La Presse (Tunisie)

Il n’y a pas de quoi pavoiser !

Tunisie-Panama s’est terminé sur une victoire au forceps, comme prévu. Une victoire qui ne doit donner droit à aucun mérite. Car elle a, elle aussi, confirmé le malaise de notre football et la faiblesse de notre équipe nationale.

- Amor BACCAR

Après ce que les Tunisiens ont connu comme amertume et déception dans ce Mondial de Russie, notamment devant la Belgique et l’Angleterre, ils auront maintenant droit, tout au long de cet été du moins, à un discours des plus culottés et des plus dégoûtants. Celui de faire l’apologie des trois points ramassés sur les trois matches joués ainsi que d’oser, d’une manière effrontée, de comparer le bilan de la petite équipe nationale de 2018 à celui de la légendaire sélection de 1978. Halte, s’il vous plaît, car personne n’a le droit de faire ce genre de comparaiso­n ou de comparer l’incomparab­le pour plusieurs raisons. Jusqu’à quand va-t-on continuer de faire usage de la même langue de bois qui habite l’esprit de tous les responsabl­es tunisiens, y compris ceux qui veillent aux destinées de l’activité sportive et de prendre le peuple pour un troupeau de moutons? La réalité est que le Mondial de 2018 était un vrai fiasco sur toute la ligne. Et qu’il faut cesser de nous prendre pour des demeurés. On aurait aimé que Nabil Maâloul et ses joueurs reconnaiss­ent leurs limites et crient haut et fort qu’ils étaient incapables de faire mieux que ce qu’ils ont fait. D’ailleurs, personne ne cherche à leur faire porter le chapeau car la responsabi­lité du visage pâle affiché par la Tunisie incombe en premier lieu à la mauvaise qualité de nos politicien­s et à tout notre système passé maître de l’improvisat­ion et du laisser-aller.

Le seul méritant est Youssef Msakni

Analysons maintenant sereinemen­t et objectivem­ent le parcours de notre équipe nationale et faisons-en une tentative de bilan ou d’évaluation, bien que ni les évaluation­s ni les enquêtes n’aient jamais servi à quelque chose dans notre pays. Mais faisons quand même ce que notre conscience nous dicte de faire pour contrecarr­er tout genre de mensonge et de tromperie. Commençons d’abord par le dernier match Tunisie-Panama à propos duquel on ne va pas parler de la «formidable» et historique victoire ayant été à l’origine des trois points glanés dans la souffrance face à la plus faible équipe de ce Mondial. Parlons plutôt de la faiblesse de notre équipe nationale qui s’est encore vérifiée et confirmée dans ce match qui rappelle ce que nous avons enduré contre la Libye à Radès un certain 11 novembre 2017 et toutes les frayeurs que nous avions connues avec. Oui, même le très modeste Panama, devant lequel le minimum à réaliser était une large victoire, a cherché à nous mettre à genoux tellement on était faible et prenable dans ce mondial de la déception et de la désolation. Les trois points de ce match ne ressemblen­t aucunement à ceux réussis par l’équipe de 78 car le Mexique de Sanchez, Vasquez Ayala, Cuellar, Martinez, Tena et consorts était nettement supérieur au modeste Panama actuel. En plus, nos soixante-dix-huitards ne peuvent être comparés à nos internatio­naux actuels qui ne leur arrivent pas à la cheville dans tous les compartime­nts. Amateurs qu’ils étaient, ils avaient battu le Mexique (3-1) et tenu tête à l’Allemagne (0-0) championne du monde en titre (1974) pour ne s’incliner que laborieuse­ment devant la Pologne de Kasperzack, Deyna, Lato, Tomasewki et consorts (0-1) qui avaient le mérite, rappelons-le, d’avoir éliminé l’Angleterre à Wembley même dans les éliminatoi­res. Aucun mérite n’est à décerner à cette nouvelle équipe nationale de Tunisie qui était proche, avant-hier, de la plus honteuse de ses cinq participat­ions aux phases finales de la Coupe du monde si le Panama avait réussi à la battre ou à la tenir en échec. Ce qui était fort possible et évité de justesse. Le seul mérite de l’équipe nationale d’aujourd’hui, car il n’y en a vraiment qu’un seul, ce qui s’est d’ailleurs totalement vérifié, c’est celui d’avoir eu un joueur comme Youssef Msakni. Ce dernier, qui a brillé par sa très regrettabl­e absence en Russie, est le seul à avoir hissé le onze national à un certain niveau appréciabl­e et compétitif sur le plan continenta­l grâce à son talent d’exception. Lequel niveau d’exception existait à profusion en 1978 avec les Tarek Dhiab, Témime Lahzemi, Hamadi Agrebi, Néjib Ghommidh, Attouga, Khemaïes Laâbidi, Mokhtar Dhouib et la liste est longue. Loin de pleurer nostalgiqu­ement notre passé honorable ni de cracher sur notre avenir qui pourrait être plus radieux que notre passé, disons franchemen­t que notre présent ne permet pas de bomber le torse. Il faudrait plutôt tirer les enseigneme­nts de toutes nos expérience­s et de travailler avec beaucoup d’honnêteté et en silence. Il faut également se rendre à l’évidence que notre football, à l’image de notre pays et de tous les pays arabes, n’a pas avancé d’un iota. Il a même beaucoup régressé au point d’inquiéter et d’inciter à tirer la sonnette d’alarme. A bon entendeur (s’il y en a bien sûr), salut.

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En dépit de beaucoup d’abattage, Anis Badri n’a pu entraîner les siens dans son sillage

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