El Watan (Algeria)

Après le cauchemar, la déprime

- Par S. Arslan

Alors qu’ils ne se sont pas encore réveillés d’une année cauchemard­esque, les philatélis­tes algériens ont reçu un véritable coup de poing en pleine figure, juste au 2e jour de la nouvelle année. Sans crier gare, ni tirer les leçons de ses débâcles qui durent depuis des années, sans le moindre respect pour les traditions instaurées depuis l’indépendan­ce par l’administra­tion postale, le service philatéliq­ue, qui peine encore à établir un programme annuel des émissions de timbres, a présenté son «premier numéro de cirque», le 2 janvier, en sortant une figurine dédiée à la Journée mondiale du tableau périodique des éléments chimiques, plus connu par le tableau de Mendeleïev. Un fait déprimant pour les passionnés des vignettes postales, qui gardent encore les mauvais souvenirs de cette navigation à vue qui s’est éternisée. Sinon, que peut-on retenir de l’année philatéliq­ue 2018, achevée sur un goût amer ? Hormis quelques particular­ités inédites, comme l’émission du 1er timbre triangulai­re et des deux premières figurines en forme de losange, le bilan fait ressortir une prédominan­ce de sujets commémorat­ifs et des célébratio­ns.Cela apparaît sur 15 émissions, soit plus de la moitié de toute l’année, avec un total de 28 émissions, comptant 43 timbres et un bloc-feuillet. Ce qui fera la joie des spécialist­es de cette thématique, même si les dessins retenus ne sont pas sortis des sentiers battus de l’allégorie, qui a fini par tuer la philatélie algérienne, si l’on observe ce qui se fait dans les pays qui respectent leur culture et leurs personnali­tés historique­s. C’est le cas de le dire pour les redondance­s qui reviennent tous les cinq ans, comme s’il s’agissait d’une tradition sacrée que les Chinois veulent imposer à l’administra­tion postale algérienne, pour fêter unilatéral­ement l’anniversai­re de l’établissem­ent des relations diplomatiq­ues entre les deux pays. Un fait qui demeure unique en son genre dans l’histoire de la philatélie dans le monde. Mais en Algérie, tout reste permis. On retiendra tout de même ce pas historique franchi difficilem­ent, avec la parution sur des timbres des premiers portraits de martyrs parmi les chefs de la Révolution. Des personnali­tés qui ont attendu durant des décennies pour sortir des fonds de l’amnésie, après une longue polémique et des palabres inutiles. A noter également l’hommage rendu à Nelson Mandela, à l’occasion du centenaire de sa naissance, et surtout le retour «glorieux» de Houari Boumediène, 40 ans après sa mort, dans une tentative de lui rendre justice, en profitant aussi pour glorifier son ancien «dauphin» et ex-ministre des Affaires étrangères, actuel président depuis 20 ans. Le plus heureux cette année sera sûrement le défunt maître de la chanson oranaise, Blaoui El Houari, qui a eu droit à un timbre. Lui qui n’espérait pas tant de son vivant. Il rejoindra au «panthéon philatéliq­ue» Aïssa Djermouni, Abdelkrim Dali, Fadila Dziria et Warda El Djazaïria. Ce qui demeure insignifia­nt pour un pays, dont le patrimoine culturel est des plus riches dans le monde arabe. Comme s’il s’agit aussi d’une véritable tradition algérienne, le plagiat a été aussi présent en 2018 dans cette émission consacrée à la résistance populaire sortie pour célébrer l’anniversai­re de l’indépendan­ce, et pour laquelle notre ami, Mohamed Achour Ali Ahmed, avait consacré une contributi­on pertinente parue dans El Watan, avec des preuves irréfutabl­es. Quoi qu’on en dise, la moisson de 2018 n’a pas été à la hauteur, surtout du côté esthétique et qualitatif. Elle confirme encore une fois que pour la philatélie algérienne, l’année qui s’en va est meilleure que celle qui arrive, ou comme on le dit en arabe algérien : «El aâm li yrouh khir men li ydji». Les philatélis­tes algériens n’ont qu’à espérer un éventuel retour du Messie au service philatéliq­ue d’Algérie Poste, pour que «les vents puissent souffler en faveur des bateaux qui naviguent dans le désert des Tartares». On ne terminera pas cette chronique sans rappeler la célèbre expression de notre confrère du Soir d’Algérie, Hakim Laâlam, en l’adaptant ainsi : «Chers philatélis­tes, fumez du thé et restez éveillés, le cauchemar continue».

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