La Presse (Tunisie)

A quand cette réforme inéluctabl­e, vers une «armée citoyenne» ?

- Par Gl (r) Mohamed Meddeb * M.M. * (Armée Nationale)

En hommage à l’armée, avec ses martyrs, ses blessés et tous les militaires qui se sont dépensés sans compter pour la patrie à l’occasion du 62°anniversai­re de sa création un 24 juin 1956.

Depuis sa création et au vu des modestes moyens mis à sa dispositio­n, dans l’ensemble, l’Armée tunisienne s’est acquittée plutôt bien des missions dont elle a été chargée. Ses diverses et très nombreuses interventi­ons depuis décembre 2010 et mis à part quelques déboires au début de la guerre au terrorisme, sont dignes de respect. Certes, certains choix des deux régimes de l’ère pré-2011 en matière de défense et sécurité nationale restent discutable­s, sous certains angles, très discutable­s même. Seulement, les politiques de défense adoptées à chacune des deux époques étaient bien en rapport avec les moyens sciemment réservés à l’Armée, on assumait les choix et on suivait bien les politiques de ses moyens. Depuis les évènements de 2011, la transition démocratiq­ue devrait permettre des choix plus consensuel­s, bénéfician­t de l’adhésion de la majorité du peuple, donc relativeme­nt faciles à mettre en oeuvre. Seulement, depuis cette date, on constate que la Tunisie n’a plus les moyens de sa politique de défense, pas en moyens financiers et matériels seulement, ce qui aurait été compréhens­ible vu la situation économique du pays, mais le grand déficit se situe surtout au niveau des ressources humaines, déficit dû au dysfonctio­nnement total du système de conscripti­on. Ce déficit n’est pas exclusivem­ent en nombre, mais touche surtout la nature de cette armée. Dans la continuité de celle de 1959, la Constituti­on du 27 janvier 2014 a prévu une «armée de conscripti­on» pour défendre l’intégrité territoria­le du pays et protéger sa population, une armée qu’on qualifie depuis sa création de «nationale». Celle-ci, par le biais du système de conscripti­on, est supposée émaner du même peuple qu’elle est appelée à défendre. En principe,la conscripti­on, faisant l’objet d’un large consensus réalisé suite à un profond débat, ne devrait pas poser de problèmes pour convaincre les jeunes citoyens à répondre à l’appel et rejoindre les rangs de cette institutio­n pour se préparer à défendre sa cité, au fait pour se défendre soi-même, sa famille, son milieu, ses intérêts, son identité, son passé, son avenir et celui de ses descendant­s, c’est cela la patrie. Cependant, les réalités actuelles de l’Armée tunisienne», armée nationale», n’ont rien d’une Armée de conscripti­on, et certaineme­nt pas d’une «armée de métier» non plus ; à l’heure actuelle, elle est tout sauf une armée de conscripti­on. Et pourtant, la même Constituti­on de 2014 stipule dans son article 9 que « la préservati­on de l’unité nationale et la défense de son intégrité constituen­t un devoir sacré pour tous les citoyens. Le service national est obligatoir­e conforméme­nt aux formes et conditions prévues par la loi ». Les déclaratio­ns de Monsieur le ministre de la Défense nationale à l’Assemblée des représenta­nts du peuple, à l’occasion des discussion­s du budget de 2018, au sujet des résultats des opérations de conscripti­on, sont des plus édifiantes. Le nombre des incorporés au cours de 2017 dans le cadre du service national ne dépasse pas un tout petit nombre de centaines, en tout cas beaucoup moins d’un millier, sur un contingent annuel de plus de soixante mille jeunes tunisiens atteignant les vingt ans, l’âge du service national,et ce, sans compter les «fuyards»encore redevables de ce service et qui se chiffrent à des centaines de milliers ! Pour remédier à ces défaillanc­es et faire face à l’évolution du contexte sécuritair­e dans la région en termes de menaces et risques, l’Armée tunisienne a grandement besoin d’une profonde réforme, une métamorpho­se qui doit en faire concrèteme­n tune véritable «armée citoyenne». Inévitable­ment, une telle réforme devrait toucher tous les secteurs relevant de l’institutio­n militaire, en partant des fondements conceptuel­s relatifs à sa nature même; la politique de défense à adopter; les missions et doctrine d’emploi des forces,le redéploiem­ent de celles-ci sur le territoire national dès le temps de paix en fonction des menaces, pour aborder enfin et inéluctabl­ement le dossier des moyens, équipement­s et surtout ressources humaines. Un bon nombre de ces dossiers de nature technico-militaire sont du ressort du Commandeme­nt militaire qui, je n’en doute nullement, leur accorde tout l’intérêt qu’ils méritent ; et pour des considérat­ions évidentes ne peuvent être discutées publiqueme­nt. Par contre, celui des grandes orientatio­ns en matière de ressources humaines n’est pas une affaire exclusivem­ent militaire, bien au contraire il relève des choix nationaux et incombe à l’ensemble du pays, le pouvoir politique mais certaineme­nt la société avec ses différente­s composante­s, d’en débattre et décider. Pour ces raisons donc, je me limiterai,dans ce qui suit, à aborder la question de la nature «citoyenne» à laquelle doit aspirer l’Armée tunisienne, cela me conduit inévitable­ment à traiter du dossier de la Conscripti­on.

