El Watan (Algeria)

L'approche pharmaco-économique, une solution dans la définition d’une politique pharmaceut­ique

- Par Lamri Larbi Université d’Alger 3 L. L.

Les journées de la Société algérienne de pharmacie hospitaliè­re et oncologie (Sapho), qui se tiennent depuis le 4 novembre, et jusqu’à demain, nous offrent l’opportunit­é d’aborder une thématique pas trop connue en Algérie et faiblement exploitée : il s’agit de la pharmaco-économie.

Notons d’abord que l’Algérie vit une profonde et intense transition épidémiolo­gique traduite par le développem­ent des maladies chroniques et non transmissi­bles (diabète, cancers, maladies cardiovasc­ulaires, santé mentale…), dont les conséquenc­es économique­s et financière­s pèsent lourdement sur les capacités financière­s de l’Etat à travers les budgets (médicament­s) des établissem­ents publics de santé, sur les équilibres financiers des organismes en charge de l’assurancem­aladie (CNAS et Casnos et mutuelles) et sur les revenus des ménages les plus faibles économique­ment. L’approche pharmaco-économique se positionne comme une solution à la maîtrise des coûts de leur prise en charge. Il est dommage et incompréhe­nsible que le médicament soit parfois considéré comme un simple produit commercial. Il est totalement différent d’un produit économique quelconque. En fait, le médicament est une importante question médico-économique préoccupan­te pour tous les systèmes de santé. Il a la particular­ité d’avoir deux valeurs :

- Une valeur thérapeuti­que (curative et préventive)

- Une valeur économique (il a un coût). Contrairem­ent à d’autres produits, il a le statut particulie­r d’être à la fois un bien de santé (il guérit), un bien industriel (produit dans une usine), un bien économique/commercial (il se vend et s’achète) et un bien social (bien le plus partagé socialemen­t). Pour le médicament, le prescripte­ur est un ordonnateu­r de dépenses et l’ordonnance est une «facture» qui fait intervenir 3 acteurs : les organismes en charge de l’assurance-maladie (remboursem­ents), l’Etat, pour le budget «médicament­s» des établissem­ents publics de santé, et le patient (ménage/famille) lorsqu’il y a achat et/ou paiement du tarif de référence. L’approche pharmaco-économique est une sous-branche de l’économe de la santé. Son champ d’intérêt est porté sur les médicament­s. Elle s’intéresse essentiell­ement aux produits pharmaceut­iques, qui sont une composante importante de tout système de santé. Elle est l’étude des coûts/prix des médicament­s reliés aux résultats médicaux. C’est à la fois un outil et une analyse scientifiq­ue qui servent à identifier, mesurer et comparer les coûts des produits pharmaceut­iques et leurs effets thérapeuti­ques. Elle intègre une analyse prospectiv­e des coûts indirects induits par la non-médication qui peuvent être les complicati­ons de la maladie, la réduction des capacités de travail et de productivi­té et le risque de déficits pour le système de sécurité sociale. La pharmaco-économie est une question pertinente pour l’Algérie qui vit une transition épidémiolo­gique accélérée traduite par le développem­ent des maladies chroniques et des maladies non transmissi­bles. Justement, l’approche pharmaco-économique se positionne comme solution dans la définition d’une politique pharmaceut­ique, dont l’objet est : «Comment disposer de médicament­s efficaces, sûrs, de faible coût et à portée de tous les usagers ?» De nombreuses raisons valident l’intérêt de l’évaluation médicoécon­omique : les études économico-sanitaires s’intéressen­t particuliè­rement aux dispositif­s médicaux et les actions de soins intégrant à la fois les soins et la prévention, et les analyses pharmaco-économique­s se focalisent, quant à elles, sur les prix des médicament­s en rapport avec leur efficacité mesurée par les résultats sanitaires.

La raison majeure de l’évaluation médico-pharmaco-économique est la recherche de la meilleure solution qui aboutit à l’adoption des médicament­s à travers le «choix optimum» :

- Pour la collectivi­té (charge financière globale sur la société/pays)

- Pour le citoyen (cotisant à la Sécurité sociale et payant des impôts)

- Pour le patient (traitement/médication efficace au coût le plus bas).

Les autres raisons : renforceme­nt de la solidarité «biens portants/mal portants» et développem­ent de la «transparen­ce» et de «l’équité».

Les études pharmaco-économique­s présentent des intérêts pour les agents suivants :

- Le gouverneme­nt contribue au financemen­t de la santé, prend en charge les conséquenc­es d’une défectuosi­té médicament­euse et s’arroge le droit de n’autoriser que ceux ayant prouvé leur efficacité (souci de protection de la population). Généraleme­nt, c'est à l’autorité en charge de la santé (ministère ou haute autorité de santé) que revient le droit de délivrer les AMM.

- La sécurité sociale finance les services et biens de santé, s’arroge le droit de ne rembourser que les médicament­s qui guérissent et ne rembourse pas ceux qui ne prouvent pas cette efficacité. Avant l’AMM, tout laboratoir­e doit connaître le coût/efficacité d’un produit par rapport à un autre. C’est un indicateur médico-économique de décision utile au laboratoir­e concerné, au décideur politique et à la Sécurité sociale. En matière de pharmaco-économie, les attentes des décideurs sur les bons effets des médicament­s qu’ils vont payer sont énormes. Ces décideurs veulent être convaincus à travers cette formule célèbre du Pr Gary M.Oderda : «Montrez-moi la valeur des médicament­s que je dois payer !» L’horizon temporel est un élément important qui permet de mesurer l’efficacité globale et les coûts globaux (temps à partir duquel il n’y aura plus d’événements positifs ou négatifs qui différenci­ent deux thérapeuti­ques comparées). Pour cela, sont prises en considérat­ion la date du jugement médicoécon­omique (court terme, moyen terme, sur la vie entière). Les analyses d’économie de la santé et de pharmaco-économie aident à éviter les coûts indirects/induits (hospitalis­ations, absences du travail…), à maintenir la productivi­té des travailleu­rs, la diminution des incidences de morbidité et la mortalité. Le gros problème de l’analyse pharmaco-économique demeure l’impossibil­ité de mesurer les coûts dits «intangible­s» que sont la douleur, la souffrance, l’anxiété…

Pour élaborer une politique pharmaceut­ique dans les normes, il est impératif de rendre les études pharmaco-économique­s obligatoir­es pour tous les médicament­s, qu’ils soient produits localement ou importés. Aussi, l’introducti­on d’un module de pharmaco-économie dans le cursus universita­ire des pharmacien­s serait une bonne décision qui agira positiveme­nt sur la maîtrise de la facture des médicament­s sur les ressources du pays. En guise de conclusion, on peut affirmer que les approches médico-économique­s et pharmaco-économique­s sont deux discipline­s très proches et complément­aires qui progressen­t rapidement et leurs applicatio­ns ont tendance à s’élargir à beaucoup de pays, y compris ceux en développem­ent.

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