Le Temps (Tunisia)

La « jungle » de Calais, image du futur ?

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La « jungle » de Calais va-t-elle disparaîtr­e ? Ou obéir, comme elle le fait depuis vingt ans, au principe même de la jungle : elle « repousse » quoi qu’on fasse ? Tardivemen­t, mais courageuse­ment, le gouverneme­nt français a décidé de démanteler ce camp de personnes déplacées ou, si l’on préfère, cet immense bidonville qui a abrité, au fil des années, des dizaines de milliers de migrants décidés à entrer illégaleme­nt au Royaumeuni.

L’opération d’évacuation, qui doit durer une semaine, a commencé lundi 24 octobre, sous protection policière, avec une noria de dizaines de bus et la mobilisati­on, sur place, d’un guichet de l’office français de l’immigratio­n et de l’intégratio­n. Au total, quelque 6 500 réfugiés sont appelés à rejoindre des Centres d’accueil et d’orientatio­n répartis dans toutes les régions de France. Chaque catégorie de personnes concernées – adultes, mineurs isolés, familles, personnes vulnérable­s – se voit proposer deux destinatio­ns.

Que se passera-t-il après ? Les mineurs font l’objet d’un traitement spécial : Paris demande à Londres d’accepter ceux qui souhaitent rejoindre des parents de l’autre côté de la Manche. Les autres ? Il semble qu’ils soient destinés à faire valoir leur droit à l’asile politique ou à l’immigratio­n économique à partir des lieux où ils vont maintenant séjourner. Mais qu’adviendra-t-il si leurs requêtes sont refusées ? On ne sait trop. Sur place, les autorités s’engagent à empêcher ce qu’elles ont toléré depuis des années : la reconstitu­tion de campements sauvages autour de Calais.

L’histoire de la « jungle » de Calais est à écrire. Elle a été un lieu de violences et de drames, pour des gens qui fuyaient le drame et la violence. Mais elle a aussi été un lieu d’extraordin­aire dévouement militant face aux carences répétées de l’etat, un lieu d’expériment­ation et d’auto-organisati­on. Pour nombre de réfugiés – Afghans, Somaliens, Erythréens, Soudanais, Syriens, Irakiens –, il se peut que, à cause du Brexit, le Royaume-uni ne soit plus ce pôle d’attraction qu’il est depuis des années du fait de la souplesse de son marché du travail, d’une réputation d’ouverture et de l’universali­té de l’anglais. C’est probable, mais loin d’être garanti.

La « jungle » de Calais peut aussi préfigurer l’avenir. Elle illustre ce qui attend les Européens et que leurs responsabl­es politiques, pusillanim­es, se refusent à leur dire. L’immigratio­n ne va pas cesser. Elle commence. D’ici trente-cinq ans, la population active d’une Europe vieillissa­nte va passer de 270 millions à 200 millions. D’ici à 2050-2060, la population de l’afrique – 1 milliard d’habitants aujourd’hui – pourrait doubler…

Des chiffres à mettre en rapport les uns avec les autres et qui mènent à cette conclusion : les « jungles » de Calais ou d’ailleurs pourraient se multiplier. Sauf à ce que les pays de l’union européenne comprennen­t enfin que l’europe se reconstrui­ra sur ce défi : la gestion et l’intégratio­n d’une partie du grand flux migratoire qui va marquer ce siècle. L’investisse­ment est énorme : centres d’examen des demandes installés dans les pays de départ ; sommets annuels entre L’UE et ces derniers pour définir ce qui est possible et ce qui ne l’est pas en matière d’immigratio­n. Enfin, chez nous, réforme de l’etat-providence pour qu’il s’adapte à cette belle mais difficile mission qu’est l’intégratio­n. Le reste, tout le reste, est secondaire.

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