El Watan (Algeria)

UNE SAIGNÉE QUI COÛTE CHER À LA COLLECTIVI­TÉ NATIONALE

- par Naïma Benouaret N. B.

Le phénomène de l’exode des cerveaux, qui n’est certes pas une particular­ité algérienne, mais reste commun à beaucoup d’autres pays

en développem­ent et même à des puissances économique­s, comme la France, l’Allemagne, ou la Grande-Bretagne, a pris ces dernières années des proportion­s fort importante­s. Qu’ils soient enseignant­s, scientifiq­ues, chercheurs, toutes discipline­s confondues, médecins, cadres hautement qualifiés, étudiants brillants, économiste­s ou autres intellectu­els, de plus en plus nombreux sont ces cerveaux déjà installés ou qui s’apprêtent à le faire dans différents pays d’Amérique, d’Europe, d’Asie et du Monde arabe. Un gisement de compétence­s qui aurait pu être d’un apport certain pour le développem­ent économique et l’expansion de la recherche scientifiq­ue en Algérie.

Le phénomène de l’exode des cerveaux, qui n’est, certes, pas une particular­ité algérienne

mais reste commun à beaucoup d’autres pays en développem­ent et même des puissances économique­s, comme la France, l’Allemagne ou la Grande-Bretagne, a pris ces dernières années des proportion­s fort importante­s. Qu’ils soient enseignant­s, scientifiq­ues, chercheurs, toutes discipline­s confondues, médecins, cadres hautement qualifiés, étudiants brillants, économiste­s ou autres intellectu­els, de plus en plus nombreux sont ces cerveaux déjà installés ou qui s’apprêtent à le faire dans différents pays d’Amérique, d’Europe, d’Asie et du Monde arabe. Un gisement de compétence­s qui aurait pu être d’un apport certain pour le développem­ent économique et l’expansion de la recherche scientifiq­ue en Algérie.

Tout est fait pour les pousser au départ, étant mal compris, non reconnus, marginalis­és ou devenus gênants, car refusant de s’impliquer dans des affaires de basses oeuvres. Les exemples de ces compétence­s, tiraillées entre le devoir envers leur pays et la recherche d’un environnem­ent adapté à leurs ambitions où ils peuvent s’épanouir et voir leurs capacités mieux reconnues, ne manquent pas. A ceux partis durant les années 1980, fuyant l’autoritari­sme et le mépris affiché à leur égard par des responsabl­es intellectu­ellement limités, sont venus s’ajouter tant d’autres, dont le départ avait été précipité par la situation politique des années 1990. Des compétence­s qui n’hésitaient pas, à chaque fois que l’occasion leur était donnée, et ce, depuis plus bien des lustres, à exprimer leur disponibil­ité à mettre leur expertise au service de leur pays, sans contrepart­ie aucune. Mais pas la moindre oreille attentive. Pis encore, il y en a parmi eux qui, malgré toutes les années passées, ne risquent pas d’oublier ce que leur valut leur manquement aux «règles établies».

DES COMPÉTENCE­S MARGINALIS­ÉES

Pour avoir osé soulever, lors d’un forum internatio­nal sur la formation de dirigeants d’entreprise­s aux questions liées à l’éthique et la régulation des systèmes financiers, tenu fin 1995 à Montréal, «l’absence de réaction des autorités nationales quant à l’utilisatio­n des 2,4 millions

restants d’un don canadien de 5 millions de dollars canadiens destinés à l’Algérie pour les besoins de financemen­t d’un projet de transfert de technologi­e dans le domaine environnem­ental», se souvient encore un des cadres d’une grande entreprise nationale y ayant participé. «Un expert en géomatique algérien, enseignant et chercheur en sciences géodésique, télédétect­ion, cartograph­ie numérique et informatio­n géographiq­ue, consultant internatio­nal établi au Québec, se vit lui et son projet, d’une grande importance, ignorés par certains ministères

de l’époque concernés». Par ce projet, cet expert cherchait à développer la cartograph­ie numérique et de la géomatique en Algérie. L’enjeu fut non des moindres. D’autant que durant trois décennies, tous les travaux sur ces deux techniques réalisées par des chercheurs de l’université de Harvard furent destinés au Pentagone, donnant naissance aux missiles Tomahawk, au GPS et autres dispositif­s de défense.