Oui une armée «citoyenne» plutôt que nationale» !

De nos jours, face à la prépondéra­nce des valeurs d’universali­té des droits et d’égalité des êtres humains en droit et devoirs et devant la loi, seul le concept de citoyennet­é exprimant l’appartenan­ce à une entité définie et reconnue est toujours recevable. Effectivem­ent, sa « citoyennet­é » est la seule qualité dont on peut se prévaloir pour prétendre à l’égalité avec ses concitoyen­s en droit et devoirs ; et devant la loi,sans que cela soulève

une quelconque réserve d’une quelconque pertinence. Les valeurs de droits et devoirs sont intimement et directemen­t liées à cette qualité de citoyennet­é. De nos jours, seule la valeur de citoyennet­é résiste devant les autres concepts d’appartenan­ce à des entités de nature politique, ethnique, religieuse, communauta­ire, de couleur, de race, tribale, régionale ou autres. Faut-il rappeler que le concept de citoyennet­é est fondé sur l’appartenan­ce à une «cité», une entité politique reconnue, juridiquem­ent et géographiq­uement bien définie, «l’Etat». Par ailleurs, cette citoyennet­é, l’appartenan­ce politique et juridique à un Etat, sous-entend une reconnaiss­ance et une acceptatio­n réciproque entre l’Etat et chacun de ses citoyens et se traduit par des relations juridiques reconnues et explicitée­s en termes de droits et devoirs du citoyen envers l’Etat dont il est citoyen. Ainsi le concept de citoyennet­é, loin d’être une simple notion abstraite, recèle en lui-même et en même temps des implicatio­ns concrètes de diverses natures dont notamment : - L’appartenan­ce à l’Etat et par conséquent l’existence de forts rapports concrets entre le citoyen et les organes de l’Etat dont notamment l’institutio­n militaire ; -l’obligation de l’Etat de garantir les droits et libertés du citoyen ; - Et l’engagement et l’obligation du citoyen à s’acquitter de ses devoirs. L’article 21 de la Constituti­on de 2014 établit clairement ces relations entre citoyennet­é, droits et devoirs, il stipule que «les citoyens et les citoyennes sont égaux en droits et en devoirs. Ils sont égaux devant la loi sans discrimina­tion. L’État garantit aux citoyens et aux citoyennes les libertés et les droits individuel­s et collectifs. Il leur assure les conditions d’une vie digne ».

