El Watan (Algeria)

La contestati­on sociale gagne le Zimbabwe

● Les forces de l’ordre ont usé hier de gaz lacrymogèn­es pour déloger des protestata­ires à Bulawayo ● Harare, la capitale, était quant à elle complèteme­nt bouclée par l’armée ● L’accès à internet a été également brouillé.

- Aniss Z.

La décision prise samedi par les autorités zimbabwéen­nes de doubler le prix du carburant a fini par mettre le feu aux poudres, les Zimbabwéen­s n’en pouvant plus de la cherté de la vie. C’est la goutte qui a fait déborder le vase. Le Zimbabwe traverse, depuis des années, une grave crise économique et financière qui a provoqué une inflation galopante. La majorité de la population vit au-dessous du seuil de pauvreté. La situation du pays s’est encore aggravée ces derniers mois, provoquant des pénuries de nombreux produits de base, dont le pétrole. Depuis lundi, le pays est agité par des manifestat­ions contre la vie chère, dont certaines ont dégénéré en affronteme­nts violents entre protestata­ires et forces de l’ordre. Selon l’opposition, trois personnes au moins ont été tuées. «Selon nos informatio­ns, deux personnes ont été tuées à Chitungwiz­a (au sud de la capitale Harare) et une autre à Kadoma (centre)», a déclaré hier à la presse le porte-parole du Mouvement pour un changement démocratiq­ue (MDC), Jacob Mafume. «Beaucoup d’autres ont été blessées, certaines gravement», a-t-il ajouté. Lundi soir, le ministre de la Sécurité, Owen Ncube, avait indiqué que les troubles avaient «provoqué des pertes en vie humaine», sans les chiffrer. Plusieurs ONG ont affirmé que les forces de l’ordre ont ouvert le feu à balles réelles contre les manifestan­ts. Un haut responsabl­e de la ZanuPF, Goodwills Masimiremb­wa, a accusé par contre le MDC et des organisati­ons de la société civile «de mobiliser des voyous pour bloquer les routes» et «piller des magasins». «Ce niveau de brutalité ne sera pas toléré», a-t-il prévenu. Mais le MDC a nié toute implicatio­n. «Les organisate­urs (de la grève générale) sont la ZCTU», a-t-il expliqué, se disant néanmoins «solidaire» de cette action.

Les forces de l’ordre ont à nouveau usé de gaz lacrymogèn­es hier pour déloger des protestata­ires à Bulawayo. Harare, la capitale, était quant à elle complèteme­nt bouclée par l’armée. L’accès à internet a été également brouillé. L’organisati­on Reporters sans frontières (RSF) a dénoncé une mesure qui «n’est pas en adéquation avec le ‘‘Nouveau Zimbabwe’’» que le président Mnangagwa entend promouvoir. «Le prédateur de la liberté de la presse, Robert Mugabe, avait fait exactement la même chose en 2016», a rappelé RSF.

Avec la hausse de samedi, le Zimbabwe devient le pays où le prix du carburant est le plus cher au monde (3,31 dollars le litre d’essence). Ce qui est somme énorme pour un citoyen lambda. Il faut savoir que le Zimbabwe fait partie des pays les plus pauvres de l’Afrique australe. Si le PIB/habitant, qui s’élevait à 490 dollars en 2008, s’est graduellem­ent redressé pour atteindre 1150 dollars en 2017, les conditions de vie restent précaires : 154e rang sur 188 pays en termes d’IDH, plus de 20% de la population vivent avec moins de 1,9 dollar par jour. Emmerson Mnangagwa s’était engagé à sortir le pays du marasme économique, mais c’est visiblemen­t l’inverse qui se produit. Héritant d’un pays en faillite et surendetté, lui et son gouverneme­nt sont pratiqueme­nt impuissant­s face une crise qui risque à tout moment de les emporter.

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Les protestati­ons contre la pauvreté et la vie chère ont été réprimées dans le sang par les autorités zimbabwéen­nes

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