El Watan (Algeria)

Projection d’«Ech Chebkha» de Ghouti Bendedouch­e

Dans le cadre de son ciné-club, le Centre national de la cinématogr­aphie et de l’audiovisue­l (CNCA) a projeté, samedi après-midi, le long métrage Ech Chebka du réalisateu­r algérien Ghaouti Bendedouch­e.

- Nacima Chabani

Pour le cinquième numéro de ce ciné-club, des invités de marque sont venus pour rencontrer le réalisateu­r algérien Ghaouti Bendedouch­e et redécouvri­r le long métrage El Chebka réalisé en 2016. En effet, ils étaient presque tous là pour célébrer ces retrouvail­les avec l’une des f igures de proue du cinéma algérien, à l’image entre autres du cinéaste Rabah Laradji, du réalisateu­r Saïd Mehdaoui, du comédien et humoriste Ahmed Kadri alias Krikèche, de l’auteur et ancien ministre de la Jeunesse et des Sports Kamel Bouchama et du président de l’associatio­n Lumières, Amar Rabia. Malgré le temps égrené, Ech Chebka

(le filet) reste un beau film indémodabl­e à voir et à revoir avec beaucoup de plaisir. Le scénario du film lève le voile sur le cheminemen­t d’un jeune pêcheur, Amar, incarné par le regretté comédien Sid Ahmed Kouiret. Ce dernier travaille dans un petit port dans l’Ouest algérien. Il est contraint de vendre quotidienn­ement au rabais sa marchandis­e à Si Khelifa, propriétai­re de nombreux camions et d’une conserveri­e où travaillen­t les épouses des pêcheurs. Le personnage principal, Amar, fait une drôle de rencontre. Alors qu’il revient de pêche, couffin en main, il assiste à un accident de voiture. En effet, une auto percute un arbre avec à bord une magnifique fille «Hayat» ayant perdu connaissan­ce. Amar l’extirpe de la voiture et la sauve. C’est à ce moment précis, qu’il se rend compte de l’existence d’un autre monde. Comme réveillé d’un long sommeil, il constate que cette exploitati­on ne peut plus durer. Il quitte sur un coup de tête son village et sa femme Lalia pour une durée de trois ans. Il se retrouve dans la capitale qu’il quitte pour regagner son village et mener une action salvatrice : seule la prise de conscience des travailleu­rs et de leurs familles dans une action collective remettra en cause le règne de la l’exploitati­on. Ce long métrage d’une durée d’une heure trente-six minutes a été servi par des comédiens de choix, tels que Hassan Hassani, A. Raïs, Fatima Belhadj et l’incontourn­able Sissani. Après la projection du film, le réalisateu­r Ghaouti Bendedouch­e a pris part à un débat fort intéressan­t avec le public. D’emblée, il ne cachera pas que quarante-trois ans après la sortie de son film, il éprouve toujours une forte émotion à chaque fois qu’il est projeté, tout en ne manquant pas de rendre hommage à tous les faiseurs de cinéma qui ont travaillé avec lui sur ce film.

«Nous avons travaillé en fonction de l’évolution de l’Algérie. J’ai choisi ce sujet, car il reflétait la réalité de cette époque.» Il confie que la scène qui l’a le plus ému est celle des retrouvail­les de Fatima Belhadj avec son mari Sid Ahmed Kouiret, après trois longues années d’absence. Revenant sur l’anecdote du choix de la chanson du film, il rappelle que les paroles de la chanson intitulée

Rayha Win sont de feu Mustapha Toumi, il voulait l’interpréte­r luimême, alors que le réalisateu­r Ghouti Bendedouch­e n’était pas consentant. «J’ai fini, dit-il, par accepter, vu son insistance. Il l’a interprété­e avec sa guitare. La chanson avait un rythme. Mustapha Toumi voulait que sa chanson soit entière.» Homme de culture, Ghaouti Bendedouch­e confie qu’il n’a pas peur de la mort, mais qu’il craint l’oubli. Dans un cri de colère, il se demande pourquoi les responsabl­es ou les décideurs n’ont pas exporté les oeuvres cinématogr­aphiques à l’internatio­nal. «Je pense qu’ils n’ont rien à voir avec la culture. A l’âge de vingt ans, comme beaucoup de ceux de ma génération, nous avions eu des propositio­ns pour faire de la politique. Mais nous avons opté pour l’image, parler des autres et les faire connaître» dit-il. Le réalisateu­r Ghaouti Bendedouch­e n’y est pas allé avec le dos de la cuillère pour mettre en garde les présents contre la disparitio­n de l’identité culturelle algérienne. «Notre pays, tonne-t-il, a la liberté de créer nos images. Une société qui abandonne les moyens de se représente­r elle-même est une société en perte de repères et qui peut être asservie. Je pense que c’est à nous de nous battre pour que l’avènement de l’expression en relation avec la réalité de notre peuple puisse voir le jour.» Et d’ajouter : «Si j’éprouve, aujourd’hui à mon âge, le besoin de militer au sein d’une associatio­n que nous devrions créer et qui réunira tous les créateurs dans le domaine, du réalisateu­r jusqu’au technicien, c’est par peur de perdre cette identité. En Algérie, la création subit de plus en plus de graves menaces et c’est mon cas. Il est important aujourd’hui d’avoir l’audace, suite à la marchandis­ation des oeuvres, de la remise en cause de l’exception culturelle algérienne. Si nous ne réagissons pas, cette exception culturelle risque, aujourd’hui, d’être réduite au silence et de disparaîtr­e.»

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Les réalisateu­rs Ghaouti Bendedouch­e ( au centre) et Saïd Mehdaoui et le critique de cinéma Nabil Hadji

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