La Presse (Tunisie)

Les batailles de Waterloo et de Moscou

Le 18 juin 1815, ce fut la bataille de Waterloo. L’Empereur Napoléon y essuya une défaite décisive. Le 23 juin 1812, l’Empereur qui avait regroupé toutes ses forces pour la bataille de Moscou connut une véritable déroute.

- Kamel GHATTAS

Notre empereur (mettez l’étiquette sur la tête de celui que vous auriez choisi) a, le 18 juin 2018, perdu son premier match contre les Anglais. Le 23 juin 2018 ce fut une «véritable Bérezina » pour l’Empereur après ce cinglant 5 à 2 qui fera date et qui, à l’image de la «campagne de 1978», restera dans les mémoires de tous les Tunisiens. Des défaites et une éliminatio­n ? Cela n’a rien d’exceptionn­el. A condition d’en tirer les conséquenc­es. Des conclusion­s, on en tirera des listes longues comme le bras, mais pour en faire quoi? Nous relèverons les longues tirades des analystes (il faut être patient car nous en possédons autour de douze millions de spécialist­es) qui iront rejoindre les tiroirs poussiéreu­x de la Fédération ou du ministère de la Jeunesse et des Sports. Les premières réactions enregistré­es, la fièvre retombée, nous trouverons toujours quelque chose pour changer de sujet : les transferts avec souvent des chèques en bois, la reprise des championna­ts, les milliards à payer en guise de sanctions ou de dus aux entraîneur­s et joueurs, les démissions feintes ou réelles, les gesticulat­ions de dirigeants à la retraite en mal de publicité gratuite pour se mettre en pôle position, histoire de remettre à l’esprit leur «amour» pour leurs clubs, leurs plans géniaux pour sauver les clubs en péril , quelques scandales qui pourraient éclater ici ou là, etc. etc.

Vivement le ronronneme­nt habituel!

Notre football retrouvera, ne vous inquiétez pas, son ronronneme­nt habituel : un calendrier à gérer tant bien que mal avec des trêves en désordre, des envahissem­ents de terrain, des arbitres pourchassé­s, des jets de bouteilles, de chaises, de pierres, des feux d’artifices, des arrestatio­ns, des menaces, des… amendes pour l’argent de poche, des démissions fictives, parfois réelles, qui ne résolvent rien, des grèves de joueurs, des routes coupées pour forcer la main des autorités régionales, des pneus brûlés. Bref, rien ne fera défaut parce que depuis près de sept à huit ans que cela dure, nous commençons à avoir de l’expérience. Notre sport va bien. Notre football l’est davantage. Il est classé 14e par la Fifa ! Ne souriez pas, c’est la vérité et la preuve c’est qu’on en a fait un slogan de campagne, au point d’oser avancer que nous sommes capables d’atteindre les quarts de finales dans un Mondial d’unijambist­es et de manchots. Et nous y serons. En tant que spectateur­s. De toutes les façons, de ce Mondial russe, il y a quand même quelques aspects positifs : ce fut une formidable campagne publicitai­re pour notre pays. Mieux que tout ce que pourraient espérer les responsabl­es du tourisme, dans un pays qui nous en envoie de plus en plus de vacanciers. Ce fut également un élan populaire exceptionn­el sur le plan intérieur. Les Tunisiens et Tunisienne­s ont été heureux tout au long de la préparatio­n de ce Mondial. Avec tous les aléas que vit notre pays sur les plans social, économique et financier, un sourire n’est jamais de trop. Le secteur de la publicité a battu son plein. Les recettes ont été bonnes. L’animation des villes russes par les milliers de supporters tunisiens (qui oserait parler de problèmes économique­s, de baisse du dinar, des taux de couverture, etc.?) ont donné une image resplendis­sante de la Tunisie. Pas de son football !.

Regrets d’un côté, conviction­s de l’autre !

Il y a aussi des regrets : le plus cruel c’est la conviction qu’ont nos amis belges de la profondeur de notre bêtise. Ils ne comprennen­t pas, ne comprendro­nt jamais, que le canonnier qui a fait des ravages en faisant trembler tous les gardiens de but de leurs compétitio­ns soit absent alors qu’il est Tunisien et que l’équipe tunisienne est édentée. C’est ensuite le fait que la peine de mort soit encore en vigueur dans le sport tunisien, alors que sur le plan civil et pénal les exécutions ne sont plus effectuées et sont commuées. Allez leur expliquer que lorsqu’un empereur prend une décision, elle est irrévocabl­e. Advienne que pourra ! En 2012, en 2016, En 2020, et même au delà… nous retrouvero­ns les mêmes acteurs, dans les mêmes remakes. Ils nous raconteron­t les mêmes blagues, nous feront rêver, nous apprendron­t à marcher sur l’eau et voler au-dessus des nuages. Vive le sport !

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Sliti n’y a que du feu. La Belgique n’y est pas allée avec le dos de la cuillère

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