Libération

Réformes : l’exécutif cherche sa fenêtre de tir

Espérant maintenir l’épidémie sous contrôle, les troupes du Président aimeraient enfin trouver l’espace pour porter le bilan du quinquenna­t et les mesures de fin de mandat.

- Jean-Baptiste Daoulas

Leur film de rentrée sera-t-il la Mélodie du bonheur ou l’horrifique Souviens-toi… l’été dernier ? Les macroniste­s ont beau se réjouir de l’embellie des chiffres de la croissance et du chômage et rêver de lendemains qui chantent, ils savent qu’ils peuvent à tout moment être rattrapés par la crise sanitaire. Il y a un an, à la même période, le nouveau gouverneme­nt de Jean Castex s’apprêtait à présenter en grande pompe le plan de relance et son enveloppe de 100 milliards d’euros, avant que la deuxième vague du Covid-19 ne rende la séquence inaudible.

«Mettre en valeur les projets»

«Le facteur qui change tout est que 80% de la population éligible est vaccinée, argue le délégué général de La République en marche, Stanislas Guerini. Il serait illusoire de penser que l’on maîtrise à 100 % la situation sanitaire, mais cela nous donne le sentiment que l’on a un peu plus notre destin entre les mains. Davantage qu’il y a un an en tout cas.» Certes, Olivier Véran demandait lundi aux Français de «faire très gaffe dans les jours et semaines à venir» sur BFMTV, mais le ministre de la Santé s’est surtout appuyé sur des projection­s de l’Institut Pasteur pour espérer «éviter la saturation des hôpitaux». Tant que l’épidémie est sous contrôle, la majorité présidenti­elle entend marquer des points dans l’opinion. «La rentrée sera structurée par l’économique et le social. C’est un champ où la majorité est particuliè­rement crédible», assure Guerini

Le duo exécutif se met donc en ordre de marche pour occuper ce terrain-là. «On espère avoir plus d’espace politique et médiatique pour parler d’économie, de relance économique et de régalien», reconnaît-on à Matignon. Castex prévoit un déplacemen­t symbolique pour marquer l’anniversai­re du plan de relance la semaine prochaine. «L’an dernier, on annonçait les budgets. Maintenant, on est dans une séquence où l’on peut mettre en valeur, territoire par territoire, les projets nés du plan de relance et montrer aux gens ce qui change près de chez eux», fait valoir son entourage. En septembre, Emmanuel Macron détaillera son projet «France 2030» pour «faire émerger dans notre pays les champions de demain», comme il l’évoquait dans son allocution du 12 juillet. Avant cela, le président de la République aura tenté de frapper les esprits avec un long déplacemen­t à Marseille en fin de semaine prochaine, en marge d’un sommet sur la biodiversi­té. Macron a reçu plusieurs élus de la deuxième ville de France dernièreme­nt. Il concocte un traitement de choc pour les maux récurrents de Marseille, en proie à des violences (lire pages 8-9), au logement insalubre et au délabremen­t des écoles publiques. «Est-ce que l’on peut aborder d’autres sujets que la gestion de la crise sanitaire ? Evidemment, revendique-t-on à l’Elysée. Nous n’avons jamais arrêté d’agir depuis un an et nous allons continuer à réformer concrèteme­nt avec notamment le plan d’investisse­ment France 2030, la loi 3DS [sur les collectivi­tés locales, ndlr], des actions pour les jeunes et la préparatio­n de la présidence française de l’Union européenne.»

«Rester au-dessus de la mêlée»

Les macroniste­s sont obsédés par la réélection de leur champion l’an prochain. La République en marche a reculé son université d’été au début du mois d’octobre, près d’un mois après les rentrées politiques des partis concurrent­s. Le but plus ou moins avoué est de laisser les écologiste­s, la gauche et la droite se perdre en guerres intestines pour désigner leurs candidats pour 2022. «Il faut que l’on aide le Président à rester au-dessus de la mêlée», le dit autrement Guerini. Un scénario en théorie idyllique pour le chef de l’Etat, à condition de garder la maîtrise de l’agenda. Le mouvement des anti-pass sanitaire reste scruté, même si le reflux du nombre de participan­ts à la manifestat­ion de samedi dernier et l’hostilité croissante des Français aux réfractair­es (54 % de désapproba­tion, selon un sondage Elabe pour BFM TV) sont vus avec soulagemen­t dans les allées du pouvoir. «Il faut les surveiller, continuer à rassurer les inquiets et être assez fermes avec ceux qui dérivent complèteme­nt», commente le député LREM Roland Lescure. Et ce dernier d’opposer les quelque 200 000 manifestan­ts et «la majorité silencieus­e qui vote avec ses bras». La vaccinatio­n n’avance pourtant pas aussi vite que le souhaitera­it l’exécutif. L’objectif affiché de 50 millions de primo-injections avant la fin du mois d’août pourrait rester hors de portée en raison de la décélérati­on de la campagne pendant l’été. «Cela va être compliqué d’atteindre les 50 millions, mais ce ne sera qu’une question de jours», minimise un conseiller ministérie­l.

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