Un appel et une mobilisation pour l’assainissement de l’activité cinématographique
Dans le hall d’une télévision privée, au sortir de sa direction, un homme, un père de famille, un producteur audiovisuel apprécié, est passé à l’acte. Contre toute attente, il a tenté de s’immoler par le feu devant les yeux ahuris des personnes présentes, qui lui ont immédiatement porté secours, lui évitant d’y laisser la vie. Cette nouvelle terrifiante, nous a laissés sans voix plusieurs jours… et pour cause. Ce qui a poussé Youcef Goucem à attenter à sa personne, dans un geste visant à exprimer sa détresse et son désarroi, nous le savons… mieux que quiconque. Nous savons dans quel état d’anxiété extrême l’on peut se retrouver, face aux problèmes rencontrés au cours d’une production, ou entravant sa finition, ou retardant indéfiniment l’acquittement des dettes engendrées par celle-ci. Qui d’entre nous n’a pas connu la solitude la plus désarmante quand il faut démêler des engrenages inextricables, sans que cela dépende de votre seule volonté ? Qui n’a pas connu l’embarras de ne savoir quoi dire à des techniciens ou à des comédiens qui en arrivent à vous réclamer leur dû ? Qui n’a pas vu son énième nuit de sommeil voler en éclats ? Qui n’est pas sorti cassé d’une entrevue ou d’un rendez-vous, qu’il espérait salutaire ? Qui ne s’est pas senti décomposé à la simple lecture d’un mail ou à l’ouverture d’un courrier recommandé ? Qui n’a pas craint la banqueroute ? Qui ne s’est pas raclé les genoux à courir derrière une tranche de financement, dont la suivante a déjà été dépensée ? Qui n’a pas sollicité l’emprunt personnel pour pallier une régie insuffisante ? Qui n’a pas craint la menace d’un arrêt de tournage ? Qui ne s’est pas découragé devant un agent des impôts à qui il faut justifier une démarche artistique et non purement commerciale ? Qui n’a pas saisi le huis clos de sa voiture pour déverser ses larmes, avant de retrouver les siens ? Qui n’a pas puisé dans ses ressources les plus insoupçonnées pour maintenir le moral des troupes, alors que rien ne va ?Qui n’a pas connu l’épuisement ? Qui n’a pas tremblé ou vomi son désarroi ? Qui ne s’est pas senti abandonné ? Qui ne s’est pas senti incompris ? Qui d’entre nous pourrait prétendre ne pas savoir ce qui a poussé notre collègue à vouloir en finir avec son calvaire ? Seulement, voilà… Nous les plus à même d’entendre son appel au secours, sommes pris au dépourvu. Nous les plus à même de le comprendre, nous-nous avouons démunis. Aujourd’hui, nous n’avons rien d’autre à proposer à Youcef Goucem que notre solidarité morale et notre compassion fraternelle. Quels moyens pouvons-nous déployer pour lui venir en aide et tenter de réparer l’irréparable ? Vers quelle entité légitime allons-nous nous tourner pour faire valoir ses droits et les nôtres ? Sous quel sceau allons-nous viser notre position unanime, afin de porter nos voix à qui de droit ? Jusqu’à quand allons-nous nous continuer à nous accommoder d’être les témoins passifs de nos incapacités à servir notre intérêt commun ? Quand allons-nous enfin fixer notre responsabilité, pour mieux considérer celle des autres ? Il est des drames où la réaction ne saurait être différée. Mais si elle reste individuelle, elle n’aura de portée que de fossoyer nos colères et d’atténuer notre sentiment d’impuissance. Il est des silences accusateurs, mais qui ne sauront être audibles qu’en vertu d’une action structurelle et structurée. Il est des sursauts déterminés et des volontés à tout rompre, pour faire face aux dépassements ordinaires, aux abus consentis, à la cooptation admise, aux manquements à la parole et aux petites et grandes injustices… Réagir en rangs dispersés ne devrait nous dispenser d’agir en rangs serrés. Youcef Goucem nous aura chèrement appris que chacun de nous est potentiellement seul(e), à la merci de la défaite et du renoncement. Son passage à l’acte doit nous pousser à nous élever vers des initiatives de rassemblement, de reconquête de nos espaces de parole et de créativité, d’exercice de nos droits et de préservation de nos acquis. Laissons Youcef se rétablir de ses blessures et sa famille panser ses traumatismes et mettons-nous au travail. Organisons-nous, créons des plateformes, hiérarchisons nos propositions, identifions-nous les uns aux autres, canalisons nos énergies, chassons toute tentation récurrente de division ou de clivages, sécurisons nos arrières, bâtissons des associations, rétablissons nos syndicats, oeuvrons pour l’amélioration de nos rapports à nos institutions, soyons dignes du legs des anciens et encourageons le renouvellement du cinéma algérien… c’est la manière la plus élevée de dire : plus jamais ça !
