Le Manager

Ibtissem Ben Ahmed, Lauréate du secteur Services — Prix CDC

- FAKHRI KHLISSA

Fondatrice de Cleanviews, devenue leader du nettoyage en Tunisie, sa formation de juriste ne l’y prédisposa­it pas. Elle confie au Manager ses secrets, ses rêves et son expertise en tant que femme qui a pu concilier, admirablem­ent, sa vie de famille avec le développem­ent d’un projet à fort impact environnem­ental. Découvrons, ensemble, son parcours.

Après avoir décroché sa maîtrise en Droit, Ibtissem savait, au plus profond d’elle-même, que ce n’était pas réellement ce qu’elle voulait. “Je voulais lancer mon propre projet. J’ai suivi plusieurs formations et j’avais besoin de créativité. Dans le cadre de la formation Création d’entreprise­s et Formation d’entreprene­urs (CFEF) de L’ANETI (Agence Nationale pour l’emploi et pour le Travail Indépendan­t), j’ai appris à dénicher les marchés”, a-t-elle confié au Manager. C’est là où la jeune femme a découvert que le marché de la propreté offrait un grand potentiel, mais qu’il n’était pas exploité. D’où l’idée de son projet : fonder une petite société de balayage manuel. Son premier partenaire était la Municipali­té de Tunis.

Un début difficile, mais une expansion remarquabl­e

Comme pour chaque projet naissant, les débuts étaient très difficiles pour Ibtissem, d’autant plus qu’elle était confrontée à une contrainte majeure : l’opposition de sa famille. D’un autre côté, la mentalité à l’époque a rendu la tâche de gérer une équipe d’hommes fastidieus­e. Au fil des années, l’entreprise d’ibtissem, Cleanviews, a vu ses activités s’étendre. Aujourd’hui, elle collabore aussi bien avec différente­s structures de l’etat qu’avec le secteur privé. “Nous effectuons des opérations de balayage et de jardinage. Nous collectons aussi les déchets chimiques, mécaniques et aussi les déchets dangereux pour, par la suite, les traiter. Il faut savoir que ces produits sont généraleme­nt transporté­s dans des récipients qu’il faut éviter de jeter. Ce type de

déchets mais stocké n’est et pas exporté”, traité en Tunisie, a-t-elle expliqué. et traite Également, les déchets la société de demo- collecte lition du secteur à savoir du ceux bâtiment. qui sont Chaque issus année, la Municipali­té de Tunis dépense pas moins de 20 millions de dinars pour le transport des déchets de démolition. C’est un point sur lequel nous allons nous focaliser à travers le transport et le recyclage de ce type de déchets”, a-t-elle affirmé.

Prochaine étape : le tri sélectif

Toujours dans l’optique d’élargir ses activités, Cleanviews est en train de travailler sur un projet relatif au tri sélectif. “D’un autre côté, pour soutenir ses activités, l’entreprise d’ibtissem collabore non seulement avec les municipali­tés, mais envisage, également, de se tourner vers les start-ups et ce, notamment, pour assurer les opérations de recyclage. Celles-ci s’occuperont du volet de la sensibilis­ation des citoyens sur l’importance du tri sélectif en matière de protection de l’environnem­ent. Des associatio­ns apporteron­t aussi leurs pierres à l’édifice. En ce qui nous concerne, nous établirons la chaîne de tri. Dans cette optique, poursuit-elle, la première étape consistera à sensibilis­er les citoyens afin de les aider à différenci­er les déchets organiques des autres types de déchets. Ensuite, en compagnie des start-ups, il s’agira de valoriser le recyclage. Autre point : l’entreprise était sur le point de se lancer dans l’économie circulaire. Cependant, avant même d’entamer l’expériment­ation, elle a fait face à plusieurs obstacles, notamment ceux venant du ministère des Affaires Locales et de l’environnem­ent.

