Le secrétaire d’Etat américain Mike Pompeo attendu à Riyad
«Je viens de parler au roi d’Arabie Saoudite qui dit tout ignorer de ce qui a pu arriver à ‘‘notre citoyen saoudien’’»,
a indiqué le président américain Donald Trump.
Le président américain, Donald Trump, a annoncé, hier dans un tweet, s’être entretenu avec le roi Salmane d’Arabie Saoudite qui lui a dit «ignorer» le sort du journaliste saoudien disparu, Jamal Khashoggi, rapportent les médias. Il a aussi annoncé qu’il dépêchait son secrétaire d’Etat Mike Pompeo en Arabie Saoudite pour s’entretenir directement avec le roi Salmane. «Je viens de parler au roi d’Arabie Saoudite qui dit tout ignorer de ce qui a pu arriver à ‘‘notre citoyen saoudien’’», a indiqué Donald Trump dans son tweet. «J’envoie immédiatement notre secrétaire d’Etat pour rencontrer le roi», a-t-il ajouté.
Riyad a rejeté dimanche toute menace de sanction liée à la disparition du journaliste saoudien Jamal Khashoggi, et promis de contre-attaquer en cas de mesures hostiles à son égard, rapportent des médias. «Le royaume affirme qu’il rejette entièrement toute menace ou tentative de l’affaiblir, que ce soit via des menaces d’imposer des sanctions économiques ou l’usage de pression politique», a déclaré un haut responsable sous couvert de l’anonymat, cité par l’agence officielle SPA. Cette déclaration intervient alors que Donald Trump a promis samedi un «châtiment sévère» à Riyad s’il a ordonné le meurtre de Jamal Khashoggi. Un peu plus tard dans la journée, l’Arabie Saoudite a démenti toute intention de «tuer» le journaliste. «Ce qui a été rapporté au sujet d’ordres de le tuer est un mensonge et une allégation infondée», a déclaré le ministre saoudien de l’Intérieur, Abdel Aziz Ben Saoud Ben Nayef. Il s’agit, a-t-il affirmé, de «fausses accusations contre l’Arabie Saoudite (...) au sujet de l’affaire de la disparition du citoyen Khashoggi». En mai 2017, Donald Trump avait choisi l’Arabie Saoudite pour son premier déplacement à l’étranger. Washington a annoncé 110 milliards de dollars de contrats de vente d’armements à l’Arabie visant à contrer les «menaces iraniennes» et combattre les islamistes radicaux.
Jamal Khashoggi, journaliste collaborant notamment avec le Washington Post, a été vu pour la dernière fois le 2 octobre en train d’entrer dans le consulat saoudien d’Istanbul, où il était venu obtenir un document nécessaire à son futur mariage. Quatre jours plus tard, des responsables turcs cités par les médias ont affirmé qu’il avait été tué dans le bâtiment, des allégations aussitôt jugées «infondées» par Riyad. La police turque a, par la suite, indiqué qu’une équipe de 15 Saoudiens était arrivée à Istanbul par avion le 2 octobre. Selon des médias turcs, ces hommes sont venus tuer le journaliste et ont récupéré des images de vidéosurveillance, avant de quitter le pays. Jamal Khashoggi est connu pour ses critiques envers le royaume, notamment le prince héritier Mohammed Ben Salmane, devenu l’homme fort du pays après son père sur le trône. Il quitte l’Arabie Saoudite en 2017 et s’exile aux Etats-Unis, après une campagne d’arrestations de dissidents, dont des intellectuels.
