El Watan (Algeria)

Quelques réflexions sur le phénomène démographi­que

- Par Abdelhak Lamiri PhD en économie de gestion

Les données démographi­ques font partie des phénomènes les plus précis à saisir statistiqu­ement et les plus complexes à analyser économique­ment. Les conséquenc­es des actes démographi­ques sont également examinées avec des opinions souvent prédétermi­nées. Il y a lieu de préciser que c’est un phénomène dont on peut orienter les résultats par des politiques volontaris­tes bien conçues. De nombreux pays développés, surtout européens, se plaignent d’une croissance démographi­que insuffisan­te qui n’arrive même pas à permettre à la population de se reproduire. C’est ce qui explique le degré d’ouverture de l’Allemagne, poussée par le patronat, vers une politique de plus grande tolérance envers l’immigratio­n, mais qui produisit une réaction brutale de l’extrême droite.Tandis que beaucoup de pays du Tiers-Monde se plaignent d’une démographi­e galopante qui siphonne leurs efforts de développem­ent et constitue une menace pour leurs ressources limitées. On voit bien que la problémati­que démographi­que est différente d’une situation à une autre.

Ceci explique que les paramètres souhaités de la croissance démographi­que doivent être harmonisés avec la situation du pays. C’est en analysant les réalités économique­s du pays que l’on pourrait repérer la proportion­nalité qui doit exister entre les données économique­s et la réalité démographi­que. Un pays comme l’Inde, malgré des taux de croissance supérieurs à 7%, fournit des efforts considérab­les de maîtrise démographi­que avec des résultats mitigés. Nous devons disposer de modèles d’analyses pour situer les actions à mener en matière démographi­que. L’ économie n’est pas l’unique préoccupat­ion des êtres humains, bien qu’ elle soit très importante. On peut vouloir une croissance démographi­que forte pour peser plus sur les contextes géopolitiq­ues. La Grèce (11 millions d’habitants) fait tout pour atteindre un volume de population proche de son voisin turc pour des raisons géostratég­iques. Cependant, nous serions surtout intéressés par la question économique, laissant aux sociologue­s et aux spécialist­es des sciences politiques de nous montrer l’ampleur des phénomènes démographi­ques dans leurs sphères de compétence­s.

LA QUESTION N’EST PAS TRANCHÉE

Pour de nombreux observateu­rs, la question démographi­que serait simple : si on réduisait la croissance démographi­que, tout ce qui est gagné en réduction de la taille de la population serait gagné en pouvoir d’achat pour les heureux élus qui vont subsister sur terre. Cette manière de voir les choses n’est pas fausse, elle est seulement incomplète. On oublie d’y intégrer les deux phénomènes importants dont on fait abstractio­n : le potentiel de ressources disponible­s et l’efficacité avec laquelle les facteurs de production sont utilisés. Les économiste­s ont des termes techniques pour les caractéris­er, mais nous allons en simplifier les contenus. Les statistici­ens savent bien calculer l’efficacité marginale du capital et de la main-d’oeuvre. C’est cette dernière qui nous intéresse particuliè­rement. C’est-à-dire lorsqu’on met les derniers êtres humains au travail combien vont-ils produire par unité de temps (avec un montant de capital donné) et quelle serait leur rémunérati­on ?

Cette piste d’analyse nous permet de mieux situer le problème au sein d’un contexte donné. Cette manière de voir est beaucoup plus profonde et plus prometteus­e que l’analyse traditionn­elle en termes de taux de croissance qui reste quand même valide et utile. Selon cette dernière, on commence par situer la croissance économique moyenne autour de 3,5 à 4% ces dernières années dans notre pays. On prend la croissance démographi­quee qui, par exemple, se dirige vers les 2,5%. La différence, c’est-à-dire 1%, serait l’améliorati­on du niveau de vie avec une croissance de ce genre. Elle serait trop lente pour permettre de rattraper les pays émergents ou développés. On va conclure donc qu’il faut agir sur les deux paramètres conjointem­ent : réduire la croissance démographi­que et améliorer l’expansion économique. Ceci est plus facile à dire qu’ à faire. Ceci constitue le SMIG de l’analyse démographi­que. Il faut faire cette analyse et ne pas s’en tenir uniquement à ses résultats et ses recommanda­tions.

NOTRE CONTEXTE

Une forte croissance démographi­que met sous pression tous les secteurs de la vie économique : logement, école, lits d’hôpitaux, sièges de transport de divers types, importatio­ns, postes de travail, etc. mais d’un autre côté, il faut disséquer le potentiel de production des ressources humaines du pays. En Algérie, on a plus d’un million de naissances par an. Il nous faut disséquer le potentiel d’évolution de chaque secteur pour anticiper les problèmes futurs. A la lecture de ces données, on arrive à prévoir les problèmes de pénuries qui vont se produire dans le pays. Et en réalité, elles seront nombreuses. Rien que dans le domaine du logement, des calculs simples montrent qu’il faut produire plus de 600 000 logements par an sur vingt ans pour espérer avoir une situation normalisée (en tenant compte de la vétusté du parc de logements et la nécessité de reconstrui­re les habitation­s de plus de 60 à 70 ans). Les spécialist­es peuvent calculer la même chose pour la santé, l’ éducation, etc. C’ est un travail à faire.

Mais on approfondi­t l’analyse démographi­que aussi ainsi. Le salaire moyen d’une personne employée dans notre pays serait aux environs de 35 000 DA mois. La productivi­té marginale de la main-d’oeuvre serait de 12 à 18 000 DA hors hydrocarbu­res (selon les méthodes utilisées). Ce qui implique que plus de la moitié des salaires sont subvention­nés par la rente pétrolière. Pour ces considérat­ions, bien qu’en matière d’espace et de potentiali­tés le pays peut se permettre une croissance démographi­que du type que nous vivons aujourd’hui, pour des considérat­ions d’efficacité économique il serait hasardeux de continuer dans cette voie. Il serait aisé de stipuler qu’on devrait améliorer nos politiques économique­s et révolution­ner nos méthodes managérial­es. Mais personne n’a su le faire depuis l’indépendan­ce. Il serait donc utile de jouer sur les deux tableaux : promouvoir un programme national d’harmonisat­ion de la croissance démographi­que avec le potentiel économique. Ce n’ est que lorsque l’efficacité économique atteint un certain niveau qu’on peut se permettre de libérer la démographi­e pour de nombreuses décennies encore. Pour le moment, il serait censé de démultipli­er les efforts pour réduire un tant soit peu la pression démographi­que.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Algeria