El Watan (Algeria)

L’homme de la sanglante répression en Kabylie

- Hacen O.

La disparitio­n du général-major Ahmed Boustila, ancien commandant de la Gendarmeri­e nationale (2000-2015), a ravivé la blessure encore ouverte de la meurtrière répression qu’a endurée la Kabylie en 2001. C’est sous son commandeme­nt que 126 jeunes ont été lâchement assassinés par les éléments de la Gendarmeri­e nationale durant les mois d’avril et mai 2001, plongeant toute la Kabylie dans un drame incommensu­rable.

Tout commence quand le jeune lycéen Massinissa Guermah de Beni Douala (Tizi Ouzou) est interpellé par des gendarmes, puis emmené dans leur brigade avant qu’un chargeur, qui a failli couper son corps en deux, ne soit vidé sur lui. Heurtée au plus haut point, la jeunesse de la région se soulève pacifiquem­ent pour dénoncer l’assassinat. Au lieu d’appeler au calme, le ministre de l’Intérieur de l’époque, Noureddine Yazid Zerhouni, fait dans la provocatio­n en qualifiant le lycéen assassiné de «délinquant» ! Une insupporta­ble provocatio­n. Les jeunes manifestan­ts redoublent de colère. En face, la gendarmeri­e redouble de férocité. La Kabylie s’embrase et bascule dans l’horreur. Tizi Ouzou, Béjaïa, Bouira, Boumerdès et Sétif ont vécu l’enfer. Les journées d’avril, de mai et de juin ont ébranlé les montagnes de Djurdjura, la vallée de la Soummam arrosée de sang des jeunes à la fleur de l’âge. 126 personnes fauchées par des balles assassines, des milliers de blessés et des familles endeuillée­s à vie. Tel était le bilan macabre du corps dirigé par Ahmed Boustila. Dans son rapport, le professeur Mohand Issad qui avait dirigé la commission d’enquête avait conclu que «si on avait donné ordre de tirer sur les manifestan­ts, personne n’avait donné l’ordre de cessez-le-feu». Une conclusion qui résume, pour le moins, l’absence de volonté d’arrêter le massacre. Livrée à la répression aveugle de la gendarmeri­e, la Kabylie était durant ces sombres mois martyrisée ; sans qu’aucun responsabl­e politique du pays ne soit venu à son secours. Le chef de l’Etat, Abdelaziz Bouteflika, regardait ailleurs. Le commandant de la gendarmeri­e Ahmed Boustila est maintenu en poste malgré la demande de son limogeage formulée par certains responsabl­es de l’époque. Pis encore, aucun gendarme n’a été jugé. C’est un crime sans coupable.

La justice n’est pas passée, l’impunité est assurée pour les auteurs et les commandita­ires des crimes. Ahmed Boustila est maintenu dans son poste pendant 14 années après la tragédie de Kabylie. Avant de l’envoyer à la retraite, Abdelaziz Bouteflika le hisse au rang de général de corps d’armée.

Emblématiq­ue du régime de la répression, son nom sera à jamais associé à cette tragique séquence de l’Algérie post-indépendan­ce. Il est l’homme de la sanglante répression en Kabylie. Il est parti sans que la justice ne l’écoute pour élucider le meurtre de 126 personnes. La plaie reste béante. Ne cessant de réclamer justice et réparation, les familles des victimes de toute la région refusent de tourner la page.

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