UNE POLITIQUE ÉTRANGÈRE MARQUÉE PAR DES ÉCHECS
En mars 2015, Riyad, à la tête d’une coalition militaire, déclenche une guerre contre les rebelles houthis, qui contrôlent la capitale Sanaa. Cette guerre est dénoncée par Jamal Khashoggi. Le 5 juin, l’Arabie Saoudite, Bahreïn, les Emirats arabes unis, le Yémen et l’Egypte annoncent la rupture des relations diplomatiques avec le Qatar. Ruptures suivies de mesures économiques, comme la fermeture des frontières terrestres et maritimes, ainsi que des interdictions de survol aux compagnies aériennes qataries. Aussi, Doha est exclu de la coalition militaire arabe menée par Riyad qui combat au Yémen les rebelles houthis. Il lui est reproché de soutenir des groupes islamistes radicaux et ses rapports avec l’Iran. Le Qatar rejette ces allégations et relève que nul n’a le droit de lui dicter sa politique étrangère. Il accuse à son tour ses voisins de vouloir le mettre «sous tutelle» et de l’étouffer économiquement. L’émirat accueille depuis longtemps des leaders des Frères musulmans à l’exemple de leur chef spirituel Youssef Al Qaradawi et Khaled Mechaal, ancien dirigeant du mouvement palestinien Hamas lié à la confrérie.
Ceci dit, l’hostilité à l’égard de l’Iran n’est pas partagée par tous les voisins de l’Arabie Saoudite dans le Golfe. Oman et le Koweït conservent de bons rapports avec l’Iran et les Emirats arabes unis entretiennent de fortes relations commerciales avec la République islamique. Comme ils ont renoué le dialogue avec Téhéran alors qu’ils ont des différends territoriaux. Il s’agit des îles Abou Moussa, de la Petite et la Grande Tomb, sous souveraineté iranienne depuis 1971 et revendiquées par Abu Dhabi.
Le Qatar et l’Iran partagent le champ gazier de Pars Sud. Ainsi, les deux pays tiennent à renforcer leur coopération concernant ce champ gazier. Quand l’Arabie Saoudite a fermé le seul accès terrestre du Qatar avec le monde extérieur, essentiel pour l’importation de ses produits alimentaires, l’Iran s’est empressé d’approvisionner ce pays par voie maritime. Début novembre 2017, le Premier ministre libanais Saad Hariri annonce, à la surprise générale, sa démission depuis le royaume wahhabite, accusant le mouvement politico-militaire chiite Hezbollah et l’Iran de «mainmise» sur son pays. «J’annonce ma démission du poste de Premier ministre», avait déclaré S. Hariri, qui se trouvait alors en Arabie Saoudite, dans un discours retransmis par la chaîne satellitaire Al Arabiya. Cette démission intervenait un an après sa nomination. Le puissant mouvement armé du Hezbollah chiite fait partie de son gouvernement. «Je sens que ma vie est visée», a-t-il dit, affirmant que le Liban vit une situation similaire à celle qui prévalait avant l’assassinat, en 2005, de son père Rafik Hariri, ex-Premier ministre. Quatre membres du Hezbollah sont mis en cause dans ce meurtre qui a ébranlé le Liban. Il est le seul parti libanais à avoir gardé ses armes après la fin de la guerre civile au Liban (1975-1990). Le Hezbollah refuse d’abandonner son arsenal. «L’Iran a une mainmise sur le destin des pays de la région (...). Le Hezbollah est le bras de l’Iran non seulement au Liban mais également dans les autres pays arabes», a dénoncé Hariri, un proche de Riyad. Et «ces dernières décennies, le Hezbollah a imposé une situation de fait accompli par la force de ses armes», a-t-il ajouté. Comme il a accusé Téhéran d’avoir «créé un Etat dans l’Etat» et de vouloir «avoir le dernier mot dans les affaires du Liban».
Le prince héritier Mohammed Ben Salmane, qui est entre-temps en pleine campagne contre le rival iranien, est suspecté de retenir contre son gré Saad Hariri et d’avoir dicté son message de démission. Beyrouth accuse Riyad d’avoir enlevé son Premier ministre. Saad Hariri finit par rentrer au Liban trois semaines plus tard et reprendre ses fonctions.