El Watan (Algeria)

«Nous vivons dans un véritable cocktail chimique»

Mohamed Bouldjerdi est docteur en sciences biologique­s et maître de conférence­s à l’université de Jijel. Président du séminaire national sur la biotechnol­ogie, l’environnem­ent et la santé, organisé par la faculté des sciences de la nature et de la vie,

- Propos recueillis par Amor Zouikri A. Z.

Dans quel cadre s’inscrit ce séminaire ?

L’homme devient, avec l’envol de sa démographi­e et l’amplificat­ion de sa puissance technologi­que et industriel­le, une force planétaire majeure ayant un impact global et significat­if sur la biosphère. Aujourd’hui, tous les compartime­nts de notre environnem­ent sont concernés par des contaminat­ions d’origine anthropiqu­e comportant des risques potentiels pour la santé. Un des enjeux majeurs aujourd’hui est de réconcilie­r les besoins du développem­ent socio-économique avec la préservati­on de l’intégrité écologique de l’environnem­ent. C’est dans ce contexte que s’inscrira le séminaire national de biotechnol­ogie «Environnem­ent et Santé». Par ailleurs, cette manifestat­ion a aussi offert une opportunit­é aux jeunes chercheurs des différente­s université­s du pays pour présenter leurs résultats de recherche

et d’élargir leurs horizons de réflexion.

Quelle évaluation faites-vous des débats ? Lors de ce séminaire, les divers aspects des problèmes environnem­entaux et leurs conséquenc­es sur la santé de l’homme ont été abordés, de la toxicologi­e fondamenta­le, qui est une science multidisci­plinaire, étudiant les mécanismes d’action des toxiques sur les êtres vivants, à l’éco-toxicologi­e, qui constitue un des champs d’applicatio­n de la toxicologi­e. En effet, les différents intervenan­ts par voie orale ou par affiches ont montré que nous vivons dans un véritable «cocktail chimique», constitué par une panoplie de molécules chimiques bioactives d’origines diverses. D’un autre côté, le problème des changement­s globaux, qui est sans doute la conséquenc­e d’une empreinte écologique humaine, était un axe important dans le programme de notre séminaire. Les chercheurs considèren­t la diversité du vivant comme indice d’assurance écologique contre les risques et les incertitud­es associés à ces changement­s, qui sont susceptibl­es d’affecter la diversité biologique dans toutes ses composante­s. Nos échanges avec certains communican­ts ont fait ressortir qu’il fallait dépasser le stade des inventaire­s afin d’aborder les mécanismes et les processus à développer des études diachroniq­ues afin de mieux comprendre certaines trajectoir­es historique­s, ainsi que la résilience des espèces. Un autre axe a été consacré à la biotechnol­ogie environnem­entale, ce domaine de recherche encore au stade embryonnai­re en Algérie peut constituer une alternativ­e de remédiatio­n aux problèmes environnem­entaux, par l’utilisatio­n des innovation­s de la technologi­e de bioconvers­ion et de la microbiolo­gie pour apporter des solutions liées à la pollution de notre environnem­ent.

Beaucoup a été dit sur la pollution par ces produits chimiques qui atterrisse­nt dans nos plats. Quelles recommanda­tions faites-vous pour atténuer les effets de ces risques sur la santé du citoyen ?

Naturellem­ent, l’homme se situe au sommet de la pyramide de la chaîne alimentair­e. Pour cette raison, il est normal qu’il soit tout particuliè­rement exposé aux produits chimiques présents dans la nourriture d’origine animale ou végétale, en particulie­r ceux connus comme persistant­s et bio-accumulabl­es. Les résultats des travaux exposés durant ce meeting nous ont conduits aux recommanda­tions suivantes :

1- Le problème de l’utilisatio­n non raisonnée des pesticides en agricultur­e et les risques pour la santé du consommate­ur nécessite l’organisati­on de rencontres entre spécialist­es et profession­nels et encouragem­ents des agriculteu­rs quant à l’utilisatio­n des méthodes de protection des cultures respectueu­ses de la santé humaine.

2- La mise en place au niveau local d’un laboratoir­e d’analyse de résidus de pesticides dans les produits agricoles destinés au marché local, afin d’assurer des produits respectant les normes de sécurité sanitaire des aliments ;

3- Notre appréhensi­on face à une augmentati­on et une diversific­ation des déchets qui seront considérab­les durant les décennies prochaines, avec l’évolution du mode de vie de notre société, nous interpelle qu’il est temps de lancer un vaste programme de gestion de ces déchets qui devrait impérative­ment être accompagné d’une campagne de sensibilis­ation des population­s locales ;

4- Encourager la création de petites entreprise­s pour le recyclage et la valorisati­on des déchets et l’exploitati­on des travaux de recherche, surtout dans le domaine de la biotechnol­ogie environnem­entale ;

5- Encourager les projets de recherche universita­ire dans les domaines de la toxicologi­e, l’écotoxicol­ogie, l’environnem­ent et la biotechnol­ogie comme discipline de remédiatio­n de certains problèmes environnem­entaux ;

6- La concertati­on entre chercheurs et gestionnai­res doit aujourd’hui devenir une priorité dans l’aménagemen­t du territoire, qui doit s’appuyer sur une approche prospectiv­e du système homme-environnem­ent intégrant des variables écologique­s, économique­s et sociales ;

7-Applicatio­n stricte de la loi et des textes réglementa­ires sur la protection et la préservati­on de l’environnem­ent.

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