L’Algérie à la traîne
Seulement deux pharmacies au niveau national, situées à Alger, dispensent de la morphine. Le médicament n’est pas remboursé par les
caisses de la Sécurité sociale. L’Algérie est classée dans un rapport mondial dernière de la liste en Afrique.
L’utilisation et l’accès aux analgésiques pour la prise en charge de la douleur est en nette augmentation dans certaines régions du monde, contrairement aux pays d’Afrique, où l’on enregistre une réelle insuffisance. L’Algérie est classée en dernière position après la Tunisie, avec une moyenne de 0,31 mg par individu, soit vingt fois moins que la consommation moyenne mondiale, qui est de 6,28 mg par individu, a déclaré vendredi Nadia Fellah, présidente de la Société algérienne d’évaluation et de traitement de la douleur, à l’occasion de son 12e Congrès national de la lutte contre la douleur, qui s’est déroulé vendredi et samedi derniers à Alger. La prise en charge de la douleur cancéreuse demeure encore insuffisante vu l’accès limité aux produits, notamment la morphine. En Algérie, seulement deux pharmacies situées à Alger dispensent de la morphine, un moyen thérapeutique efficace pour soulager la douleur. Un cancéreux sur deux souffre de douleur et nécessite une évaluation et un protocole thérapeutique selon sa pathologie. «D’où l’intérêt de préconiser un traitement personnalisé pour chaque patient et prévenir les effets secondaires pour chaque patient», a indiqué Pr Oukal, chef de service d’oncologie à Beni Messous. Et de signaler que la prescription est très imitée, car peu de médecins disposent d'un carnet à souche, exigé pour la prescription, et le médicament n'est pas remboursé. C’est ce qui pénalise sérieusement les patients, alors que la plan cancer dans son axe quatre, relatif à la stratégie de prise en charge du cancer, insiste sur une prise en charge globale qui fait partie de cette personnalisation du traitement, a-t-il encore souligné. Pour Pr Fellah, chef de service d’évaluation et de traitement de la douleur au CHU de Bab El Oued, l’accès aux médicaments opioïdes est un défi majeur dans la prise en charge de la douleur. Elle rappelle que celle-ci est un enjeu de santé publique, alors que 25 à 30% des personnes souffrant de douleur n’ont aucun analgésique, en se basant sur le rapport de l’OICS publié en 2015. Ce rapport, souligne-t-elle, a concerné 214 pays, dont l’Algérie, évaluant le niveau d’utilisation des analgésiques, dont plusieurs molécules ont été étudiées. Ce rapport a montré, a-t-elle indiqué, que l’utilisation de ces produits a nettement augmenté dans certains pays, mais a par contre régressé dans notre pays. «Il y a dans le monde des inégalités dans la consommation des opioïdes et seulement 15% de la population des pays pauvres y accèdent contre 95% dans les pays riches», a-t-elle relevé. Cette régression, a-t-elle signalé, s’explique généralement par la peur ancestrale de la morphine, la crainte d’une dépendance, une législation très stricte et les problèmes d'approvisionnement. «Les recommandations de l’OICS insistent justement sur la révision des législations, l’amélioration du système de santé, de la formation du personnel médical chargé de la prise en charge de la douleur et les méthodes d’évaluation des besoins en se référant au guide d’évaluation des besoins pour réduire ces inégalités et permettre au maximum de patients d’avoir accès à ces produits», a-t-elle ajouté. Et de recommander à son tour l’élargissement de la nomenclature des médicaments, faciliter l’accès aux morphiniques, approfondir la formation des professionnels de la santé pour améliorer la prise en charge des patients. La douleur cancéreuse est tout aussi importante que le cancer, estime Dr Yacine Hadjiat, médecin de la douleur. Il signale que la non-prise en charge de la douleur a un impact important sur le patient et sur tout le système de santé. En plus de la détérioration de l’état de santé du patient, l’impact est tout aussi économique lorsque ce même patient vient à exprimer d’autres besoins suite à ses douleurs non prises en charge. «Une douleur cancéreuse non prise en charge contraint le patient parfois à abandonner sa chimiothérapie et à souhaiter la fin de vie», précise Dr Hadjiat, avant de signaler qu’une étude américaine, réalisée dans un hôpital en Californie, a révélé que le coût d’une non-prise en charge optimale de la douleur revient à 5 millions de dollars par an, tout en appelant à ne pas dissocier la douleur du cancer. «Ce sont deux pathologies qui nécessitent des soins appropriés. La prise en charge peut effectivement avoir un coût, mais la non-prise en charge coûtera, par contre, plus cher», a-t-il ajouté. Il est ainsi revenu sur les conséquences de la non-prise en charge de la vie sociale du patient, notamment sur le plan employabilité. «40% des patients arrêtent de travailler à cause de la douleur et 60% pour des douleurs cancéreuses, soit un manque à gagner de 10 000 euros par an et par malade». A noter que trois thèmes principaux ont été retenus lors des travaux de cette rencontre scientifique, à savoir : «Les douleurs cancéreusess» »Les douleurs post-opératoiress» et »Les douleurs dysfonctionnelless».