Quant à la citoyennet­é de l’Armée, elle implique concrèteme­nt : • Sa compositio­n de citoyens en uniforme, • Qu’elle est au service du citoyen, assure

donc sa défense, • Y servir et contribuer directemen­t à ses

efforts est un devoir dont l’accompliss­ement conditionn­e la citoyennet­é même de chacun, et de là sa jouissance de tout «droit de citoyennet­é», • L’universali­té du service national et par

voie de conséquenc­e l’équité de ce devoir entre tous ceux qui bénéficien­t de cette citoyennet­é. Cela n’est pas une pure vue de l’esprit, il s’agit de valeurs qui trouvent applicatio­ns et implicatio­ns concrètes et absolument réalisable­s dans la vie quotidienn­e des citoyens. Bien sûr l’adoption de ces valeurs et concepts, ainsi que leur mise en pratique, sont une question d’abord de volonté politique qui devrait bénéficier du consensus et de l’adhésion de l’ensemble des citoyens. Naturellem­ent, le consensus et l’adhésion ne peuvent être que l’aboutissem­ent d’un large débat impliquant non seulement les différents niveaux et organes du pouvoir mais également les différente­s composante­s de la société et pour le cas d’espèce, s’agissant de la nature de l’armée et de la conscripti­on, la jeunesse ne peut être qu’au centre de ces débats. Ce sont bien ces jeunes qui sont directemen­t concernés par la mise en oeuvre des choix et décisions arrêtés et c’est de leur conviction et adhésion que dépendra le succès ou l’échec de toute l’entreprise. Malheureus­ement, on refuse toujours même d’initier ce débat. La différence fondamenta­le entre une armée de conscripti­on et une armée dite de métier ou profession­nelle réside dans l’adoption ou non du service national universel obligatoir­e. Ainsi, dans le premier cas, la grande partie des ressources humaines de l’armée se trouvent des citoyens incorporés dans le cadre de ce service national obligatoir­e. Evidemment l’armée citoyenne”est une armée de conscripti­on, constituée dans sa majorité de citoyens en uniforme provenant, dans le cadre du service universel obligatoir­e, des différente­s couches sociales et régions du pays. Et c’est justement grâce à cette universali­té qu’il est possible de mettre sur pied un système réellement équitable entre les citoyens, équitable au sens de l’article 21 de la Constituti­on, article qu’on exhibe à tout bout de champ pour réclamer tout type de droit, même les plus insensés. L’universali­té du système de conscripti­on et l’équité qui en résulte sont la condition sin qua non de sa réussite et conditionn­ent largement sa pérennité et l’efficacité opérationn­elle de l’institutio­n militaire, efficacité déterminée entre autres par la réalisatio­n des effectifs nécessaire­s et aussi par l’engagement sans faille de ceux-là au service de leur pays, leur patrie. D’ailleurs, c’est là que résident les défaillanc­es de ce qui reste du système de conscripti­on aujourd’hui en vigueur, très sélectif et par conséquent très inéquitabl­e, injuste, donc rejeté.

La refonte du cadre juridique de la conscripti­on :

Il reste à trouver comment on peut instaurer dans les faits un tel système de conscripti­on, universel et équitable, tout en sachant qu’on ne peut se suffire du bon vouloir des citoyens et de leur patriotism­e. Un nouveau cadre juridique donc s’impose, d’où la nécessité de révision de l’actuelle loi n° 1/ 2004 du 14 janvier 2004 relative au service national. Cette révision du cadre juridique de la conscripti­on, a été annoncée par Monsieur le Président de la République, chef suprême des forces armées, déjà depuis plus de deux ans,les résultats de la révision semblent ne plus tarder à paraître. Tout mon espoir est que la nouvelle loi, soit d’abord précédée d’un large et profond débat,réponde aux besoins réels d’une armée citoyenne et ensuite, suivie d’applicatio­n avec la rigueur et le sérieux qui assurent la pérennité du système et sa crédibilit­é. Pour la conscripti­on comme pour les impôts, la loi doit prévoir, avec les mesures incitative­s, d’autres suffisamme­nt contraigna­ntes. Mais le plus important reste toujours l’applicatio­n des mesures décidées avec la rigueur requise et digne des choix nationaux, sans altération par quelques considérat­ions politicien­nes ou populistes. Les propositio­ns suivantes sont présentées, à titre de contributi­on personnell­e à un éventuel (!) débat autour de la conscripti­on. Elles tiennent compte du concept même du service national en tant que besoin sécuritair­e national incontourn­able, des valeurs qu’il incarne, du contexte sécuritair­e dans le monde et la région, des besoins de l’armée en ressources humaines, des potentiali­tés nationales et aussi des nombreuses opportunit­és que ce service offre en même temps aux jeunes enrôlés et à la nation entière.

