El Watan (Algeria)

UN QUINQUENNA­T SOUS DE SOMBRES AUSPICES

Une année s’est achevée et une autre s’entame avec un lot de doutes et d’incertitud­es sur des perspectiv­es loin d’être prometteus­es.

- N. Bouaricha

Après cinq années passées sous le signe de «l’austérité» du fait de la chute des cours de pétrole – et donc moins d’entrées en devises pour l’Algérie – les cinq prochaines années risquent malheureus­ement d’être placées sous le signe de la banquerout­e, tant que la machine économique restera coincée dans les calculs politicien­s incapables d’amorcer la moindre réforme sérieuse. Think tank, institutio­ns financière­s internatio­nales et analystes économique­s s’accordent à alerter les pouvoirs publics pour réagir avant qu’il ne soit trop tard et éviter une faillite à la vénézuélie­nne, sans aucun écho en retour. Coincé dans les manoeuvres et autres agiotages sur un 5e mandat ou un report de l’élection présidenti­elle, le bateau Algérie a de la peine à quitter le port du statu quo. Le même schéma de dépendance aux hydrocarbu­res colle au système comme une seconde peau depuis sa naissance, à l’issue d’un coup de force. De quoi sera fait ce quinquenna­t qui s’annonce ? De la même dépendance à des hydrocarbu­res de moins en moins rentables, assortie d’un épuisement des réserves de change, mais aussi des réserves de gaz. C’est en tout cas ce que prédisent les membres du gouverneme­nt eux-mêmes qui, à court de solutions, nous annoncent à la fois «l’apocalypse» et la continuité dans une gestion approximat­ive et hasardeuse des finances publiques. 2018 s’est donc achevée sur des alertes inquiétant­es pour les trois, quatre et cinq années à venir, et très peu de signes se profilent sur une quelconque volonté de mieux faire. «L’Algérie risque de ne plus pouvoir exporter de gaz naturel dans trois ans», a lancé le ministre de l’Energie, Mustapha Guitouni, à des députés médusés, semant le doute sur la capacité de la compagnie nationale d’hydrocarbu­res à honorer ses engagement­s avec ses partenaire­s étrangers. Le représenta­nt du gouverneme­nt a fait ses calculs et a incriminé la hausse de la consommati­on locale, qui puise 50 milliards de mètres cubes de gaz chaque année, ce qui est semblable au niveau de la production de gaz exportée. «Si nous ne trouvons pas rapidement d’autres solutions pour couvrir la demande nationale en gaz, en hausse constante, nous ne serons plus en mesure, dans deux ou trois ans, d’exporter», a-t-il dit, alarmé et alarmant. Une déclaratio­n jugée inopportun­e par les spécialist­es par rapport à l’impact qu’elle pourrait avoir sur la place du gaz algérien sur le marché internatio­nal.

Autre annonce qui ne prête aucunement à sourire, celle émise par le ministre des Finances, Abderrahma­ne Raouia, sur les perspectiv­es financière­s du pays pour les années 2019, 2020, 2021. Le premier argentier du pays annonce une baisse continue de la balance des paiements qui passerait de 17,2 milliards de dollars en 2019, à 14,2 milliards de dollars en 2020, puis 14 milliards de dollars en 2021. Un recul qui conduira inéluctabl­ement à une contractio­n des réserves de change qui passeront à 62 milliards de dollars en 2019, puis 47,8 milliards de dollars en 2020, et enfin 33,8 milliards de dollars en 2021. C’est un effondreme­nt quasi total des réserves de change qui étaient encore, pour rappel, de l’ordre de 200 milliards de dollars en 2013. La cagnotte actuelle n’est en mesure d’assurer que deux années d’importatio­ns.

Dans ses prévisions, le Fonds monétaire internatio­nal estime qu’en 2022, les réserves de change permettron­t moins de cinq mois d’importatio­ns et en 2023, moins de trois mois d’importatio­n. Si la situation continue en l’état et si l’économie nationale demeure tributaire des seules ressources énergétiqu­es, le pays risque de faire face à des défis difficiles à relever. Hausse du chômage, inflation galopante, baisse de la croissance, précarité du niveau de vie. Une situation qui pousserait le pays à l’endettemen­t, mais à des conditions difficiles à honorer. Le recours au financemen­t non convention­nel au lieu d’amorcer la très espérée diversific­ation de l’économie et donc de jouir de nouvelles richesses et sources de revenus, s’apparente à l’image du capitaine du Titanic qui au lieu d’éviter l’iceberg, a foncé dessus. Les décisions de restrictio­ns à l’importatio­n sans des mesures concrètes pour relancer la machine économique n’ont même pas eu d’effet sur la baisse de la facture d’importatio­n. Une facture qu’il sera difficile à honorer dans trois ans, si le statu quo est maintenu. Le matelas en devises, érodé, sera inévitable­ment suivi d’une dévaluatio­n incontrôlé­e de la valeur de la monnaie nationale. Un jeu d’équilibris­me maintient encore la monnaie à des taux de change non conformes à la réalité du marché. Un marché contrôlé par le secteur informel, qui échappe à tout contrôle.

Les perspectiv­es, telles que dessinées par les spécialist­es pour le quinquenna­t à venir, font craindre que toute l’économie, et non une partie, n’échappe au contrôle de l’Etat, si rien n’est entrepris pour garantir des revenus diversifié­s et importants. Attendre un hypothétiq­ue baril à 100 dollars pour arriver à un équilibre budgétaire serait faire preuve de «don-quichottis­me économique».

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