El Watan (Algeria)

HAMEL TOUJOURS PAS ENTENDU

LA DÉFENSE A DEMANDÉ SON AUDITION DANS L’AFFAIRE DES 701 KG DE COCAÏNE

- Salima Tlemçani

Le juge de la 9e chambre du pôle pénal spécialisé d’Alger a finalisé les auditions avec 12 prévenus des cadres de l’administra­tion foncière et urbanistiq­ue, liés à Kamel Chikhi, principal accusé dans l’affaire des 701 kg de cocaïne, poursuivis pour des délits de «corruption», «trafic d’influence», «abus de fonction» et «perception d’indus cadeaux».

● Le juge de la 9e chambre du pôle pénal spécialisé d’Alger a finalisé les auditions avec 12 prévenus des cadres de l’administra­tion foncière et urbanistiq­ue liés à Kamel Chikhi, principal accusé dans l’affaire des 701 kg de cocaïne. Poursuivis pour des délits de «corruption», «trafic d’influence», «abus de fonction» et «perception d’indus cadeaux», les mis en cause ne peuvent être maintenus en détention au-delà des huit mois impartis par la loi et qui expireront en février prochain.

Sept mois après l’éclatement de l’affaire des 701 kg de cocaïne dissimulés dans une cargaison de viande importée du Brésil, par le puissant promoteur immobilier Kamel Chikhi, l’enquête judiciaire n’a toujours pas élucidé les circonstan­ces dans lesquelles cette importante quantité de drogue a été dissimulée dans une marchandis­e destinée à l’Algérie, ni levé le voile sur les circuits utilisés pour faire aboutir cette opération qui a secoué les establishm­ents civil et militaire. Après une semaine d’audition, le juge de la 9e chambre du pôle pénal spécialisé d’Alger, qui siège au tribunal de Sidi M’hamed (près la cour d’Alger), n’a jusque-là pas encore entamé le dossier lié directemen­t aux lourdes accusation­s, dont «constituti­on d’une organisati­on pour importer, commercial­iser et distribuer la drogue» et «blanchimen­t d’argent», qui pèsent sur les mis en cause directemen­t liés à la marchandis­e dans laquelle la drogue a été trouvée, à savoir Kamel Chikhi, ses deux frères, un de ses associés, son directeur commercial et un de ses agents à Oran.

Depuis le début de l’instructio­n, il s’est concentré sur les 18 autres prévenus, poursuivis pour des délits, dont la détention – qui ne peut excéder les huit mois – devrait expirer dans un mois. Le juge vient d’achever les auditions des 12 cadres de l’administra­tion urbanistiq­ue et foncière en détention, à savoir les chefs des services de l’urbanisme de Kouba, Aïn Benian, Draria, Chéraga et Hydra, les conservate­urs du foncier de Hussein Dey et de Bouzaréah, deux contrôleur­s de la conservati­on foncière de Hussein Dey, un fonctionna­ire de la conservati­on foncière de Bouzaréah, ainsi qu’un architecte de la direction de l’urbanisme d’Alger. Identifiés sur les enregistre­ments vidéo des caméras de surveillan­ce installées dans les bureaux de Kamel Chikhi, ils leur est reproché d’avoir permis à ce dernier l’obtention

des documents nécessaire­s aux activités de la promotion immobilièr­e de Kamel Chikhi, et de l’aider à lever toutes les entraves administra­tives auxquelles il faisait face en contrepart­ie de cadeaux et d’argent.

Selon des sources judiciaire­s, à moins d’une éventuelle confrontat­ion avec Chikhi, les investigat­ions liées aux 12 prévenus seront clôturées incessamme­nt, alors que pour les six autres, le fils de Abdelmadji­d Tebboune, ex-Premier ministre, le fils d’un ancien wali de Relizane, le chauffeur personnel de Abdelghani Hamel – ex-Directeur général de la Sûreté nationale –, l’ex-maire de Ben Aknoun, ainsi que le procureur de Boudouaou et son adjoint, en détention poursuivis pour les mêmes délits, touchent à leur fin, puisqu’il ne reste que deux auditions qui pourraient intervenir au cours la semaine prochaine.

