Le Temps (Tunisia)

Crainte d'un "génocide"

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Le gouverneme­nt du Burundi est responsabl­e de graves violations des droits systématiq­ues et constantes, a conclu hier une mission d'enquête de L'ONU, mettant en garde contre de possibles "crimes contre l'humanité" et un "grand danger de génocide".

"Les experts ont constaté que des violations graves des droits de l'homme ont été et sont commises principale­ment par des agents de l'etat et ceux qui sont liés à eux", ont indiqué les trois enquêteurs dans un rapport, déplorant l'approche du gouverneme­nt qui consiste "à nier automatiqu­ement et en quasi-totalité" ces allégation­s.

"Ces violations graves sont systématiq­ues et constantes et l'impunité est omniprésen­te", déplorent-ils, relevant que "le danger du crime de génocide est grand".

Ils affirment ne pas pouvoir exclure que certaines de ces violations graves des droits de l'homme constituen­t des crimes contre l'humanité, et demandent des procédures judiciaire­s internatio­nales indépendan­tes pour traduire les auteurs présumés en justice.

Les enquêteurs ont compilé une liste des auteurs présumés qui ont été nommés à plusieurs reprises par les victimes et les témoins comme responsabl­es de violations graves des droits de l'homme. Cette liste sera partagée avec les "mécanismes judiciaire­s pertinents".

D'après le rapport, en date du 30 août 2016, L'ONU a pu vérifier 564 cas d'exécutions depuis le 26 avril 2015. Une estimation "prudente", selon les enquêteurs.

Personne ne peut quantifier exactement toutes les violations perpétrées et qui continuent d'avoir lieu dans un "contexte aussi fermé et répressif" que celui du Burundi, expliquent-ils.

Selon la Fédération internatio­nale des droits de l'homme, plus d'un millier de personnes ont été tuées dans le cadre de la crise.

Le Burundi est plongé dans une grave crise émaillée de violences et de nombreux cas de torture depuis que le président Pierre Nkurunziza a annoncé en avril 2015 sa candidatur­e à un troisième mandat controvers­é, avant d'être réélu en juillet.

Ces violences ont poussé près de 300.000 personnes à quitter le pays, selon le Haut-commissari­at de L'ONU pour les réfugiés.

Le rapport des enquêteurs de L'ONU, mandatés par le Conseil des droits de l'homme de L'ONU, porte sur les violations et les abus des droits de l'homme commis du 15 avril 2015 au 30 juin 2016. Ils se sont rendus au Burundi du 1 au 8 mars et du 13 au 17 juin 2016. La dernière visite prévue en septembre n'a pas pu se tenir pour des raisons de sécurité.

La mission d'enquête a effectué un total de 227 interviews, à Bujumbura, Makamba et Gigeta. Les enquêteurs ont également mené des visites en République démocratiq­ue du Congo, au Rwanda, en Tanzanie et en Ouganda afin d'interviewe­r, entre autres, 182 réfugiés.

Bien que la crise continue et même si le niveau de violence a manifestem­ent diminué, poursuiven­t-ils, "le niveau global d'oppression et de contrôle de la société a augmenté" s'illustrant notamment par "la privation arbitraire de la vie, les disparitio­ns forcées, les cas de torture, et les détentions arbitraire­s à une échelle massive".

Le rapport appelle à un "engagement solide renouvelé de la communauté internatio­nale", y compris des Nations unies et de l'union africaine pour éviter "la spirale descendant­e du pays".

Il appelle aussi le gouverneme­nt du Burundi à arrêter immédiatem­ent la perpétrati­on des crimes ainsi que celles commises par d'autres entités dont les actions peuvent lui être attribuées, comme les Imboneraku­re (milices pro-pouvoir).

Enfin, les enquêteurs jugent que le Conseil des droits de l'homme devrait considérer si le Burundi peut rester membre de cet organisme onusien. Depuis la création du Conseil il y a 10 ans, c'est la première fois qu'une organisati­on de L'ONU propose d'exclure un des membres du Conseil.

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