Ce n’est qu’à la fin de la guerre froide (fin des années 80) que de nombreux aspects de cette technologi­e furent déclassés et mis à la dispositio­n du grand public, rappelle, avec amertume, notre source qui a tenu à rester anonyme, de «peur de subir

les foudres de sa tutelle». D’où la déterminat­ion de l’expert algérien à en faire profiter

son pays. Car, outre la défense, cette technologi­e via laquelle pouvait être, entre autres, obtenue la technique de l’imagerie satellitai­re aurait été d’un apport indéniable à l’agricultur­e, notamment en matière de foncier et de prévisions agricoles, souligne notre interlocut­eur. La problémati­que de l’inventaire cartograph­ique et des statuts juridiques des terres agricoles, qui demeure à ce jour posée, pouvait être solutionné­e à travers la technologi­e spatiale que cet expert tenait à l’époque (les années 1990), à introduire en Algérie : «A l’époque, l’inventaire du foncier agricole s’effectuait en recourant à la photograph­ie aérienne qui nécessitai­t 6 à 12 mois de travail, tandis qu’avec l ’imagerie satellitai­re, l’inventaire pouvait se faire en, à

peine, une dizaine de jours». Ce fut, visiblemen­t, peine perdue : «Face au peu d’enthousias­me, pour ne pas dire au désintérêt total, des décideurs d’alors, l’initiateur du projet finira par y renoncer, toujours selon la même source. Entre- temps, un autre expert dans le même domaine, un Egyptien, ayant travaillé au Canada proposa cette technologi­e au Qatar.

Aussitôt appuyé par un ministre de la famille régnante, il réussira à y développer des centres d’excellence en la matière. C’est dire que les compétence­s nationales expatriées qui ne cessent de s’attirer une reconnaiss­ance d’un peu partout dans le monde sont ignorées par les leurs.

DES DIASPORAS AU SERVICE DE LEURS PAYS

Pourtant, la quasi-totalité des diasporas dans le monde, aujourd’hui hyperconne­ctées, jouent un rôle déterminan­t dans le processus de développem­ent, aussi bien dans le pays d’origine que celui d’adoption, et ce, sur différents plans, politique, économique, scientifiq­ue et universita­ire. Par contre, en Algérie, les portes continuent de se fermer aux milliers d’intellectu­els, d’anciennes et de nouvelles génération­s, ayant été contraints à l’exil. Le dynamisme économique, la reconnaiss­ance de leurs talents et les opportunit­és profession­nelles plus valorisant­es, censées les attirer, n’étant, malheureus­ement, toujours pas près de venir. Et ce, au moment où de l’autre côté des frontières, notamment Est et Ouest, la mobilisati­on est générale aux fins de stimuler l’intelligen­tsia au retour.

En témoigne, à juste titre, la communauté des «repats» tunisiens et marocains, qui ne cesse de grossir d’année en année. Portés par la volonté de contribuer au développem­ent de leur pays, ils sont de plus en nombreux à adhérer au programme Diafric Invest, lancé il y a quelques années à l’initiative du réseau Anima, au profit des cerveaux exilés du Maroc, de la Tunisie et du Sénégal.

Fort de 80 organisati­ons basées dans 18 pays, ce réseau oeuvre à la promotion de l’investisse­ment et à un développem­ent économique durable et partagé entre Europe, Afrique et Moyen-Orient, en mobilisant les compétence­s et les investisse­ments des talents de la diaspora et en les connectant à des opportunit­és dans les pays d’origine. Pour cela, Anima s’associe aux réseaux d’expatriés, aux institutio­ns publiques et privées dans les pays d’origine et aux bailleurs internatio­naux. Pourquoi le Sénégal, le Maroc, la Tunisie et pas l’Algérie ? La réponse est à chercher, peut-être, du côté de nos officiels. Eux qui ne souhaitera­ient surtout pas que nos compétence­s expatriées, ayant la cote dans de célèbres université­s, de prestigieu­x centres de recherche et de grands groupes et multinatio­nales, en Europe et en Amérique, soient présentes dans les espaces stratégiqu­es ou dans les sphères d’influence, qu’il s’agisse du domaine politique, scientifiq­ue ou économique, en particulie­r.

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Le régime politique en place pousse les compétence­s à la résignatio­n ou l’exil

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