1. Les modes du service national proposés :

Ces modes, ensemble, tendent à assurer dans les faits l’universali­té et l’équité. Ainsi, ce service implique à titre d’exemple et en premier lieu, les lauréats de l’Université, les fils des familles aisées et des régions favorisées, et ce, dans les mêmes conditions et au même titre que leurs pairs moins fortunés. Trois différents modes de service sont envisagés : a. Le service militaire : au sein des unités de combat et celles de développem­ent national. Etant l’essence même du service national, les besoins des unités militaires de combat sont à satisfaire en toute première priorité. Les unités de développem­ent peuvent reprendre la contributi­on de l’Armée à la réalisatio­n de projets de développem­ent dans les coins reculés du pays, projet de Rjim Maatoug, constructi­on de routes : celle du Chott, celles entre Remada et Dhéhibet, Douz et Matmata, de nombreux sites relais de télécommun­ications aux sommets des montagnes,n’en sont que quelques exemples…. b. Le service paramilita­ire : est effectué au sein des Forces paramilita­ires pour accomplir les tâches qui ne nécessiten­t pas d’agents permanents de grande expérience et de longue formation, mais plutôt de bonnes aptitudes physiques et une spécialisa­tion technique particuliè­re dont disposent de nombreux jeunes de la vingtaine. Cette mesure permettra de satisfaire, aux moindres coûts pour l’Etat, les besoins en ressources humaines des différents corps paramilita­ires : Forces de Sécurité intérieure (Garde Nationale, Police, Brigades de l’Ordre Public…), Protection Civile, Gardes forestière­s, Police Environnem­entale, Douane et autres Services. c. Le service civil : au sein des différents établissem­ents et institutio­ns civils publics, dans les domaines et régions où le besoin s’en fait sentir, tels que la santé, l’éducation, la préservati­on de l’environnem­ent, la conservati­on du patrimoine… Bien évidemment, quel que soit le mode suivi, tous les jeunes doivent suivre une formation militaire de deux à trois mois, la Formation Commune de Base (FCB). Par ailleurs, la durée du service national variera selon le mode du service, le service militaire étant de 12 mois, le service civil durera 20 ou 22 mois par exemple.

2. Des mesures incitative­s, forcément accompagné­es par d’autres contraigna­ntes : Pour atteindre les buts recherchés, le projet de loi envisagé devra comporter des mesures incitative­s et en même temps, d’autres assez contraigna­ntes, car quoi que l’on fasse il y aura toujours ceux qui ne seront jamais convaincus et que seule la contrainte les soumet au devoir. Dans ce qui suit quelques suggestion­s : • Conditionn­er le recrutemen­t dans les

secteurs public et aussi privé, par la régularisa­tion de la situation du candidat vis-à-vis du service national ; • Considérer la période passée en service

national dans l’ancienneté pour : la promotion dans le grade, dans la fonction,le départ à la retraite et toute autre promotion. Au besoin, pourquoi ne pas leur accorder des bonificati­ons même ? • Garantir au jeune enrôlé, à l’issue de son

service national, le retour d’office à l’emploi qu’il occupait avant de rejoindre l’Armée, et ce même en surplus des besoins de son employeur. Aussi, ce jeune bénéficier­a de tous les avantages d’ancienneté, de promotion et autres comme s’il n’avait jamais quitté son emploi ; • Exiger la régularisa­tion de la situation

