiste, et demande beaucoup de temps. On va envisager pour certaines missions de contrôle des commissions mixtes composées de magistrats et de contrôleurs généraux du Haut comité, les contrôleurs qui ont effectué la mission de contrôle et les organes audités représentés par leur corps de contrôle interne ou leurs gestionnaires, et entamer des ateliers de travail avec un engagement de la part de l’organe audité pour ne plus commettre les erreurs observées» . L’objectif du contrôle n’est pas de piéger les gestionnaires et les traquer. Le contrôle réussi est celui qui pourra à terme aider l’organe à contrôler et élever son niveau de gestion. Des guides seront mis à la disposition des gestionnaires dans ce cadre pour s’approprier les bonnes pratiques et les bonnes conduites en matière de gestion. Quant au troisième principe cité par le président du Hccaf, il s’articule autour de la nécessité de rapprocher au maximum le système de contrôle au standard international de bonne pratique.
Soutien de la Grande-Bretagne dans la lutte contre la corruption
Le premier secrétaire de l’ambassade de la Grande-Bretagne, M. Andrew Holt, a expliqué que ce programme de coopération témoigne de la volonté du gouvernement britannique de soutenir la Tunisie dans ses efforts de lutte contre la corruption. Il a qualifié le plan d’action présenté par le président du haut comité d’ambitieux, d’autant plus qu’il souligne la nécessité de «sortir de la boîte» et prône une approche créatrice pour lutter efficacement contre le fléau de la corruption. Miriam Allam, cheffe du programme Mena-Ocde pour la gouvernance, Ocde, s’est, félicitée, quant à elle, d’accompagner la Tunisie dans cette volonté de lutte contre la corruption. «Une occasion de travailler ensemble et d’échanger les visions concernant la bonne gouvernance publique. C’est en renforçant le contrôle qu’on impacte positivement la gestion», a-t-elle déclaré. Elle a conclu que cela permettra de créer quelque chose de très précieux, la confiance du citoyen dans le système. Depuis 1993, date de la création du Haut comité du contrôle administratif et financier (Hccaf), 1.746 rapports, dont 480 impliquant les institutions publiques, ont fait l’objet de suivi et ce jusqu’à l’année 2016. Le Haut comité du contrôle administratif et financier projette, dans le cadre de ce nouveau programme financé par la GrandeBretagne, d’organiser des sessions de formation pour les juges de la Cour des comptes et les membres des instances de contrôle et d’inspection en matière d’élaboration de rapports de suivi.