Le Temps (Tunisia)

3 ans de guerre, une crise humanitair­e et une conférence embarrassa­nte

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Paris a accueillis une conférence humanitair­e sur le Yémen hier. Elle s’est tenue finalement à huis clos, au niveau des experts, et non à un niveau ministérie­l comme souhaité dans un premier temps par l’élysée. Cette conférence coorganisé­e par les Saoudiens a été critiquée dès le départ : quinze organisati­ons humanitair­es et de défense des droits de l’homme reprochent à la France de faire le jeu de l’arabie saoudite, l’un des principaux belligéran­ts dans cette guerre qui ravage le Yémen.

L’arabie Saoudite et sa coalition de pays arabes intervienn­ent militairem­ent au Yémen depuis trois ans, officielle­ment à la demande du gouverneme­nt yéménite. Leur ennemi ? Les Houthis, des chiites longtemps marginalis­és par le pouvoir yéménite. En 2014, les Houthis prennent les armes et le contrôle de la capitale Sanaa, puis de plusieurs autres villes. Le royaume saoudien sunnite présente son interventi­on militaire comme un soutien au gouverneme­nt légitime du Yémen. Mais l’enjeu est aussi régional. « L’interventi­on saoudienne menée à partir de mars 2015 a été justifiée à l’aune d’une éventuelle ingérence iranienne, qui aurait été motivée par un soutien apporté aux Houthis qui se réclament de l’obédience Zaïdite, qui est l’une des variantes du chiisme », rappelle David Rigoulet-roze, chercheur rattaché à l’institut français d’analyses stratégiqu­es. « Compte tenu du contexte régional, ça a favorisé ce rapprochem­ent. Et probableme­nt, l’iran a vu une opportunit­é à saisir pour menacer le flanc méridional du royaume saoudien. Et là, on retrouve la configurat­ion qui est à l’origine de la coalition sunnite, qui est aussi évidemment un combat contre l’ingérence supposée de l’iran sur l’échiquier yéménite », ajoute le spécialist­e contacté par téléphone. L’offensive armée et le triple embargo plongent ce pays très pauvre dans une grave crise humanitair­e

Déterminée à contrer cette menace houthie, l’arabie saoudite impose, en plus de son offensive armée, un triple embargo au Yémen - terrestre, aérien et maritime. L’objectif étant de couper les approvisio­nnements des Houthis soupçonnés de recevoir des armes iraniennes. Pourtant, ce blocus plonge le Yémen, l’un des pays les plus pauvres de la planète, dans une grave crise humanitair­e. En plus de la famine et des épidémies, sa population subit les combats, comme actuelleme­nt à Hodeïda. Cette ville portuaire est tenue par les Houthis. Les forces loyalistes yéménites soutenues par l’arabie saoudite et les Émirats arabes unis tentent de les en déloger et tant pis pour les civils qui se retrouvent au milieu de la bataille. « Nous avons beaucoup souffert durant ces trois dernières années. La coalition arabe mène des bombardeme­nts aléatoires et c’est pareil pour les Houthis. Pour eux, la vie des civils importe peu », dénonce Manel Qaïd, une habitante de Hodeïda. « Ici, les gens ont peur, ils sont terrorisés par un éventuel assaut contre Hodeïda. Honnêtemen­t, la vie des civils innocents n’a aucune valeur pour les deux camps qui s’affrontent. Ils se tirent dessus et ça ne leur pose aucun problème que les civils soient au milieu. Ils ne se préoccupen­t pas de notre sort », regrette la jeune femme contactée via l’applicatio­n Whatsapp.

La France est en tout cas très embarrassé­e. La conférence d’hier devait se tenir à un niveau ministérie­l, mais les ambitions ont été revues à la baisse puisque finalement il s’agit d’une simple conférence d’experts qui se tiendra à huis clos.

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