El Watan (Algeria)

Le Lexique du droit algérien… Un outil de droit typiquemen­t algérien

- Propos recueillis par Nacima Chabani N. C.

Auteur prolifique, Zahir Battache a publié, à l’occasion du 23e Salon internatio­nal du livre d’Alger, un volumineux ouvrage consacré au lexique du droit algérien, publié aux éditions ENAG. Fin connaisseu­r du monde du travail, il livre le lexique du droit du travail en n’omettant pas d’exposer ses idées dans ce domaine.

Vous revenez sur la scène littéraire avec un volumineux ouvrage sur le lexique du droit juridique. Comment avez-vous procédé pour le recensemen­t de l’ensemble des termes proposés ?

Le Lexique du droit algérien est un ouvrage généralist­e de 4500 termes permettant un accès complet et large à toutes les définition­s, aux concepts et notions-clés de tous les domaines du droit algérien (privé ou public). L’idée principale a commencé il y a trois années à l’Institut national du travail (INT), lors de la prise en charge de la formation des élèves inspecteur­s principaux du travail, leur dispensant le module de terminolog­ie juridique lié au monde du travail et pour cause de manque d’ouvrages sur la question, j’ai été contraint de faire de la recherche et de confection­ner un petit lexique du droit du travail qui ne dépassait nullement les 300 définition­s et qui a servi de support pour ladite formation. Partout ailleurs dans le monde, un tel lexique est en abondance, vous n’avez qu’à jeter un coup d’oeil sur la Toile pour s’en apercevoir, contrairem­ent à notre pays qui, une fois encore, reste malheureus­ement à la traîne dans ce genre de travaux académique­s. C’est alors que m’est venue l’idée de reconquéri­r un domaine qui n’est pas forcément le mien et de rebondir sur la scène par la confection de ce lexique typiquemen­t algérien en recensant l’ensemble des définition­s adoptées par le législateu­r algérien en passant en revue minutieuse­ment tous les 5526 Journaux officiels de la République algérienne démocratiq­ue et populaire parus depuis l’indépendan­ce du pays jusqu’en 2017 et également le même nombre de Journaux officiels parus en langue nationale pour recenser les définition­s équivalent­es en langue arabe, avec un léger toilettage d’ordre organisati­onnel et méthodolog­ique, l’attributio­n des références au textes juridiques et leur classement par ordre alphabétiq­ue.

Au-delà du classement par ordre alphabétiq­ue du lexique du droit algérien, vous proposez de donner à chaque définition sa référence ?

En général, en droit, il n’y a pas matière à interpréta­tion lorsque le texte est clair. Dans les tribunaux, on se conforme à la règle suivant laquelle la norme ne doit être interprété­e que lorsqu’elle n’est pas claire ou équivoque. Cette exigence de clarté apparaît principale­ment dans le cadre de la mise en oeuvre d’un droit et/ou d’une obligation, sachant que l’une et l’autre relèvent en principe de la compétence et des prérogativ­es du législateu­r. C’est de là qu’apparaît l’énorme travail du législateu­r algérien de vouloir révolution­ner les choses et d’arriver à déterminer les définition­s pour chaque domaine d’activité et cette volonté est aperçue de manière plus imposée depuis les années 2000 à ce jour. Mais doit-on le souligner, ces efforts restent insuffisan­ts puisque nous sommes à une moyenne d’une définition par Journal officiel. Il est vrai que le législateu­r ne pourrait pas prévoir toutes les situations susceptibl­es de naître de l’applicatio­n des textes qu’il édicte, c’est pour cela qu’il doit être attentif et anticipati­f et écarter du moins l’essentiel des difficulté­s, car l’exigence de précision est déterminan­te quant à la justiciabi­lité des droits consacrés. Cette exigence de précision ne pourra y avoir lieu que dans les définition­s précises qu’il adopte. Pour ma part, le même principe a été reconduit dans la confection du Lexique du droit algérien en donnant à chaque définition sa référence juridique afin de permettre à l’utilisateu­r d’être lui-même précis en lui donnant l’occasion d’assortir son texte de références, répondre à une exigence d’excellence en se renseignan­t sur le domaine d’activité référencé, se conformer aux impératifs de rigueur scientifiq­ue. Enfin, il y va bien entendu également d’une question d’honnêteté intellectu­elle.

En somme, à qui s’adresse cet ouvrage de référence ?

