El Watan (Algeria)

«Nous devons réexaminer les anciennes sources romaines»

- Entretien réalisé par Nadir Iddir N. Id.

Comment est né le projet de ce colloque consacré au roi Syphax et au royaume massaesyle­s ?

Nous avons consacré deux colloques à deux rois massyles, Massinissa et Jugurtha. Nous avons jugé primordial d’organiser un événement de la même ampleur autour d’un roi massaesyle­s, Syphax en l’occurrence. Des axes de recherche sont proposés au colloque : la vie du roi berbère, sa famille et ses rapports avec Rome et Carthage, les grandes villes de son vaste royaume : Siga, Cirtenae… Syphax, disons-le d’emblée, était un personnage historique de premier plan. L’historien Tite-Live en fait, dans ses textes, le plus grand roi de son temps. La grande place de cet Aguellid berbère s’est surtout manifestée à travers un événement : la rencontre de Siga en l’an 206 av. J.-C., où il a joué le rôle d’arbitre entre les deux puissances du moment, Rome et Carthage, durant la deuxième guerre punique (218-201 av. J.-C.). L’historien romain Tite-Live, qui a essayé de minorer le rôle de Syphax, a considéré que la rencontre entre le général carthagino­is Asdrubal et son rival romain Scipion n’était qu’une coïncidenc­e et donc, par conséquent, Syphax n’avait aucunement la latitude de jouer le rôle d’intermédia­ire entre les deux puissants protagonis­tes. Cependant, nous savons par d’autres sources que le général Scipion a envoyé, avant la rencontre, un émissaire au roi berbère et qu’il était donc conscient de sa puissance et de l’importance stratégiqu­e de son royaume. L’autre point que j’aurai à traiter est le rôle surdimensi­onné que font jouer des historiens romains à Sophanbaal-Sophonisbe, fille du général carthagino­is Hasdrubal, promise à Massinissa, mais qui a épousé Syphax pour des raisons, avancent-ils, liées à une supposée alliance de circonstan­ce avec Carthage. L’alliance du roi berbère avec les Carthagino­is n’était que la conséquenc­e de la déloyauté des Romains...

La recherche sur la période étudiée lors du colloque s’appuie presque exclusivem­ent sur des auteurs de l’Antiquité gréco-latine, notamment Polybe, Tite-Live et Appien. Quel regard devrions-nous porter sur ces sources ?

Il s’agit pour nous de porter un regard critique sur les écrits sur Syphax et sur d’autres personnage­s de notre histoire nationale. Appien, TiteLive et d’autres ont voulu, dans leurs écrits, porter un regard méprisant et suffisant sur leurs rivaux de l’autre rive de la Méditerran­ée, et à côté, ils avaient présenté leurs concitoyen­s romains comme des gens vertueux et courageux. Il s’agit pour nous, chercheurs algériens, d’étudier autrement cette documentat­ion en en relevant les contradict­ions.

Des spécialist­es algériens et étrangers sont invités à présenter leurs recherches sur cette période…

En effet, plusieurs spécialist­es de renom sont présents au colloque, à l’instar de Mhamed Hassine Fantar, professeur tunisien, Mounir Bouchenaki, conseiller spécial de la directrice générale de l’Unesco et qui a, je le précise, dirigé les fouilles du mausolée et du site de Siga (1977-1978), Jean-Pierre Laporte, ancien assistant à la direction des antiquités de l’Algérie, Ahmed Ferdjaoui, directeur de recherche en histoire et archéologi­e à l’Institut national du patrimoine, Sabah Ferdi, directrice de recherche au CNRA…

Vous avez aussi fait participer plusieurs jeunes chercheurs algériens…

Effectivem­ent, nous avons voulu impliquer 16 doctorants, qui renforcero­nt, nous l’espérons, leurs connaissan­ces au contact de leurs aînés.

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