Howard Hugues par Clifford Irving : ermite et légendes
Les journalistes bonimenteurs (4/6) Retour sur des affaires de reporters de presse en bisbille avec le réel. Aujourd’hui, celui qui a voulu arnaquer le célèbre aviateur.
Il est probablement l’un des Américains les plus fascinants du XXe siècle. Le milliardaire Howard Hughes, aviateur émérite battant plusieurs records du monde (incarné par Di Caprio dans Aviator), producteur de films (les Anges de l’Enfer, Scarface), aimant toucher à tout et aimant à femmes, il a marqué de son empreinte les Etats-Unis. Ce play-boy aux comportements excentriques était allé jusqu’à modifier la date de son anniversaire, pour naître un 24 décembre. Il passa aussi les dernières années de sa vie cloîtré dans des villas ou des hôtels, par peur des maladies et de la mafia, par folie surtout, refusant de rencontrer quiconque, renforçant une légende déjà établie.
Alors, quand le journaliste d’investigation Clifford Irving contacta McGraw-Hill en 1970, pour dire qu’il avait eu des entretiens exclusifs avec le milliardaire afin d’écrire son autobiographie, la maison d’édition crut flairer le bon coup. L’ermite richissime qui témoigne enfin: en voilà une bonne histoire. Irving négocia une grosse somme pour lui et l’aviateur, plus de 750000 dollars. Sauf que l’argent alla dans la poche de l’auteur. Le filou, dès le départ, avait prévu de tout garder pour lui et de falsifier des documents pour imiter la signature de Hughes. Il était persuadé que le milliardaire, qui n’avait pas parlé à la presse depuis 1958, ne sortirait jamais de son silence pour dénoncer la fraude. Sans doute avait-il été inspiré par le succès d’un de ses premiers ouvrages, Fake ! sur la vie du peintre faussaire Elmyr de Hory (qui fut adapté au cinéma par Orson Welles, autre expert en falsification). La biographie parut et fut considérée comme bonne et crédible. Le crime était presque parfait. C’était sans compter sur l’aviateur. Pour la dernière fois de sa vie, il organisa une conférence téléphonique pour révéler la supercherie, annoncer qu’il n’avait jamais accordé d’entretiens et porter plainte.
Irving plaida coupable, remboursa l’avance perçue et fut condamné à 17 mois de prison. Evidemment, comme toujours aux Etats-Unis, il publia ensuite un livre sur cette histoire, The Hoax (en 1981), qui fut adapté au cinéma en 2006 avec Richard Gere pour jouer son personnage (ce qui est quand même chic). Mais le long métrage déplut au journaliste qui dénonça le «hoax d’un hoax». On n’en sort plus.