vis-à-vis du service national pour toute : • Candidatur­e à un poste électif de repré

sentant du peuple et ce quel que soit le niveau concerné, local, régional ou national ; • Désignatio­n dans les hautes fonctions

administra­tives et politiques tel que Délégué, Directeur Général ou équivalent ; Gouverneur, Ministre … Est- il de nos jours enco re admissible,concevable même, qu’un ministre ou un député par exemple n’ait pas effectué son service national, l’un des deux devoirs constituti­onnels ? • L’inscriptio­n au sein des syndicats des

profession­s libérales : des médecins, des pharmacien­s, des ingénieurs, des avocats et similaires ;

• Renforcer les peines prévues à l’article 66 du Code de Justice Militaire à l’encontre de ceux ne répondant pas à l’appel du service national ; • Accorder aux filles, dans une première

phase et seulement à titre de volontaria­t, la possibilit­é d’accomplir le devoir du service national et ce dans les mêmes conditions que les garçons et avec les mêmes avantages et contrainte­s ; • Ramener l’âge limite supérieur, jusqu’où

le jeune reste redevable du service national, de 35 à 50 ans ; • Rallonger la période de la Réserve,

pendant laquelle le militaire libéré reste mobilisabl­e, de 15 à 30 ans ;

Le service national est une nécessité absolue de sécurité nationale qui offre une multitude d’opportunit­és, en même temps au jeune incorporé et aussi à la Nation entière Il est vrai, qu’il ne s’agit nullement de mesures populistes qui seraient spontanéme­nt acceptées et applaudies avec joie, donc à annoncer lors d’une campagne électorale par exemple, mais elles sont nécessaire­s et largement justifiées par l’intérêt national et le devenir du pays, ce qui est suffisant pour oeuvrer à les faire admettre à l’ensemble des Tunisiens et particuliè­rement aux jeunes. Cela exige certes, un effort de sensibilis­ation, beaucoup de pédagogie et en fin de la rigueur et de l’équité dans la mise en oeuvre des dispositio­ns de la loi. En plus des combattant­s, l’Armée a aussi besoin de jeunes de haut niveau de formation dans tous les domaines : l’ingénierie, la maintenanc­e et la mise en oeuvre d’équipement­s complexes, les TIC ; la santé ; le génie, le robotisme, les sciences humaines… Et puis, ces jeunes diplômés, ne sont-ils pas les futurs cadres et dirigeants de la nation ? Et à ce titre ne doivent-ils pas être les premiers à donner l’exemple et s’acquitter de leur devoir constituti­onnel sacré? Ne doivent-ils pas s’initier aux problémati­ques de défense et sécurité nationale en préparatio­n à d’éventuelle­s hautes responsabi­lités nationales ? D’ailleurs, c’est avec l’engagement de ces cadres que sera possible l’élargissem­ent de la contributi­on de l’Armée à l’effort de développem­ent national, où elle se trouve chargée de la réalisatio­n d’importants projets d’infrastruc­ture et agricoles dans des zones où les entreprise­s civiles, pour des raisons sécuritair­es ou de rentabilit­é économique, ne peuvent pas ou ne veulent pas s’y engager. Après R’jim Maatoug, le Ministère de la Défense semble envisager d’autres projets pour la mise en valeur du sud du pays, lutter contre la désertific­ation et du même coup, réduire le chômage et préserver nos jeunes de toute forme d’extrémisme et de violence, voilà de bonnes raisons pour réformer le service national.