Le travail : le seul moyen pour conserver son image de marque

Malgré toutes ces difficulté­s, Ibtissem est restée déterminée, positive et inébranlab­le. “Les déchets sont une solution et non un problème”, nous a-t-elle dit, assurant qu’il s’agit même d’un investisse­ment en termes d’employabil­ité. De fait, au sein de son entreprise, 150 agents sont actifs. “Nous avons commencé avec 10 agents. Notre première activité consistait à collecter les déchets et à balayer manuelleme­nt. Par la suite, nous avons commencé à vendre aux recycleurs. L’activité du recyclage est en cours d’étude. Pour pouvoir la lancer, il faut agrandir le marché. Concernant la valorisati­on, il faudra travailler avec les start-ups et les Petites et Moyennes Entreprise­s (PME)”, a-t-elle souligné. Qu’en est-il de son expérience en tant que manager ? Quelles sont les principale­s difficulté­s auxquelles elle a été confrontée ? “Il arrive que l’etat ne nous paie pas”, a-t-elle indiqué, affirmant qu’il s’agit d’un “casse-tête persistant”. Il faut, dans ce contexte, savoir cerner le problème pour pouvoir le résoudre. D’où la raison pour laquelle l’entreprise va plutôt privilégie­r le travail avec le secteur privé, notamment dans le domaine du traitement des déchets dangereux. Par ailleurs, elle affirme que son entreprise est devenue leader en matière de balayage manuel. Afin de conserver cette image de marque, il n’y a pas 36 000 solutions : il faut travailler dur et être capable de gérer le quotidien - accident de travail, absence d’agents en raison d’une maladie, etc. -. La réussite de l’entreprise est collective. Tout le monde, selon Ibtissem, y a contribué. C’est une véritable relation familiale qui a été mise en place. “Le démarrage était difficile, d’autant plus que convaincre les banques de la rentabilit­é d’un tel marché était réelle. On doit croire, de ce fait, dans son projet”, a-telle confié.

Cleanviews est en train de travailler sur un projet relatif au tri sélectif. “D’un autre côté, pour soutenir ses activités, l’entreprise d’ibtissem collabore non seulement avec les municipali­tés, mais envisage, également, de se tourner vers les start-ups

Une Manager de premier ordre, mais aussi une Maman dévouée

Quel est le plan d’ibtissem dans les cinq prochaines années ? Pour la jeune entreprene­ure, pas question de laisser la routine faire son entrée dans sa vie. “J’aime mon travail, mais je n’aime pas l’habitude. J’aimerai faire autre chose, enchaîner les activités, les challenges. Cette année, l’entreprise a bien avancé, comparée à d’autres sociétés qui ont fait faillite étant donné qu’elles n’ont pas su se concentrer sur d’autres activités. Pour s’en sortir, il faut, en effet, diversifie­r ses activités pour créer un effet de levier. J’ai pu avancer, aussi, grâce au soutien de mon mari et de ma famille”, a-t-elle encore confié. Son rêve d’enfant, en fait, était de devenir juge. Cependant, comme nous l’avions vu, Ibtissem voulait plus, beaucoup plus : travailler à son propre compte. “Je ne veux pas travailler enfermée dans un bureau. Je ne m’imaginais pas dans une administra­tion, avec un patron”, a-t-elle dit. La jeune femme ressent un profond désir de liberté, et c’est ce qui l’a motivée pour bâtir son projet, pierre par pierre. Maman de trois enfants âgés entre 2 et 4 ans, elle a réussi à concilier sa vie de famille et sa vie d’entreprene­ure. Sur ce point, Ibtissem n’a rien voulu lâcher et elle a décidé d’aller jusqu’au bout de ses rêves, tout en prenant soin de sa famille. “Je me lève à 4h du matin pour commencer ma journée et pouvoir répondre à toutes mes responsabi­lités.”, a-t-elle dit avec beaucoup de satisfacti­on.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Tunisia