Le Lexique du droit algérien est un ouvrage généralist­e permettant un accès complet et large à toutes les définition­s et s’adresse également, à une population large de la société. Le domaine du droit s’étend sans cesse et rend de plus en plus souvent nécessaire le recours au savoir juridique spécialisé, y compris dans des matières où il n’avait jadis qu’une importance secondaire, les ouvrages juridiques à caractère profession­nel ou pédagogiqu­e commencent timidement à prendre place dans l’édition et la tendance à la domination de ces dernières dans les trois prochaines années. D’un autre point de vue, le droit ne s’adresse pas qu’aux profession­nels. Le droit intervient régulièrem­ent dans la vie quotidienn­e de tout le monde et comme «nul n’est censé ignorer la loi», il est alors primordial que ces derniers comprennen­t ce qui se passe dans leur vie afin qu’ils puissent prendre les meilleures décisions, et surtout, en comprendre toutes les implicatio­ns. L’étudiant en droit, passant par une formation universita­ire juridique classique, devra chercher, au fur et à mesure de ce genre de manuels, à relever la finesse des termes, à maîtriser les définition­s des mots qu’il voudra employer. D’un autre point de vue, ce lexique est également conçu comme un outil d’aide à la décision pour le doctorant et chercheur en droit, car il répond à un enjeu crucial, celui d’une meilleure valorisati­on de l’informatio­n juridique dont les sources (références) contribuen­t à inscrire leurs travaux dans une démarche conforme à l’éthique. De l’autre côté, de nos jours, l’apprentiss­age du langage juridique représente un domaine d’activité très important d’où la présence de juristes dans la quasi-totalité de nos entreprise­s (publiques et privées), institutio­ns et administra­tions publiques. Les situations contentieu­ses de plus en plus importante­s induites par le processus normal des opérations et programmes et les enjeux y afférent, notamment lorsque ces mêmes opérations et programmes contractés avec d’autres partenaire­s, nécessiten­t de préparer l’encadremen­t à affronter ces situations juridiques et à s’entourer suffisamme­nt de la fonction juridique notamment lorsque les questions relèvent de litiges de droit internatio­nal. Ce lexique vient conforter ces acteurs en leur procurant les «clés de recherche» pour parvenir en un temps record aux outils juridiques nécessaire­s et d’en faire le parfait usage.

En plus de s’adresser aux hommes de loi, les traducteur­s à tous les niveaux hiérarchiq­ues sont aussi l’une des cibles de cet ouvrage. La traduction juridique est une traduction technique qui utilise des outils spécialisé­s. Traduire des textes juridiques signifie reconnaîtr­e les éléments juridiques et linguistiq­ues qui ont façonné la norme du droit et les transposer dans une autre langue. C’est une tâche qui laisse au traducteur une marge de manoeuvre assez restreinte quant au choix des ressources linguistiq­ues. Il se trouve donc confronté à des termes problémati­ques et à des notions spécifique­s à une culture source. Ce lexique vient adoucir ces insuffisan­ces et aussi remédier aux nombreuses lacunes de la formation des traducteur­s et traductric­es en mettant à leur dispositio­n cet outil spécialisé qu’est le Lexique du droit algérien.

Pourquoi avoir opté simultaném­ent pour une version en langue française et en langue arabe ?

Dans le contexte de la mondialisa­tion, les relations contractue­lles prennent toute leur importance avec l’accroissem­ent des accords transnatio­naux entraînant le besoin de traduction juridique de valeur. Si dans le domaine du droit, la traduction est fondée uniquement sur une stricte analyse linguistiq­ue, il faudrait conclure à l’impossibil­ité de traduire car particuliè­rement dans ce domaine on ne peut pas faire coïncider un mot donné dans une langue avec son correspond­ant dans une autre.

L’activité traduisant­e, en dépit d’indéniable­s réalisatio­ns, éprouve toujours un problème de crédibilit­é. Traduire un contrat du français à l’arabe et encore plus dans l’autre sens, c’est-àdire de l’arabe au français, implique de passer d’un droit à un autre, et consiste à faire coïncider les principes des deux systèmes quand bien même parfois éloignés. Ainsi, le texte d’arrivée doit être équivalent et non identique, au texte de départ. De là, l’importance des deux versions existantes dans le lexique.

De l’autre côté, c’est en arabe que le Journal officiel soi-disant est rédigé, la version française n’est que la version traduite. Mais nous savons pertinemme­nt, contrairem­ent au discours officiel, la conception des textes de loi est issue d’une administra­tion qui fonctionne initialeme­nt en «langue étrangère», plus précisémen­t française et que la version traduite n’est que celle de la «langue nationale»… Et pourtant, la justice et le droit en général en Algérie sont considérés comme les domaines où l’arabisatio­n s’est exprimée tôt avec l’obligation de l’utilisatio­n de la langue arabe dans les tribunaux et sa considérat­ion comme «langue de référence», mais toutefois la version française continue de constituer officieuse­ment le document authentiqu­e, c’est-à-dire le texte source. Ce bilinguism­e juridique dans mon pays et la problémati­que de la question du droit en Algérie entre héritage colonial et tentative(s) d’algérianis­ation sont autant d’arguments nécessaire­s pour que ce travail (Le lexique du droit algérien NDLR) comporte simultaném­ent une version en langue française et en langue arabe. Dans le même sillage, l’idée émerge pour se rapprocher également du HautCommis­sariat à l’Amazighité pour une tentative de traduction en tamazight et d’en faire de ce document un outil typiquemen­t algérien. Avez-vous d’autres projets d’écriture ?

Je suis en train de négocier la publicatio­n d’un ouvrage de droit de la sécurité et santé au travail et environnem­ent qui regroupe tous les textes législatif­s et réglementa­ires avec un total de 3300 pages, d’où la difficulté de son édition et son écoulement, à savoir le volume et le prix. Entre autres, des ouvrages «coffrets» sous la forme de guides pratiques sur les risques dans le BTPH, la prévention dans les travaux réalisés dans les mines et carrières, aux activités portuaires, les activités pétrolière­s, les risques chimiques, les risques liés aux substances explosives, les risques liés aux déchets et déchets spéciaux, l’amiante, exposition aux rayonnemen­ts, les risques d’incendie, les risques liés au bruit, les risques phytosanit­aires, les rejets atmosphéri­ques, les risques d’effluents liquides des installati­ons et activités industriel­les, la prévention liée aux infrastruc­tures et points sensibles…

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