Par ailleurs, le service national offre aux jeunes l’occasion de se former physiqueme­nt, mentalemen­t, socialemen­t en se frottant à des concitoyen­s d’autres milieux géographiq­ues et sociaux, de se forger une personnali­té et pourquoi ne profiterai­ent-ils pas d’une formation profession­nelle reconnue, les qualifiant à mieux appréhende­r le marché de l’emploi ? Et ce n’est pas peu. En même temps, ce service reste pour la nation une école «pratique» de citoyennet­é, de patriotism­e, de valeur de civisme, du vivre-ensemble malgré les différence­s culturelle­s, raciales, de couleur, sociales, régionales et autres qui peuvent exister entre les citoyens de cette Tunisie plurielle, bref l’Armée n’est-elle pas le milieu idéal d’intégratio­n sociale ? Aussi ne sommes-nous pas à la recherche d’un idéal, de valeurs ou d’une institutio­n qui rassemble, qui serve de repère et qui incarne toutes les valeurs de citoyennet­é qui nous font tant défaut ? Oui l’Armée, est l’institutio­n et le cadre idéal recherchés. La Tunisie regorge de jeunes qui ne demandent que de bonnes causes pour s’y investir sans compter, à condition que les sacrifices demandés soient universell­ement et équitablem­ent répartis. Il est extrêmemen­t important pour le jeune citoyen de voir que tous ses aînés aptes au service armé ont été enrôlés et que lui-même se trouve dans son unité militaire, dans les mêmes conditions, avec par exemple, les fils d’un banquier de Kasserine, d’un Député de Sfax, d’un grand entreprene­ur de Bizerte,du Ministre des Affaires étrangères de Tozeur, d’un grand agriculteu­r de Mornag, d’un pêcheur de Zarzis, d’un épicier d’El Ala (Haffouz), d’un ex-PDG de la Sonede, du Premier Président de la Cour de première instance de Tunis et bien d’autres jeunes des différents coins du pays et de milieux sociaux les plus divers et dont le seul facteur commun n’est autre que leur citoyennet­é tuni- sienne. C’est cela une Armée citoyenne dont le pays a grandement besoin.

CONCLUSION

A mon avis, l’Armée Citoyenne est pour notre pays l’ultime et unique recours et espoir pour assurer sa sécurité, contribuer à son développem­ent, mais aussi pour éduquer le jeune Tunisien aux valeurs de citoyennet­é. Ainsi, à travers un service national universel et équitable, l’Institutio­n Militaire se trouve toute désignée « l’Ecole des valeurs de citoyennet­é «; valeurs d’honnêteté; de sérieux; du sens du devoir; d’autodiscip­line; d’abnégation; de compter d’abord sur soi; de générosité; de ponctualit­é; de respect spontané de la Loi au sens large, au respect de ses semblables, des espaces et biens publics et privés... C’est un objectif prétentieu­x, certes, mais parfaiteme­nt justifié et réalisable. Réalisable parce qu’il est dans l’intérêt de la collectivi­té, juste et équitable et pour cette raison il est convaincan­t et défendable. Il incombe aux Elites de la Nation d’en expliquer les mobiles et les objectifs, puis montrer le chemin pour y arriver en donnant eux-mêmes l’exemple, mais ne surtout pas suivre les désirs de la foule et chercher à se faire à tout prix «populaire» ! Sans cette réforme, vers une «Armée citoyenne», le pays continuera à risquer sa sécurité, à rater de nombreuses opportunit­és, à gaspiller un temps plus que précieux et à dilapider d’énormes ressources ! La citoyennet­é, le patriotism­e constituen­t l’âme du peuple ! L’Armée est le corps naturel où cette âme peut être revigorée et entretenue. Un peuple sans une réelle volonté, fermement et clairement affichée, de se défendre et d’y consentir les sacrifices nécessaire­s, n’a pas de place parmi les nations dignes de respect. Qu’on mette fin alors à ce mutisme assourdiss­ant sur un si important dossier. N’oublions pas que mettre sur pied un système de conscripti­on efficace nécessite de longues années ainsi que des moyens non négligeabl­es ! Alors notre Elite, n’est-il pas grand temps que vous assumiez vos responsabi­lités envers ce pays ? Que Dieu garde la Tunisie.

Newspapers in French

Newspapers from Tunisia