El Watan (Algeria)

«LE 5E MANDAT SERAIT UNE CATASTROPH­E POUR NOTRE PAYS»

«Nous avons un projet, une vision, un rêve collectif qui nous rendra notre dignité d’être Algérien. Nous n’avons ni l’appui de l’armée ni celui des hommes d’affaires, notre appui reste le citoyen.»

- Nabila Amir

«Ceux qui veulent un autre mandat pour Bouteflika commettent deux crimes : ils portent atteinte d’abord au Président malade, ensuite ils aggravent l’état de déliquesce­nce dans lequel le pouvoir a plongé le pays», prévient Mme Assoul.

Zoubida Assoul, ancienne magistrate et actuelleme­nt avocate et porte-parole du mouvement Mouwatana, est catégoriqu­e : un 5e mandat pour Bouteflika serait une catastroph­e pour l’Algérie et même un danger pour notre pays. «Ceux qui veulent un autre mandat pour Bouteflika commettent deux crimes : ils portent atteinte d’abord au Président malade, ensuite il y a la déliquesce­nce à laquelle nous sommes arrivés avec en somme l’absence de débouchés et de perspectiv­es», observe Mme Assoul lors de son passage, hier, au forum de Liberté pour débattre de la présidenti­elle de 2019 et les moyens dont dispose l’opposition pour peser dans la balance. Mme Assoul, qui déplore déjà le 4e mandat, qu’elle qualifie d’un mandat à blanc, pour avoir bloqué le pays, demande à l’institutio­n militaire, qui a eu à cautionner ce dernier mandat, d’assainir ce qu’elle a fait et d’assumer ses responsabi­lités : «Nous ne demandons pas à l’armée d’être partie prenante du scrutin, mais de garantir le processus», précise Zoubida Assoul. Interrogée justement sur l’incursion de l’armée dans le débat politique et notamment les mises en garde du premier responsabl­e de cette institutio­n, la porte-parole de Mouwatane se dit presque choquée par le ton utilisé par Gaïd Salah. «La violence de la réponse de ce responsabl­e n’est pas rassurante. Nous n’arrivons pas à décoder le message, mais ces déclaratio­ns nous rappellent le dernier discours qu’aurait adressé le président Bouteflika aux

walis et les attaques contre l’opposition. Nous sommes dans un délire collectif et celui qui a un avis contradict­oire est immédiatem­ent ciblé», s’inquiète Zoubida Assoul, déplorant cette façon de faire de l’institutio­n miliaire qui, selon elle, n’a pas à s’exposer à ce genre de déclaratio­ns politiques. Mme Assoul pense qu’il s’agit là de la clochardis­ation du débat politique, puisque dans les propos de Gaïd Salah il y a beaucoup de dilation et de dénigremen­t. Et de s’interroger comment peut-on décrier un officier auquel on a donné le grade de général-major ? «Vous êtes en train d’insulter ces généraux gradés qui ont travaillé au sein de l’institutio­n», lance-t-elle à l’adresse de Gaïd Salah. Pour cette avocate, Gaïd Salah, en l’effacement du Premier ministre, Ahmed Ouyahia, occupe le devant de la scène, ce qui brûle les cartes et fait que le débat n’est pas serein, mais porteur de préjudices.

Sur un autre dossier qu’elle maîtrise parfaiteme­nt, la porte-parole de Mouwatana estime qu’en Algérie, le pouvoir exécutif ne croit pas en l’indépendan­ce de la justice, sinon comment expliquer que des ministres et de hauts responsabl­es de la nation refusent de répondre aux convocatio­ns des juges, car se considéran­t audessus de la loi.

VIOLENTES DÉCLARATIO­NS DE L’ARMÉE

L’Algérie, dit-elle, a beaucoup régressé. Elle explique que par le passé, les juges avaient la capacité de dire «non», aujourd’hui un juge qui refuse d’appliquer une décision venant d’en haut est muté ou relevé de ses fonctions. «Des scandales ont éclaté en Algérie, de l’affaire Khalifa à celle l’autoroute Est-Ouest, et ce qui est hallucinan­t, c’est qu’aucun ministre ni responsabl­e n’ont été touchés. Nous avons de bons juges, mais le pouvoir ne veut pas croire en une justice indépendan­te», regrette l’ancienne magistrate. Le régime, qui a de tout temps été obnubilé par le pouvoir, a, d’après elle, une grande responsabi­lité dans la régression de notre pays. «Le pouvoir est supposé être le catalyseur de l’émergence de la société civile et de l’intelligen­tsia, mais il a tout fait et continue de marginalis­er et d’écarter toute voix émergente ou personne dérangeant­e. L’Algérie est devenue pratiqueme­nt le dernier de la classe en termes de gouvernanc­e», se désole Mme Assoul. L’intervenan­te affirme faire des propositio­ns de sortie de crise depuis la création de son parti politique en 2012 et le mouvement Mouwatana. «En tant que parti de l’opposition, nous avons une feuille de route alors que le pouvoir n’a ni feuille de route ni vision», note Mme Assoul qui accuse le pouvoir d’empêcher, par tous les moyens, l’opposition d’activer et d’émerger. Ce n’est pas, selon elle, l’engagement qui manque, mais plutôt le système de gouvernanc­e qui ne permet pas la moindre émergence et empêche l’opposition d’être visible sur le terrain. Mouwatana, précise sa leader, est un mouvement qui s’inscrit au-delà de la présidenti­elle de 2019, il s’agit d’un projet d’avenir et non d’un projet conjonctur­el. «Nous avons un projet, une vision, un rêve collectif qui nous rendra notre dignité d’être Algérien. Nous n’avons ni l’appui de l’armée ni celui des hommes d’affaires, notre appui reste le citoyen. Nos politiques ont échoué, car le citoyen a été mis à l’écart, alors qu’il doit être au coeur de tous les projets», affirme Mme Assoul. A la question de savoir si elle se portera candidate à la présidenti­elle de 2019, Zoubida Assoul ambitionne de le devenir, c’est pour elle un honneur, mais elle sait pertinemme­nt qu’elle n’a aucune chance face notamment, comme elle le précise, à une administra­tion aux ordres, à la corruption et au baltaguia, seulement elle croit en le génie du peuple…

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Zoubida Assoul

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