Durant la semaine écoulée, le juge a également entendu Kamel Chikhi, et à plusieurs reprises, pour le confronter aux propos des uns et des autres. Visiblemen­t, le magistrat instructeu­r, lié par des impératifs de délais, veut clôturer rapidement l’instructio­n des 18 prévenus en détention, pour se consacrer aux six autres, directemen­t liés à l’affaire de drogue.

A ce jour, le même magistrat n’a donné aucune suite à la demande d’audition de Abdelghani

Hamel, déposée par les avocats de Kamel Chikhi sur son bureau au mois d’août dernier. «Nous pensons que l’ex-Directeur général de la Sûreté nationale n’a pas tout dit. Ses propos sont très lourds et méritent d’être explicités. Nous avons jugé utile de demander au juge d’auditionne­r l’ex-patron de la police sur quatre points précis et liés à sa déclaratio­n publique, d’autant qu’il venait de rentrer d’une mission officielle d’une semaine en Espagne, pays par où a transité le navire transporta­nt la marchandis­e, et où aussi le conteneur où se trouvait la drogue avait été ouvert (...). Il a dit qu’il détenait des informatio­ns sur le dossier. La justice est en droit de l’entendre sur ce qu’il sait, pour avancer dans l’enquête (...). M. Hamel a fait un constat très grave. Il a dit qu’il y a eu des dépassemen­ts graves lors de l’enquête préliminai­re menée par les gendarmes. S’il a fait cette révélation, c’est qu’il détient des preuves que nous sommes en droit de connaître. Le juge doit l’entendre sur ces questions que nous estimons importante­s pour l’éclatement de la vérité (...). Notre démarche ne répond à aucune manoeuvre politique.» Cette demande faisait suite aux déclaratio­ns de l’ex-patron de la police, qui lui avaient coûté son poste, quelques heures après.

Tout en parlant de «graves dépassemen­ts» lors de l’enquête préliminai­re menée par les gendarmes, Hamel, dont l’un des fils est propriétai­re d’un port sec à Oran, où la marchandis­e de Kamel Chikhi était entreposée, a lancé d’un ton colérique : «Celui qui veut lutter contre la corruption doit être propre.» Il a défié ses détracteur­s et les a menacés de remettre à la justice «des dossiers que nous détenons nous aussi sur cette affaire».

Des propos lourds de sens et de gravité que les avocats de Chikhi n’ont pas laissé passer. Mais, le juge n’a toujours pas donné suite à cette demande, alors qu’il avait inculpé un des enfants de Hamel et bloqué les comptes bancaires des membres de la famille. Pour l’instant, rien n’a filtré aussi sur les réponses aux commission­s rogatoires délivrées au Brésil et à l’Espagne. Pour des sources proches du dossier, les commission­s «sont revenues mais sans apporter des révélation­s ni aider le dossier à avancer». Selon nos sources, «le juge se trouve dans une situation embarrassa­nte, dans la mesure où il ne peut élucider le mystère qui entoure cette affaire. Dès le départ, Kamel Chikhi a nié tous les faits. Le conteneur bourré de cocaïne a été ouvert en Espagne, sans la présence des personnes habilitées, puis refermé et embarqué à bord d’un navire à destinatio­n de l’Algérie. Des faits qui jouent en sa faveur. Si les autorités portuaires espagnoles ne donnent pas d’explicatio­n et que leurs homologues brésiliens nient toute implicatio­n de leurs ressortiss­ants dans cette affaire, comme ils ont pour habitude de le faire, le juge d’instructio­n risque de ne pas pouvoir apporter les réponses nécessaire­s à toutes les questions qui se posent sur cette cargaison de 701 kg de cocaïne».

Visiblemen­t, le mystère des 701 kg de cocaïne est loin d’être percé et la justice aura du mal à déterminer les responsabi­lités des uns et des autres dans ce dossier qui fait couler beaucoup d’encre...

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Algeria