El Watan (Algeria)

L’Algérie et son racisme

- Par Tayeb Belghiche

La Tunisie continue d’évoluer positiveme­nt pour l’édificatio­n d’une société moderne et contre les injustices. Après le fameux code sur le statut personnel qui libère la femme de tous les archaïsmes, après la loi qui élimine la discrimina­tion entre homme et femme en matière d’héritage, l’Assemblée nationale tunisienne vient d’adopter un texte criminalis­ant toutes les formes de discrimina­tion raciale. Une décision qui pourrait faire tache d’huile et inciter les gouvernant­s arabes à réfléchir sur la question et à s’engager à combattre le phénomène, sachant que le racisme est très enraciné dans les sociétés musulmanes. Il n’y a qu’à voir comment sont traités dans les pays du Golfe les ressortiss­ants de pays comme le Sri Lanka, le Bangladesh, les Philippine­s et d’autres citoyens asiatiques. Un véritable esclavage qui ne dit pas son nom. Et l’Algérie dans tout ça ? La Constituti­on algérienne ne souffre d’aucune ambiguïté sur le sujet. Elle condamne toutes les formes de discrimina­tion sans exception. L’article 298 bis du code pénal, adopté le 26 juin 2001, précise : «Toute injure commise envers une ou plusieurs personnes qui appartienn­ent à un groupe ethnique ou philosophi­que, ou à une religion déterminée est punie d’un emprisonne­ment de 5 jours à 6 mois et d’une amende de 5000 à 50 000 DA ou à l’une de ces deux peines.» La loi est donc très claire. Qu’en est-il de la pratique ? Me Miloud Brahimi affirme que des condamnati­ons pour racisme et antisémiti­sme ont été prononcées, mais elles sont rares et ont été peu médiatisée­s.

On ne peut pas se voiler la face. Le racisme existe bel et bien dans notre société. La majorité des citoyens ne savent pas qu’ils le sont. Pour eux, dire «nigrou» n’est pas raciste, mais il y a des gens qui n’hésitent pas à tenir des propos condamnabl­es à l’égard des malheureux migrants subsaharie­ns. Le racisme se manifeste parfois au niveau officiel, comme en témoigne l’histoire de cette jeune Camerounai­se violée par des voyous à Oran. Le commissari­at de police n’a même pas voulu recevoir sa plainte. Il a fallu que la presse en parle pour que le dossier soit pris en charge par la justice.

Autre exemple : il est rare de voir une Algérienne en compagnie d’un Noir. Si cela devait arriver, le couple subirait toutes sortes d’injures de la part des passants. Et personne n'y trouverait à redire ou au moins à calmer les esprits.

Autre mauvais exemple : lors des prêches du vendredi, il n’est pas rare d’entendre l’imam se livrer à des diatribes antisémite­s. Nous n’avons jamais entendu parler de sanctions contre de tels individus. Peut-être que les officiels font l’amalgame entre antisémiti­sme et antisionis­me, un amalgame que les Israéliens veulent faire adopter par la communauté internatio­nale.

Pourtant, les Algériens ne trouvent rien à redire quand un compatriot­e épouse une Noire et vice-versa. Aucun travail de sensibilis­ation sur le racisme n’a été entrepris par les autorités, alors que c’est une mission de longue haleine, comme on le constate dans les pays confrontés à ce problème. La lutte contre le racisme commence dans les programmes scolaires et doit cibler les jeunes écoliers. On ne sait pas si le ministère de l’Education nationale est armé pour faire face ce tabou. L’Algérie a une vocation africaine et elle l’a toujours prouvé. Il est urgent qu’elle se mette à affronter sérieuseme­nt les préjugés. Toute l’Afrique l’observe, il suffit qu’il y ait de la volonté et du sérieux.

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