«LE DÉFICIT BUDGÉTAIRE CREUSÉ PAR DES PROJETS CENSÉS ÊTRE GELÉS»
L a situation financière actuelle est très difficile, reconnaît Sidi Mohamed Ferhane, directeur général de la prévision au ministère des Finances. Invité de la rédaction de la Radio Chaîne 3, face aux reproches d’avoir laissé traîner la crise, M. Ferhane défend son département ministériel en notant que les réformes nécessaires ont bien été préparées, mais leur mise en oeuvre s’est heurtée à une situation difficile, due à la complication occasionnée par la baisse des prix de pétrole et donc des revenus des hydrocarbures. Mais au-delà de cette donnée exogène liée aux prix sur le marché international, le même responsable évoque des freins internes à cette réforme, constitués par le manque de rigueur des différents ministères. «Certains ordonnateurs ont accéléré leurs dépenses, sachant pourtant qu’on était dans le plafonnement des dépenses. Rappelez-vous des premiers mois de l’année 2017, il y avait une tension très importante sur la trésorerie de l’Etat, à tel point qu’un comité de suivi de la trésorerie a été mis en place au ministère des Finances pour suivre chaque semaine l’évolution des dépenses. C’était très difficile à gérer et c’était la faute aux ordonnateurs qui ont mis les pouvoirs publics devant le fait accompli en lançant des projets qui devaient être gelés»,
regrette M. Ferhani. A la question de savoir qui étaient ces ordonnateurs, le même responsable dit parler de tous les secteurs d’activité qui ont procédé de cette manière. «Chacun essayait
de préserver ses projets», dit-il, en notant que le Premier ministère a dû réagir par des instructions «pour réguler ces dépenses qui ont porté préjudice aux finances et laissé filer le déficit au cours de l’année 2017 et
même en 2018». Se voulant rassurant, Sidi Mohamed Ferhani note que le niveau des surévaluations des projets est moins important qu’en 2012, où elles avaient atteint 1200 milliards de dinars contre
500 milliards de dinars aujourd’hui. L’invité de la Chaîne 3 estime que le fait d’avoir lancé en même temps de grands projets structurants (autoroute, chemin de fer, etc.) a été la cause de cette hausse du niveau de réévaluations des coûts des projets.
Avec l’épuisement des réserves de change, des doutes pèsent sur l’avenir économique du pays. Pour M. Ferhani, la situation est certes difficile, mais «il reste encore des marges de manoeuvre jusqu’à 2023. Nous avons la possibilité de remonter la pente en rationalisant les dépenses et avec des réformes structurelles profondes». Et de noter que les réformes structurelles profondes ne donnent pas des résultats rapidement :
«Les sources du déficit sont au niveau des dépenses pour le Budget de l’Etat. Et nous sommes en train de rationaliser les dépenses à ce niveau. Ce sont les réformes au niveau du Budget, du commerce extérieur qui peuvent donner des résultats rapides. On peut citer les dépenses de fonctionnement dont 80% sont destinées aux salaires des fonctionnaires et aux transferts sociaux (soit 3500 milliards de dinars). A noter que les tensions sur nos équilibres extérieurs sont portées par les importations de marchandises, mais aussi, et on l’oublie souvent, l’importation en matière de services qui représentent entre 10 et 11 milliards de dollars par an, constitués principalement par le transport maritime (3,5 milliards de dollars) et les études en BTP (3,5 milliards de dollars) en 2017.»