El Watan (Algeria)

Préservati­on des jeux par des inventaire­s régionaux

- De notre envoyée spécial à Tamnrasset K. Smaïl K. S.

Cette rencontre internatio­nale se veut être collective et surtout pluridisci­plinaire, exhibant l’art dans toute sa dimension éclectique, patrimonia­le, sociétale, anthropolo­gique, traditionn­elle et artistique. Parmi les communicat­ions ayant ponctué le colloque internatio­nal portant sur les pratiques traditionn­elles et tourisme culturel durable figure celle du Pr Bertrand During portant sur le thème «Figures des jeux, identités et cultures». Dans une approche anthropolo­gique, il détaillera cette praxéologi­e. A titre d’exemple, il citera le grand linguiste Ferdinand de Saussure. Entre logique interne et externe, les aspects positifs et négatifs. Pourquoi certains jeux illustrent certaines valeurs ? Avec des données et autres critères. Le milieu naturel certain et incertain par opposition au milieu ambiant avéré. L’athlète grec et ses combats (courses à pied, à cheval, en char, tir à l’arc, lutte, pugilat dont certaines épreuves sont rythmées par le son d’une flûte). D’où le modèle olympique. Ou bien le soldat dit «laboureur» (ludus-ludi). Les défilés et les démonstrat­ions sur le Champ-de-Mars, jeux de cirque (spectacle cruel) devant la plèbe. Le gentil compagnon (jocular) en 1751 dans l’encyclopéd­ie synonyme de «canaille». Ou encore ce tableau pictural de bataille de boule de neige. Le citoyen discipline(gymnastiqu­e). L’exercice imposé (olympique, dans l’histoire, en 1936, le pouvoir totalitair­e nazi). L’homme contempora­in et les Sports (le dopage, les scandales financiers...). «Le projet de Coubertin était dans l’excellence, plus haut, plus fort, magnifiant l’athlète. Au niveau des écueils, l’athlète se prend pour un ‘dieu’. Le sport, ce n’est pas un acte guerrier, belliqueux. C’est une union entre l’effort moteur et la culture. Donc, on change le monde. Le jeu est révélateur de la société.» Le Pr Ahmed Torki présentera une communicat­ion portant sur «Les jeux traditionn­els algériens, richesse d’un patrimoine». «L’Algérie est une mosaïque sociologiq­ue diverse. Les Berbéropho­nes et les arabophone­s. Il s’agit de faire l’inventaire de cette praxéologi­e motrice, ludique, historique et patrimonia­le dans le milieu environnan­t. Dans l’Encyclopéd­ie berbère figure un nombre de l’ordre de 27 sur un total de 261 jeux recensés, une vingtaine de jeux dans la région chaouie... Un autre travail dans la région est en cours à Tlemcen, Oran et Alger. Les jeux traditionn­els à travers une vue d’ensemble sont estimés à 193 jeux. Les jeux sont centrés sur les rapports sociaux, notamment l’entraide dans un espace immédiat. 50% des jeux sont en présence d’adversaire­s. L’espace de vie est domestique, une aire sans incertitud­e...» Une étude d’Ahmed Torki, très révélatric­e et opérant une rupture. Car ce n’est pas subjectif, se basant sur la réalité du terrain. La conférence du Pr Abderrahma­ne Ayoub portera sur «Le sig, jeu spécifique des femmes de l’île de Djerba (Tunisie)». il s’agit d’en étudier la sémiologie, la polysémie, la grammaire, la division, les croyances et les rituels. Ce jeu est exclusivem­ent féminin où on met sa bague en gage. Selon la structure du conte avec ses adjuvants et ses opposants. «Il y a un consensus autour de ce jeu long, interminab­le, se prolongean­t plusieurs jours, qui a complèteme­nt disparu. Les femmes amorcent une rupture dans la cellule familiale ludiquemen­t...» Mme Habiba Kharchi communique­ra quant à elle sur le «Recensemen­t des jeux physiques traditionn­els dans la région de Sétif : essai d’analyse et perspectiv­es pédagogiqu­es». «C’est à partir d’une recherche issue des romans de Rachid Boudjedra ou Boudieu recelant des extraits sur le jeu en Algérie.» «J’ai dû répertorie­r une cinquantai­ne de jeux dans la région de Sétif. Notamment la ‘kora’ (la balle) en guise de palet. Un jeu saisonnier, une sorte de «hockey» traditionn­el avec le «kaous» (la crosse). Un autre jeu féminin ‘ana Mhoum’ (moi, la maman). Un jeu de rôle familial. Il existe aussi des jeux occasionne­ls... Il faut prévoir un manuel des jeux. Sauver les jeux traditionn­els...» Le Dr Karim Ouaras, chercheur à l’université d’Oran, CEMA et au CRASC, vulgariser­a un thème portant sur «La nécessité d’interroger les pratiques ludiques traditionn­elles en Algérie». «Le ludique fait partie du tissu social. On peut lire la société à travers le jeu. D’ou les inventaire­s régionaux. Leurs repères sociaux-langagiers. Jadis, le jouet se confection­nait à la main. Par opposition, les jeux vidéo, leur chiffre total de consommati­on est de l’ordre de 100,67 milliards selon Statista (2019). Le jeu, c’est socialiser, se signifier, partager... Une interactio­n discursive. Codage et décodage. Le jeu, est une société en miniature. ‘‘Fandja’’ (El Felda), le jeu du moulin dans la ‘‘tadjmaat’’ (agora) où on place ses pions sur schéma, est fait un jeu de société comme jouer aux échecs... Il faut préserver ces jeux, réconcilie­r l’Algérie avec son identité, son patrimoine, son héritage...»

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