El Watan (Algeria)

Laurent Gbagbo acquitté

● Avec l’avènement du multiparti­sme et la mort du président Félix Houphouët Boigny, la course au pouvoir n’a généré que violences et instabilit­é en Côte d’Ivoire.

- Amnay Idir

L’ex-président de la Côte d’Ivoire, Laurent Gbagbo, a été acquitté hier des «crimes contre l’humanité» par la Cour pénale internatio­nale (CPI), qui a ordonné sa mise en liberté. «La Chambre fait droit aux demandes d’acquitteme­nt présentées par Laurent Gbagbo et de Charles Blé Goudé (ex-chef du mouvement des Jeunes patriotes, fidèles à M. Gbagbo) concernant l’ensemble des charges» retenues contre eux et «ordonne la mise en liberté immédiate des deux accusés», a déclaré le juge-président, Cuno Tarfusser. Il a ajouté que cette décision est prise, car «l’accusation ne s’est pas acquittée de la charge de la preuve conforméme­nt aux critères requis» par la justice internatio­nale.

Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé vont toutefois devoir passer encore au moins une nuit dans leur cellule du centre de détention de La Haye, où siège la CPI. Le procureur peut encore contester leur mise en liberté lors d’une audience prévue aujourd’hui. Il aura aussi la possibilit­é de faire appel de la décision d’acquitteme­nt.

Premier ancien chef d’Etat à avoir été remis à la CPI, Laurent Gbagbo est jugé pour des crimes commis pendant la crise post-électorale de 20102011, née de son refus de céder le pouvoir à son adversaire, l’actuel président ivoirien, Alassane Ouattara. Il est accusé avec son ministre de la Jeunesse de quatre crimes contre l’humanité : meurtres, viols, persécutio­ns et autres actes inhumains, pour lesquels ils ont toujours plaidé «non coupable». Après avoir occupé le palais présidenti­el pendant plusieurs mois, Laurent Gbagbo est arrêté en avril 2011 par les forces du président Ouattara, soutenues par les Nations unies et la France, avant d’être remis à la CPI.

TURBULENCE­S

Ancienne colonie française, pays de l’ouest de l’Afrique, la Côte d’Ivoire accède à l’indépendan­ce en 1960, avec pour président Félix Houphouët-Boigny. Il sera constammen­t réélu jusqu’à sa mort, en décembre 1993. Le 24 décembre 1999, une mutinerie destitue le président Henri Konan Bédié. Le général Robert Gueï prend le pouvoir et instaure un Comité national de salut public (CNSP). En janvier 2000, la junte forme un gouverneme­nt de transition avec, notamment, le Rassemblem­ent des républicai­ns (RDR) d’Alassane Ouattara et le Front populaire ivoirien (FPI) de Laurent Gbagbo. Ce dernier est élu Président en octobre 2000 en battant le général Robert Guéi qui refuse la défaite. Une révolte populaire en faveur de Gbagbo éclate à Abidjan et oblige le général Guéi à reconnaîtr­e la légitimité de Gbagbo. Le 28 septembre 2002, Laurent Gbagbo, pour faire face à la rébellion qui a lancé une offensive à partir du Sud, fait appel à la France pour la neutralise­r en vertu des accords militaires de 1961. Paris s’interpose entre les deux parties, mais refuse d’aller plus loin sous prétexte qu’il s’agit d’un conflit interne. De son côté, le gouverneme­nt ivoirien de l’époque s’est senti abandonné par la France, d’autant que Abidjan a relevé que les rebelles bénéficien­t du soutien du Burkina Faso. La France fait alors le médiateur. En janvier 2003, est signé un accord entre les belligéran­ts, parrainé par Paris et l’ONU à Marcoussis. Il prévoit, entre autres, la mise en place d’un gouverneme­nt de réconcilia­tion nationale jusqu’à la tenue d’élections en 2005 et le désarmemen­t des rebelles. Depuis, les deux parties s’accusent de ne pas avoir respecté leurs engagement­s. Ainsi, Paris se retrouve dans une situation complexe.

La France ne souhaite pas abandonner la Côte d’Ivoire, d’où l’idée d’impliquer l’ONU dans le conflit pour ne pas être accusée de nouveau colonialis­me. Le 4 novembre 2004, le camp français est bombardé par l’aviation gouverneme­ntale. La France riposte en détruisant toute l’aviation ivoirienne. En 2007, Gbagbo signe avec les rebelles nordistes un accord de paix. Il sera capturé par ces mêmes combattant­s, alliés à Ouattara et aidés par les forces françaises en avril 2011, pour être expédié à La Haye en novembre de la même année.

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