* Une pensée émue à notre regretté Rachid Diguer, parti trop tôt.
Le 10 janvier 2019 Producteurs, réalisateurs
1. Amina Badjaoui-Haddad, productrice 2. Moussa Haddad, réalisateur
3. Lotfi Bouchouchi, producteur/réalisateur 4. DjaafarGacem, producteurréalisateur 5. Yamina Bachir Chouikh, monteuse/ réalisatrice
6. BelkacemHadjadj, producteur/réalisateur 7. Ahmed Benkamla, réalisateur /producteur 8. Malek Bensmail, réalisateur
9. Ahmed Bedjaoui, professeur des Universités/producteur
10. Cherif Aggoune, réalisateur
11. SaidMehdaoui, producteur /réalisateur
12. AdilaBendimerad, productrice
13. Damien Ounouri, réalisateur
14. Hakim Abdelfettah, coordinateur de production
15. HachemiZertal, producteur
16. Walid Sahraoui, cinéphile
17. Mohamed Elkeurti, président du Cinéclub de Mascara
18. Drifa Mezenner, réalisatrice
19. Yasmine Chouikh, réalisatrice
20. DjillaliBeskri, producteur/réalisateur
21. Louisa Beskri, réalisatrice
22. Yasmine Beskri, productrice
23. Karim Traïdia, réalisateur
24. Sofia Djama, réalisatrice
25. BadraHafiane, réalisatrice
26. Mohamed Yargui, réalisateur
27. Samir Ardjoum, auteur
28. RedaLaghouati, comédien/réalisateur
29. Louiza Habani, actrice /comédienne
30. Mouzahem Yahia, réalisateur
31. Bachir Derrais, réalisateur/producteur
32. Karima Chouikh, productrice
33. Djeriou Abdelkader, acteur/metteur en scène
34. Amir Nebbache, présentateur de radio et télévision
35. Yanis Koussim, réalisateur/scénariste
36. Sid Ahmed Semiane, auteur réalisateur
37. Yacine Mesbah, acteur /comédien
38. Karim Bengana, scénariste/réalisateur/ producteur
39. Ait Said Nabil, vice-président du cinéclub Cinuvers
40. Yacine Si Ahmed, anthropologue/ancien journaliste RTA-radio Chaîne III 41. Mohamed Ali Allalou, producteur radio et télévision
42. Mohamed FoudilHazourli, réalisateur
43. DahmaneOuzid, réalisateur
44. Fatma Zohra Zamoum, auteur/réalisatrice/ productrice
45. Abdelkrim Tazaroute, journaliste écrivain 46. BoukhalfaAmazit, journaliste/scénariste/ producteur
47. Karim Moussaoui, réalisateur
48. SidaliMazif, réalisateur
49. Dania Reymond, réalisatrice
50. Lamine Merbah, réalisateur / producteur 51. Farid Kacemi, régisseur général
52. Hamid Bouziane, producteur / technicien 53. Lakehal Larbi, réalisateur / producteur
54. Mohamed Ifticene, réalisateur
55. Mohamed Zouani, ingénieur du son
56. Samir Elhakim, comédien
57. Habib Boukhelifa, maître de conférences en arts dramatiques/ metteur en scène
58. Rachid Benhadj, réalisateur / producteur 59. Dahlia Antri, productrice/ réalisatrice
60. Makhloufi Amokrane, assistant-réalisateur 61. Kader FaresAffak, acteur comédien
62. AbdelghaniRaoui, réalisateur
63. RabieHamimi, retraité ENTV
64. HamoudiLaggoune, directeur de la photographie
65. Nadia Meflah, auteure /consultante cinéma 66. IdirBenaibouche, acteur comédien
67. Rabah Laraji, réalisateur
68. SaidGuenifi, ingénieur du son
69. Khaled Benaiassa, acteur/réalisateur
70. Samia Meziane, actrice
71. Raouf Benia, réalisateur
72. Malika Laichour, réalisatrice/ productrice
73. Fatima Bejhadj, réalisatrice
74. Salah Aougrout, acteur comédien
75. Lilia Aoudj, directrice artistique des Rencontres cinématographique de Bejaia
76. Sabrina Draoui, réalisatrice
77. Tarek Lakhdar Hamina, producteur
78. Samir Abdelbost, président Association Project’heurts
79. Hassen Ferhani, réalisateur
80. Yacine Teguia, producteur
81. Aziz Slimani, administrateur de production.