El Watan (Algeria)

Tous les chemins mènent à Ennahdha

- Tunis De notre correspond­ant Mourad Sellami

Un certain Mustapha Khedher a été, finalement, accusé de meurtre prémédité dans l’assassinat du député martyr Mohamed Brahmi, le 25 juillet 2013. Khedher est également impliqué dans le dossier de l’organisati­on secrète d’Ennahdha. La justice

traîne toutefois dans l’enquête.

La rencontre accordée par le président de la République, Béji Caïd Essebsi, au Comité de défense des martyrs Belaïd et Brahmi, a clairement permis de faire bouger l’enquête concernant les assassinat­s politiques. Ainsi, le dénommé Mustapha Khedher, proche d’Ennahdha, a été, finalement, accusé de «meurtre prémédité», sur la base de ses propres interrogat­oires qui n’ont jamais été incorporés dans le dossier de l’assassinat du député Mohamed Brahmi (25 juillet 2013). Lesquels documents sont pourtant disponible­s au ministère de l’Intérieur dans la fameuse «chambre noire», qui n’a été mise sous scellés, par la justice, qu’en décembre dernier. Le Comité de défense des martyrs Belaïd et Brahmi accuse le procureur général d’être aux ordres de la partie politique voulant estomper la vérité, à savoir Ennahdha. Le Comité veut intenter un recours, pour la destitutio­n du procureur général, auprès du Conseil supérieur de la magistratu­re. Dans la conférence de presse, tenue avant-hier, le Comité de défense des martyrs Belaïd et Brahmi a lu des missives indiquant que le ministère de l’Intérieur du temps de Ali Laâreyedh, en juillet 2013, avait des informatio­ns sur la possession d’armes à feu par Boubaker Al Hakim, qui avait assassiné le martyr Brahmi. Les services du ministère savaient que l’assassin habitait chez sa tante, mariée à une figure connue d’Ennahdha, à 300 mètres du logement du martyr Brahmi. L’assassin, terroriste notoire, préparait donc son crime au quartier même où habitait le martyr. D’autres documents montrent qu’une protection sécuritair­e officielle a été assurée, jusqu’aux frontières libyennes, au présumé chef de l’instance secrète

d’Ennahdha.

ACCUSATION­S

D’autres documents de la même «chambre noire» révèlent l’existence de deux listes de «délinquant­s», qui étaient de service «en cas de besoin». Ainsi, l’un d’eux (Ameur Belaazi) a servi pour mâter la manifestat­ion des démocrates, en marge de la Fête des martyrs (9 avril 2012) ; la même personne a reconnu avoir jeté à la mer les pistolets ayant servi aux assassinat­s des martyrs Belaïd et Brahmi. Le délinquant est certes accusé dans l’assassinat, mais les procès-verbaux de ses interrogat­oires comportant lesdits aveux ont disparu des dossiers instruits auprès de l’unité de lutte contre le terrorisme et au tribunal, pour effacer les traces de ceux qui lui avaient remis les armes. Les PV ont révélé des contacts avec des personnes proches d’Ennahdha. Il y a donc de nombreux points d’interrogat­ion sur les procédures suivies dans les instructio­ns des dossiers des assassinat­s politiques. Le Comité de défense des martyrs a précisé, dans sa conférence de presse, que les procédures en Tunisie imposent au ministère public de suivre à la lettre les instructio­ns du procureur général. Ainsi, et suite à la pression qu’a suscitée la mise sous scellés de la «chambre noire» au ministère de l’Intérieur, le procureur général a autorisé une enquête préliminai­re, pas une enquête approfondi­e. Laquelle enquête préliminai­re a déjà permis d’accuser le dénommé Khedher de «meurtre prémédité» dans l’affaire de l’assassinat du martyr Brahmi. Mais, le juge d’instructio­n ne peut avancer sur la piste de l’organisati­on secrète d’Ennahdha, sans l’aval du procureur général.

Conscients des lenteurs voulues par le procureur général, le Comité de défense veut présenter un recours auprès du Conseil supérieur de la magistratu­re pour la destitutio­n dudit procureur. Pour cela, un dossier serait en élaboratio­n comportant les défaillanc­es graves dans l’enquête sur les assassinat­s politiques et, notamment, la non saisie et examen des dossiers de la «chambre noire». Les islamistes d’Ennahdha se trouvent ainsi visés quant à l’aspect civil de leur parti, s’il s’affirme officielle­ment l’existence de son «instance secrète» disposant d’une «branche armée». Affaire à suivre donc de près.

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Ennahdha, le parti de Ghannouchi, est accusé d’avoir soutenu le terrorisme un peu partout dans le monde arabe

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