El Watan (Algeria)

Des lendemains qui font peur

La marge de manoeuvre qui s’offre encore à l’Algérie pour éviter la banquerout­e devient de plus en plus étroite à mesure que s’épuisent ses avoirs en devises.

- Akli Rezouali

Au vu de l’absence évidente de toute réforme structurel­le ou d’efforts suffisants de diversific­ation de l’économie, il est à craindre qu’à l’échéance 2023, le pays se retrouvera en situation de banquerout­e.

Que va-t-il advenir de l’économie et des finances de l’Algérie dans les trois ou quatre années à venir ? A l’échelle d’un pays, l’échéance est assurément trop brève et la question est, pour le moins, grave, dès lors qu’aucune alternativ­e n’est encore esquissée pour pallier à la fatalité de l’épuisement des réserves de change ni aux limites fatidiques du dispositif exceptionn­el de «la planche à billets». Seul gage de la solvabilit­é du pays à l’extérieur et de son pouvoir d’achat à l’internatio­nal, le matelas en devises de l’Algérie – qui culminait à près de 200 milliards de dollars avant la crise de 2014 – n’est désormais plus que de quelque 82 milliards de dollars, selon les derniers chiffres de la Banque d’Algérie. En à peine quatre années de mauvaise conjonctur­e pétrolière, l’Algérie, qui ne vit globalemen­t que de ses revenus du pétrole et du gaz, a ainsi dilapidé plus de la moitié de son épargne en devises, vouée pour l’essentiel à sa boulimie à l’importatio­n. A pareille cadence, faut-il redouter, la durée de vie de ce qui reste du stock des réserves officielle­s de change ne devrait guère dépasser quelque deux ou trois exercice, d’autant que le rythme auquel s’opère actuelleme­nt la résorption du déficit de la balance des paiements reste des plus défavorabl­es et que le recul observé ces derniers mois des déficits extérieurs n’est que le fruit d’améliorati­ons épisodique­s et fragiles des prix du pétrole. D’ici la fin de l’année en cours, le montant des avoirs en devises de l’Algérie, tel que le font ressortir les projection­s du ministre des Finances lui-même, ne sera plus que de quelque 62 milliards de dollars. Ce stock se réduira encore à moins de 48 milliards de dollars en 2020, puis à quelque 34 milliards à peine en 2021, ce qui n’offrira dès lors au pays qu’une couverture d’à peine quelques mois d’importatio­ns, contre près de deux ans actuelleme­nt.

En 2023, anticipent pour leur part des experts du Fonds monétaire internatio­nal (FMI), l’encours des réserves officielle­s de change de l’Algérie baisserait même à moins de 12 milliards de dollars, tandis que les ajustement­s structurel­s censés amorcer un certain recul de la dépendance aux revenus du pétrole attendent toujours d’être mis en branle. A l’orthodoxie évidente d’une démarche graduelle de réformes structurel­les efficaces – tant que le permet encore la marge de manoeuvre qu’offre ce qui reste de l’épargne en devises – les pouvoirs publics ont préféré substituer une option plus populiste mais plus périlleuse d’un recours inconsidér­é à la «planche à billets». Selon les derniers chiffres rendus publics par la Banque centrale, les tirages opérés au titre de ce dispositif à haut risque d’inflation ont déjà atteint plus de 4000 milliards de dinars à fin septembre dernier. Il s’agit là, comme le rappelle d’ailleurs le ministre des Finances lui-même, d’un «simple endettemen­t interne» contracté auprès de la Banque centrale et que le Trésor public devrait impérative­ment rembourser à terme, non sans avoir résorbé auparavant ses déficits structurel­s. Or, au rythme où évolue actuelleme­nt la dépense publique et en l’absence d’une stratégie concrète de diversific­ation des ressources de l’Etat, il y a désormais fort à craindre que ces fortes créations de monnaie sans contre-valeur économique réelle n’aboutissen­t en définitive qu’à de graves dérives hyper-inflationn­istes. Instauré en 2017 à titre strictemen­t exceptionn­el, le dispositif dit de financemen­t interne non convention­nel, faut-il le rappeler, ne devra exister que pendant une période ne dépassant pas les cinq ans. Sauf qu’au vu de l’absence évidente de toute réforme structurel­le ou d’efforts suffisants de diversific­ation de l’économie, tout porte à craindre qu’à l’échéance de 2023, l’Etat se retrouvera de nouveau confronté aux mêmes problèmes de trésorerie qui l’ont mené, en 2017, à faire tourner la planche à billets. L’épargne en devises devant par ailleurs tarir à la même échéance, le pays entrerait alors pleinement en situation de banquerout­e. A moins peut-être d’un salutaire changement de cap économique et politique, dès le scrutin d’avril prochain.

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