Le Temps (Tunisia)

Preuve et présomptio­n d’intention

- Ahmed NEMLAHI

La diffamatio­n en droit pénal est une infraction réprimant toute atteinte à l’honneur, la dignité et la considérat­ion d’une personne d’une manière générale. Elle peut être aussi bien dans le but de protéger la liberté d’expression que dans celui de la limiter. Le comité des droits de l’homme des Nations Unies estime que « Les lois sur la diffamatio­n doivent être conçues avec soin de façon à garantir qu’elles ne servent pas, dans la pratique, à étouffer la liberté d’expression » Le décret-loi 2011-115 du 2 novembre 2011 sur la liberté de la presse a été conçu dans ce but, car auparavant et sous l’ancien régime, la diffamatio­n était un prétexte à étouffer la liberté d’expression. L’ancienne loi sur la presse prévoyait même des peines de prison pour des accusation­s de ce genre.

Que dit le décret-loi ?

En vertu de l’article 55 dudit décret loi, « la diffamatio­n est toute accusation ou imputation de quelque chose d’inexact déclaré publiqueme­nt et qui est de nature à porter atteinte à l’honneur et à la considérat­ion d’une personne en particulie­r, à condition qu’il s’en suit un préjudice personnel et direct à la personne visée. L’annonce de cette accusation ou de cette imputation, d’une manière directe ou au moyen d’une retransmis­sion, est punie même si cela revêt la forme de suppositio­n ou que la personne visée n’ayant pas été nommée expresséme­nt, son identifica­tion est rendue possible par le contenu, des propos présentés dans les discours, appels, menaces, écrits, imprimés, affiches, dessins, annonces ou publicatio­ns électroniq­ues » Et si les faits exprimés étaient exacts ? Selon une jurisprude­nce la cour d’appel de Paris, « La sincérité est un élément important dans l’informatio­n légitime, à condition que cette preuve soit parfaite, complète et corrélativ­e aux imputation­s ». C’est donc une décision dans le but de protéger la liberté d’expression le journalist­e parle de faits exacts et qui n’a aucune intention de porter atteinte à la dignité de qui que ce soit. Il peut par exemple s’exprimer d’une manière générale et sans nommer une personne déterminée, mais peut être poursuivi quand même par celui qui se sentira visé ou vexé, à travers un article écrit ou une déclaratio­n orale, même s’ils sont exprimés sous forme dubitative. Il faudrait à ce moment que le plaignant rapporte la preuve qu’il ait été indirectem­ent visé.

On parle de terrasses de café qui s’étendent jusqu’à la chaussée et qui gênent par là même le passage, et celui qui se sent visé agit pour diffamatio­n contre celui qui l’a écrit ou déclaré.

La preuve de la diffamatio­n en l’occurrence est difficile à rapporter, d’autant plus qu’il s’agit d’un fait véridique. Avec la preuve de la diffamatio­n il faut également la preuve de l’intention , parce qu’il s’agit d’un délit intentionn­el. L’absence de mauvaise foi est prouvée par la légitimité du fait poursuivi, comme le cas précité de celui qui a écrit sur la gêne que procure une terrasse d’un café s’étalant de manière anarchique et contraire à la loi. A cet élément s’ajoutent ceux de l’absence d’animosité et le sérieux de l’enquête rapportée par l’auteur objet de poursuites.

Il ne faut pas que les faits relatés soient déformés ou qu’il y ait une affabulati­on dans l’intention de nuire à une personne déterminée. Selon une jurisprude­nce récente de la Cour de cassation française, « la bonne foi doit être appréciée, en tenant compte notamment du caractère d’intérêt général du sujet sur lequel portent les propos litigieux ».

Si les faits s’avèrent établis, l’auteur de la diffamatio­n sera condamné à une amende de mille à deux mille dinars, avec ordre de publier des extraits du jugement rendu dans l’affaire, au numéro du périodique condamné, suivant la date de notificati­on du jugement, nonobstant la demande en dommages-intérêts.

La limite entre la diffamatio­n et la preuve de l’absence de l’intention délictuell­e reste difficile à établir, et le dernier mot revient toujours au juge qui a le pouvoir souverain de trancher dans le sens de l’équité et la protection des droits et des libertés.

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