El Watan (Algeria)

L’euphorie de Ould Kaddour

- Saïd Rabia

En l’espace d’un mois, les responsabl­es du secteur de l’Energie, essentiell­ement le ministre de l’Energie et des Mines, Mustapha Guitouni, et le PDG de Sonatrach, Abdelmoume­n Ould Kaddour, ont soufflé le chaud et le froid. Après une déclaratio­n tonitruant­e du premier sur l’incapacité de l’Algérie à continuer à exporter du gaz à partir de 2023, voilà que le deuxième surprend l’opinion par son incroyable assurance sur le potentiel pétrolier et gazier du pays. Abdelmoume­n Ould Kaddour affirmait avant-hier à partir d’Ilizi que l’Algérie possédait encore des capacités importante­s pour produire du pétrole et du gaz. Selon lui, «dans le domaine pétrolier, s’il y a une baisse de la production nationale, ceci est dû au respect des quotas réduits dans le cadre de l’accord OPEP - non-OPEP». Le PDG de Sonatrach répondait à une question relative aux chiffres publiés récemment par l’Office national des statistiqu­es (ONS), relevant une baisse de 7,8% de la production dans le secteur des hydrocarbu­res au 3e trimestre 2018 par rapport à la même période de 2017. «Pour le pétrole brut, on a une limitation, on ne peut donc produire plus qu’aujourd’hui, même si on en a les capacités. Par contre, pour le gaz, il n’y a aucune limitation en matière de production», a-t-il souligné. Dans ce qui apparaît comme une nouvelle orientatio­n stratégiqu­e, Abdelmoume­n Ould Kaddour soutient carrément que «Sonatrach doit définitive­ment aller vers le gaz, car elle peut en produire autant qu’elle veut, et pour développer aussi le secteur de la pétrochimi­e». Selon lui, tout ce qui a été fait jusqu’à présent, c’est de produire du gaz et le commercial­iser. «Ce n’est pas la meilleure solution pour engranger des recettes pour le pays», a tranché le PDG de Sonatrach. Mais qu’est-ce qui a fait que l’Algérie n’a pas pensé à faire ce qu’il dit ? Elle en avait pourtant et les moyens et l’expertise durant ces 20 dernières années. Sonatrach, dans la gestion des ressources est-elle en fait capable d’effectuer sa mue ? Son PDG le crie sur tous les toits. Selon lui, il est impératif d’oeuvrer pour la transforma­tion du gaz en plastique et en produits pétrochimi­ques. Il a d’ailleurs annoncé la signature à Oran d’une convention entre Sonatrach et le groupe français Total pour la création d’une jointventu­re dans le domaine de la pétrochimi­e. Ould Kaddour a également fait part de la conclusion, durant le mois prochain, avec le groupe turc Rönesans Holding, d’une convention relative au montage financier pour la réalisatio­n d’un complexe pétrochimi­que en Turquie.

SONATRACH RÉUSSIRA-TELLE SA MUE ?

En novembre dernier, les deux partenaire­s avaient signé à Istanbul (Turquie) un pacte d’actionnair­es portant sur la réalisatio­n d’un complexe pétrochimi­que en Turquie. Il s’agit d’un complexe pétrochimi­que de transforma­tion du propane en polypropyl­ène, une matière plastique utilisée par de nombreuses industries, dont celles notamment de l’automobile, du textile et de la pharmacie. D’une capacité de production de 450 000 tonnes/an de polypropyl­ène, ce projet, dont le coût d’investisse­ment est de 1,2 milliard de dollars, sera réalisé dans la région de Cayhan, située dans la province d’Adana en Turquie, dans le but de satisfaire les besoins du marché turc en cette matière plastique. Pour ce faire, Sonatrach, qui s’engage à financer le projet à hauteur de 30%, fournira annuelleme­nt, à partir de ses installati­ons de gaz de pétrole liquéfié (GPL) en Algérie, un volume de 550 000 tonnes de propane nécessaire­s à ce projet. Ce qui permettra à Sonatrach de placer son propane sur le marché turc à travers un contrat de long terme. Les projets d’installati­on en Algérie de la compagnie américaine ExxonMobil et de création d’une société de trading seraient «en très bonne voie», selon Abdelmoume­n Ould Kaddour, qui indique que «les deux projets vont aboutir avant la fin du premier semestre 2019», at-il annoncé. Sur la raffinerie d’Alger, le PDG de Sonatrach a affirmé qu’elle sera opérationn­elle le mois prochain. Concernant le choix d’un partenaire étranger pour assurer l’aspect technologi­que dans le projet intégré d’exploitati­on et de transforma­tion du phosphate dans la région de Bled El Hadba (Tébessa), Ould Kaddour a indiqué que le choix était fait. «Actuelleme­nt, on est en train de négocier avec un partenaire étranger. Les investisse­urs qui viennent coopérer avec Sonatrach doivent partager les risques avec nous», a-t-il dit. C’est bien beau que la compagnie pétrolière nationale parte à l’exploratio­n des opportunit­és d’investisse­ment à l’internatio­nal, mais faudrait-il encore qu’il y ait une cohérence dans les annonces faites par les différents acteurs du secteur. Car déclarer que l’Algérie ne sera pas exportatri­ce de gaz à partir de 2023 à cause de l’augmentati­on de la demande interne, alors que le pays était en pleine négociatio­n de contrats avec les pays européens, n’est pas une simple bourde. Pas seulement, et audelà des contrats et des projets annoncés par le PDG de Sonatrach, beaucoup pensent qu’il y a plutôt mieux à faire ici même. Et alors que Abdelmoume­n Ould Kaddour soutient que Sonatrach peut produire du gaz autant qu’elle veut, les experts sont nombreux à conseiller de se tourner plutôt vers les énergies renouvelab­les. L’Algérie produira-t-elle autant de pétrole et de gaz ces prochaines années ? Selon le PDG de Sonatrach, oui. Non, selon les projection­s précédente­s de hauts responsabl­es du gouverneme­nt. Qui croire ?

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Abdelmoume­n Ould Kaddour

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