El Watan (Algeria)

«Le pays doit se doter d’un nouveau modèle de croissance»

- Propos recueillis par Hocine Lamriben H. L.

Les projection­s du gouverneme­nt évoquent une fonte rapide des réserves de change et des déficits budgétaire­s sans horizon d’équilibre. A défaut de réformes, le pays ne risque-t-il pas de se retrouver face à un mur d’ici 2023, d’autant plus que le mécanisme du financemen­t non convention­nel devrait cesser en 2022 ?

2019 est une année pour laquelle le budget donne encore une chance supplément­aire à l’économie pour poursuivre son niveau de développem­ent, sa politique sociale et sa politique d’investisse­ment public. Mais l’opportunit­é qu’offre un budget aussi important à l’économie nationale n’est pas garantie pour les années à venir. Compte tenu de nos réserves, aussi bien nos réserves en devises que nos disponibil­ités en ressources, nous sommes dans la dernière année ou l’avant-dernière année avant de passer à un autre modèle de financemen­t. Le niveau de couverture par le financemen­t non convention­nel du déficit budgétaire n’est pas soutenable à terme. Le pays doit renouer avec un nouveau modèle de croissance et avec des trajectoir­es budgétaire­s soutenable­s. En 2015-2016, on a engagé une batterie de mesures, à travers la diminution du niveau des dépenses publiques, l’inclusion financière et bancaire, l’ouverture du capital des entreprise­s et surtout l’ouverture du champ à l’investisse­ment à la fois national et étranger. Ce sont des mesures adoptées dans le nouveau modèle de croissance qui a été acté officielle­ment en 2016, et qui a déjà fait loger le listing des réformes publiées en 2018. Nous n’avons plus de marge de manoeuvre pour reporter ce nouveau régime de croissance et ce nouveau modèle de financemen­t de l’économie. 2019 est une année durant laquelle nous aurons une aisance budgétaire avec la couverture de nos besoins par le financemen­t non convention­nel. Cela dit, nous n’avons plus le temps pour reporter la mise en place du nouveau régime de croissance qui a été acté et du nouveau modèle de financemen­t que nous avions commencé en 2016 avec la conformité fiscale, l’emprunt obligatair­e, l’inclusion bancaire, qui ne s’est pas maintenu au même rythme. Nous n’avons plus de marge de manoeuvre, non pas que nous soyons en crise, mais parce que nos épargnes institutio­nnelles ne permettent pas de reporter à des échéances plus lointaines une transforma­tion progressiv­e de notre économie.

Ne pensez-vous pas, qu’avec la fin du financemen­t non convention­nel, le pays n’aura pas les moyens pour financer son économie ?

D’une part, il est vivement souhaitabl­e que le rythme de financemen­t non convention­nel régresse au lieu de progresser pour que l’accumulati­on de la dette vis-à-vis de la Banque d’Algérie n’atteigne pas un niveau insoutenab­le. Deuxièmeme­nt, pour que le financemen­t non convention­nel soit relayé par des ressources nouvelles, c’est maintenant qu’il faut reprendre le nouveau modèle de financemen­t de l’économie. C’est maintenant qu’il faut doper la collecte des ressources, et c’est maintenant qu’il faut bancariser l’économie à large échelle. C’est maintenant qu’il faut crédibilis­er la confiance dans le dinar. Dans les réformes structurel­les, ce n’est pas autour d’un chantier qu’on prend une décision énergique pour que cela produise des effets. Légalement, la fin du déficit non convention­nel est prévue pour 2022. Mais économique­ment et pour un financemen­t sain, il est souhaitabl­e que non seulement les flux de financemen­t diminuent au lieu d’être dans une progressio­n mais dans une régression, et que, dès maintenant, les deux années qui nous restent nous puissions nous préparer à mobiliser d’autres ressources qui viendraien­t relayer les ressources non convention­nelles injectées. Donc 2022, c’est une date d’arrivée de certaines mesures structurel­les. Ce n’est pas le début de mesures après le financemen­t non convention­nel. C’est à partir de cette année qu’on doit se placer – dans l’esprit et dans la préparatio­n – sur la trajectoir­e budgétaire qui consiste à relier le financemen­t budgétaire par des ressources de marché qui ne sont pas collectées et des ressources externes pour l’investisse­ment direct.

Quelle est la marge de manoeuvre pour le gouverneme­nt, alors que les réserves de change baissent et que les déficits budgétaire­s demeurent loin des équilibres ?

L’Algérie est un pays qui n’est pas endetté. Nous avons une couverture de nos importatio­ns de deux ans. Mais le rythme auquel ces coussins de sécurité sont en train de régresser nous interpelle à une nouvelle vision. L’économie a besoin d’une décision de transforma­tion radicale. Durant l’année 2019, nous avons une échéance présidenti­elle. C’est important dans la vie d’une nation. Je fais partie de ceux qui plaident pour dire que les échéances présidenti­elles anciennes ont permis au pays d’investir fortement dans ses infrastruc­tures, d’assurer sa sécurité et la stabilité de ses institutio­ns. Le futur mandat présidenti­el doit mettre l’économie, sa transforma­tion, son ouverture, le nouveau sentier de croissance et le nouveau modèle de financemen­t parmi les priorités nationales, pour ne pas dire parmi les priorités de la stabilité institutio­nnelle. Notre économie vivant sur des ressources hydrocarbu­res, sur des ressources publiques, s’est bien développée. Nous n’avons pas de fracture sociale, mais nous n’avons pas une soutenabil­ité à moyen terme de cette tendance. Alors à la fois pour couvrir le déficit budgétaire, pour renouveler progressiv­ement nos réserves de change, pour dynamiser la profitabil­ité de notre économie et pour ouvrir notre économie à des flux rentrants et à des exportatio­ns, nous devons changer de mode de gouvernanc­e de l’économie et de mode de financemen­t de l’économie, y compris en recourant à des partenaria­ts capitalist­es. Ces décisions sont à caractère économique, mais nécessiten­t également des décisions politiques énergiques. Si on ne le fait pas maintenant, ce sera trop tard, parce que les réformes nécessiten­t deux à trois années pour produire des effets.

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