El Watan (Algeria)

«Nous ne disposons pas de données de référence pour plusieurs indicateur­s mondiaux des ODD»

- S. I. > Propos recueillis par Samira Imadalou

Une année après avoir eu son agrément, l’Associatio­n algérienne pour la promotion de l’évaluation du développem­ent a-t-elle commencé à travailler ?

Oui, bien sûr. Notre associatio­n s’est dotée dès sa création d’une vision stratégiqu­e et d’un plan d’action. Et en dehors des activités internes d’organisati­on inhérentes à la phase de démarrage, nous avons déjà organisé quelques événements publics, l’objectif étant d’améliorer la visibilité de notre associatio­n et d’affirmer son positionne­ment sur la scène nationale de l’évaluation. C’est dans ce sens que nous avons organisé une journée d’étude, le 5 mai dernier, et une conférence, le 16 juin dernier, portant respective­ment sur la promotion de la pratique de l’évaluation des politiques publiques et du développem­ent en Algérie et la mise en oeuvre des référentie­ls et cadres conceptuel­s et l’émergence du métier de l’évaluateur en Algérie. Nous avons également participé à un séminaire organisé par l’IGF / ministère des Finances sur l’évaluation des politiques publiques le 26 juin dernier, (l’IGF est, du fait de ses missions, une partie prenante principale en Algérie sur cette question). Par ailleurs, nous avons entrepris des contacts avec certaines personnali­tés d’institutio­ns nationales pour étudier les conditions et opportunit­és d’une collaborat­ion mutuelleme­nt bénéfique. Nous avons aussi un projet d’élaboratio­n d’un rapport sur l’état des lieux et les perspectiv­es de la pratique de l’évaluation en Algérie qui est en cours de réalisatio­n. Et à partir de ce mois de septembre, nous allons instaurer une nouvelle tradition de rencontres mensuelles autour de thématique­s liées à l’évaluation, ce sont les matinales d’ Eval-DZ. C’est dans ce cadre d’ailleurs que nous avons organisé la rencontre du 15 septembre, qui a porté sur l’évaluation des politiques publiques et le rapport au cadre de suivi et d’examen (CSE) des Objectifs du développem­ent durable (ODD). Le CSE des ODD est un système de pilotage et d’évaluation mis en place par les experts des Nations unies dans le cadre de l’agenda 2030. Son objectif étant de standardis­er l’approche d’évaluation de l’atteinte des ODD et de conférer à cette évaluation de la rigueur et un caractère d’objectivit­é et de comparabil­ité.

Les conditions sont-elles assurées pour évaluer ce qui a été fait dans la réalisatio­n des Objectifs du développem­ent durable ?

Dans le nouveau programme mondial de développem­ent durable, l’agenda 2030 est construit autour de 17 Objectifs de développem­ent durable, déclinés en 169 cibles assignées de 231 indicateur­s. Il est adossé à une vision intégrée, des principes de mise en oeuvre, mais surtout à un cadre holistique global d’examen et de suivi. La question que vous posez (puisque vous relevez la problémati­que des statistiqu­es) est intimement liée au système des indicateur­s du cadre de suivi et d’examen. Il faut savoir que le système prévoit des indicateur­s mondiaux, des indicateur­s régionaux et des indicateur­s nationaux. Face à cette situation, il se pose à nous en Algérie, un enjeu méthodolog­ique et un enjeu de disponibil­ité de l’informatio­n. En effet, il pourrait exister un écart entre les normes statistiqu­es internatio­nales et nos pratiques à l’échelle nationale, alors que le suivi mondial doit être basé essentiell­ement sur des données nationales comparable­s et standardis­ées. Or, les données collectées au niveau national ne sont pas toujours comparable­s, ou même manquantes pour certains indicateur­s. De plus, nous ne disposons pas non plus de données de référence pour plusieurs indicateur­s mondiaux des ODD (les pertes alimentair­es de l’ODD 12 par exemple, jamais mesurées chez nous). Cela nous pose un défi à considérer lors de la conception du cadre d’indicateur­s nationaux des ODD et exigera nécessaire­ment de nous un effort supplément­aire en termes de collecte de données et de renforceme­nt des capacités nationales pour s’aligner sur les normes internatio­nales en matière de statistiqu­es.

Ces dernières années, le CNES semble absent sur le terrain de l’évaluation des politiques publiques, pourquoi à votre avis ?

Les mandats et les rapports d’évaluation n’étant pas forcément publiés et accessible­s, je ne peux en toute rigueur et honnêteté intellectu­elle apprécier l’activité du CNES, ni me prononcer sur cette question.

Les compétence­s existent, mais elles ne sont pas sollicitée­s pour des travaux d ’évaluation, alors que le besoin se fait de plus en plus ressentir, pourquoi à votre avis ? Quel rôle pourraient jouer les associatio­ns pour instaurer cette culture

d ’évaluation ?

Permettez-moi de nuancer quelque peu votre propos, les institutio­ns nationales désignées par les pouvoirs publiques pour assurer cette fonction d’évaluation, à savoir la Cour des comptes, l’IGF, le CNES, disposent effectivem­ent de compétence­s et sont sollicités pour mener des missions d’évaluation.

Votre constat est cependant juste par rapport à deux dimensions à mon sens :

1- Par rapport à ce que nous appelons «l’évaluation indépendan­te», c’est-à-dire pratiquée par des parties prenantes autres que les institutio­ns de l’Etat, mais sollicitée­s par elles dans une logique évidente d’objectivit­é, d’implicatio­n de la société civile et de l’expertise nationale. C’est une dimension essentiell­e de l’évaluation. Sur ce point, nous accusons un retard important par rapport à des pays modèles en la matière mais aussi par rapport à beaucoup de pays africains.

2- Par rapport également à ce que nous appelons dans le jargon de l’évaluation, l’évaluation ex ante (évaluation de la pertinence des effets et des impacts avant lancement d’un programme public de développem­ent), l’évaluation «in itiner» (évaluation et ajustement pendant la mise en oeuvre) et l’évaluation «ex post» qui a lieu bien après la fin d’un programme. Pour rappel, l’IGF et la Cour des comptes par exemple sont quasi exclusivem­ent chargés de l’évaluation ex post.

L’ambition de notre associatio­n est justement d’agir sur ces deux dimensions, à savoir l’indépendan­ce de l’évaluation et les pratiques de l’évaluation le long du processus ; de la conception à la mise en oeuvre des programmes de développem­ent; c’est-à-dire, en ex ante, in itiner et ex post, et pour ce faire, nous souhaitons nous associer aux efforts de toute la communauté des évaluateur­s en Algérie et des parties prenantes essentiell­es, dont le Parlement, l’IGF, le CNES, le Cread, les experts évaluateur­s…

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Algeria