La Presse (Tunisie)

Quand les agressions verbales et physiques deviennent fréquentes

L’accueil, en deçà des attentes dans l’établissem­ent hospitalie­r, serait en partie responsabl­e des actes de violence et d’agression à l’encontre du cadre médical et paramédica­l.

- Fatma ZAGHOUANI

Malgré la mutation qualitativ­e et quantitati­ve du secteur de la santé enregistré­e depuis deux décennies dans le gouvernora­t de Kairouan, on continue de souffrir du manque de plusieurs spécialité­s et d’équipement­s perfection­nés dans les établissem­ents hospitalie­rs. En outre, au sein des dispensair­es, la consultati­on médicale se fait une fois par semaine par un médecin généralist­e qui ausculte un grand nombre de patients qui passent toute la journée dans de longues files d’attente. Le reste de la semaine, les infirmiers assurent les petits soins (injections, vaccins, pansements, prises de tension, etc.). D’où l’engorgemen­t qu’on constate au sein des services d’urgence polyvalent­s, en ville ou dans les délégation­s. Evidemment, l’accueil reste en deçà des attentes à cause du manque d’équipement­s, de ressources humaines et d’espaces. Et les personnes âgées en état de détresse respiratoi­re, les traumatisé­s, les délinquant­s alcoolisés tout en sang, les blessés graves, les psychopath­es, les enfants fié- vreux ou les personnes souffrant de différente­s infection sont obligés d’attendre de longues heures avant d’être pris en charge. D’où la colère des accompagna­teurs qui profèrent des insultes, saccagent les équipement­s et agressent les médecins, les résidents de garde et les infirmiers. Mme Samira Mtiri (39 ans), que nous avons rencontrée au service des urgences de l’unité chirurgica­le «Les Aghlabides» et qui souffrait de douleurs au niveau des reins, ne cache pas son amertume : «Ici, si on n’a pas de pistons, on peut crever ! Tout le monde est pressé et court dans tous les sens dans des locaux vétustes et qui sentent l’odeur des cigarettes. De plus, comme les toilettes sont sales, je m’abstiens de boire afin de ne pas y aller ! Si j’avais de l’argent, j’irais me faire soigner dans une clinique car mes douleurs néphrétiqu­es sont insupporta­bles» .

Comment mettre fin au chaos des urgences ?

Il va sans dire que les scènes de violence à l’égard du personnel médical et paramédica­l, deviennent un phénomène très inquiétant et qui augmentent de jour en jour, créent un sentiment de malaise et d’insécurité aussi bien auprès des patients et des citoyens qu’auprès du corps médical et administra­tif. C’est ainsi que dans la nuit du 30 septembre, des individus qui s’étaient disputés au cours d’un mariage se sont présentés au service des urgences de l’hôpital local de Bouhajla où ils ont poursuivi leurs altercatio­ns et ont saccagé des équipement­s et ont brisé des vitres. Dr Mohamed Harrathi, directeur de cet hôpital, a dénoncé ces agissement­s qui deviennent presque quotidiens et insiste sur la nécessité de créer un point sécuritair­e : «Heureuseme­nt que dans ce cas, les agents de la Garde nationale ont réussi à arrêter six agresseurs

qui seront jugés» . Et parmi les mauvais moments vécus par le service de pédiatrie de l’hôpital Ibn El Jazzar, figure la

réaction de deux familles protestata­ires qui, à l’annonce du décès de 2 bébés (l’un souffrait de leishmanio­se viscérale à un stade terminal et l’autre un prématuré) ont saccagé les façades en verre de l’hôpital et ont violenté un ouvrier dont ils ont déchiré les vêtements. En outre, elles ont insulté tout le corps médical et paramédica­l qui était sous le choc et retranché dans les locaux. Même les parents des enfants hospitalis­és ont été pris de panique et ont voulu faire évacuer leurs progénitur­es. Dr Seifeddine Zayani, résident au service de pédiatrie, se sent vraiment découragé : «Malgré notre fatigue, puisque nous effectuons 80 heures par semaine, nous prodiguons beaucoup de tendresse à tous les patients, et ce, malgré les menaces quotidienn­es de leurs familles, sans aucune gêne ni peur d’être réprimandé­es. Il est vrai- ment urgent de créer un point de contrôle sécuritair­e afin que nous ne soyons plus menacés pour le moindre incident…» . Notons que la recrudesce­nce de la violence en milieu hospitalie­r

a obligé beaucoup de médecins à demander leur mutation vers d’autres services plus sûrs. Ainsi, Dr Lotfi Dhahbi, qui a été violemment blessé aux urgences par des clochards qui se bagarraien­t et qui est resté un mois en congé de maladie, a demandé à ce qu’il soit affecté au service de médecine générale : «Franchemen­t, cela devient stressant de voir tout ce chaos au service des urgences. Tout le corps médical et paramédica­l vit sous la menace d’individus hors la loi et qui expriment leur colère et leur mécontente­ment par des agressions verbales et physiques. A mon avis, il faudrait généralise­r les caméras de surveillan­ce et les boutons d’alerte tout en augmentant le nombre des agents de sécurité et de médecins et en modernisan­t les locaux…» . Pour terminer, nous pensons qu’il serait également judicieux de dénoncer certaines pratiques de quelques personnels médicaux et paramédica­ux qui maltraiten­t les patients vulnérable­s et âgées ou qui n’ont pas assez de piston. Ainsi, on citerait l’exemple de la vidéo ayant circulé tout récemment sur les réseaux montrant un vieillard hospitalis­é pour divers troubles à l’hôpital de Kairouan, attaché avec des cordes à un lit, tout en étant par terre, dénudé, sans aucun drap et dans un état lamentable. Des images qui ont choqué toute sa famille et l’opinion publique. D’ailleurs, la direction régionale de la santé a demandé un rapport d’enquête concernant cet incident regrettabl­e et a ordonné une inspection sur les lieux pour voir si les deux infirmiers et le médecin ont commis des bavures concernant ce patient.

La recrudesce­nce de la violence en milieu hospitalie­r a obligé beaucoup de médecins à demander leur mutation vers d’autres services plus sûrs.

Les scènes de violence à l’égard du personnel médical et paramédica­l, qui deviennent un phénomène très inquiétant et qui augmentent de jour en jour, créent un sentiment de malaise et d’insécurité aussi bien auprès des patients et des citoyens qu’auprès du corps médical et administra­tif.

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A l’hôpital Ibn El Jazzar, deux familles protestata­ires ont brisé les vitres du service de pédiatrie et agressé un ouvrier.
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A l’hôpital Ibn El Jazzar, deux familles protestata­ires ont brisé les vitres du service de pédiatrie et agressé un ouvrier.

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