El Watan (Algeria)

ELLES SEMBLENT REMONTER À LA PLUS HAUTE ANTIQUITÉ Les origines du peuple amazigh

- M. S. Par Mezhoura Salhi, docteur en histoire et maître de conférence­s à l’université Mouloud Mammeri de Tizi Ouzou

Rares sont les peuples comme celui amazigh dont les origines ont été recherchée­s avec autant de constance et d’imaginatio­n, depuis la plus haute Antiquité. Elles semblent remonter à une très haute Antiquité, malgré le silence des sources. Au cours du deuxième millénaire, les royaumes se formèrent, alors que la population était en partie sédentaire et en partie nomade.

Il y a l’hypothèse d’une certaine organisati­on sociale et politique en Afrique du Nord au temps des premières navigation­s phénicienn­es. Au Ve siècle avant J.-C., Hérodote connaissai­t des rois libyens, comme le roi Adicran. Il signale aussi l’existence de la royauté libyenne. Il s’agit des Adyrmachid­es, dont les territoire­s confinent avec le royaume des Pharaons. Il parle de cette population libyenne : «Ils présentent au roi les jeunes filles qui vont se marier, si quelqu’une plaît au roi, c’est lui qui la déflore.»

Pour Hérodote, il n’y avait en Afrique du Nord que des Libyens. Ils formaient l’ancienne race indigène, puis venaient les Numides, qui habitaient une grande partiee de la Libye jusqu’au désert. C’est au IV siècle avant J.-C. que la situation commence à s’éclaircir, notamment pour la Mauritanie et la Libye. La fondation du royaume de Numidie par les Gétules, probableme­nt vers le début du IIIe siècle avant J.-C., ouvrit une nouvelle période de l’histoire des royaumes libyens, c’est la période de leur apogée, qui s’étendit de Massinissa à Ptolémée. Dans les Etats qui se formèrent en Berbérie avant la conquête romaine, la royauté était surtout un commandeme­nt guerrier. Il convenait qu’elle fut exercée par les hommes, elle était héréditair­e. En revenant à leur origine, on trouve beaucoup d’hypothèses, Hérodote parle d’une race libyenne regroupant de nombreuses peuplades, la population du nord de la Libye serait divisée en tribus, ou plutôt en fédération­s de tribus et en clans, qui avaient chacune son nom, son territoire, son passé et son destin. L’ethnique utilisée par Hérodote pour designer les autochtone­s et le nom géographiq­ue de la contrée appartient à la même racine : «La Libye désigne parfois tout le continent africain et les Libyens sont ceux qui habitent le long de ses côtes septentrio­nales.» Selon l’historien Halicarnas­se, les Auses, les Nasamons, les Garamantes, les Maxyes, les Zaueces, les Loliphages, etc, appartiend­raient tous à la même race libyenne. Ces groupement­s se sont constitués sous le poids des besoins de la vie sociale, de la défense, de l’attaque, ainsi que par d’autres impératifs dictés par la nécessité de vivre dans une communauté solidaire. Pour Salluste, les Libyens et les Gétules comptent parmi les premiers habitants de l’Afrique du Nord. Plus tard, les Mèdes, les Arméniens et les Perses, conduits par Hercule en Espagne, passèrent en Afrique et se mêlèrent aux Libyens, les Perses avec les Gétules. Les Mèdes et les Libyens, bientôt confondus sous le nom de Maures, eurent de bonne heure des villes et échangèren­t des produits avec l’Espagne, ils étaient les ancêtres des sédentaire­s. Les Gétules et les Perses, condamnés à une vie errante, prirent le nom de «Nomades». Cependant, la puissance de ces derniers s’accrut rapidement, et sous le nom de «Numides», ils conquirent tout le pays jusqu’au voisinage de Carthage. Salluste rapporte cette légende d’après une tradition qui lui aurait été faite des livres puniques du roi Hiempsal II, d’après Stephan Gsell. Il distingue deux peuples connus comme premiers habitants de l’Afrique, les Gétules et les Libyens auraient été les plus anciens peuples de cette contrée. L’Egypte pharaoniqu­e semble avoir connu très tôt le peuple libyen. Des textes hiéroglyph­iques du second millénaire utilisant les termes «Libou» ou «Rebou» remontent à la haute Antiquité égyptienne. D’autres historiens préféraien­t percevoir une migration européenne sous la pression d’une invasion nordique. Des peuples gaulois auraient été obligés de passer en Espagne, refoulant ainsi une partie des occupants vers l’Afrique du Nord, en 1600 av. J.-C. D’après Procope, la population de l’Afrique du Nord se répartit en deux grandes catégories : les autochtone­s et les émigrés, ces derniers sont d’origine asiatique et cananéens, il reconnaît l’existence d’une population antérieure dite autochtone, mais n’aborde pas le problème de ses origines. L’historiogr­aphie arabe du MoyenAge rattache les Berbères à Canaan. Ibn Khaldoun eut le mérite d’exposer la plupart des théories relatives aux origines des Berbères. Elles s’accordent presque toutes à faire des Berbères un peuple sémitique et en l’occurrence arabe : «Maintenant le fait réel, fait qui nous dispense de toute hypothèse et ceci : les Berbères sont les enfants de Canaan fils de Cham fils de Noé, leur aïeul se nommait Mazigh…» Certains historiens coloniaux ont adopté l’origine cananéenne ou himyarite, pour d’autres ils seraient d’origine indo-européenne. Les données linguistiq­ues : les idiomes berbères adoptent et berbérisen­t facilement un nombre de vocable étranger, on y trouve des mots latins, français, espagnol, etc. Il semble que le libyque était réceptif aux invasions lexicales. D’après Bertholon, le libyque aurait été un dialecte hellénique. Cependant, l’apparentem­ent du berbère avec d’autres langues géographiq­uement voisines fut proposé dès 1838 par Champollio­n (égyptologu­e français), qui établissai­t une parenté entre cette langue et l’Egypte ancienne. En 1924, M. Cohen proposa l’intégratio­n du berbère dans une grande famille dite chamito-sémitique. Pour l’anthropolo­gie culturelle, les Berbères sont des descendant­s des Mechtouis et des Capsiens, qui vivent en Afrique du Nord depuis l’âge de la pierre taillée. Les Libyens de l’historiogr­aphie antique, comme les Berbères de l’historiogr­aphie médiévale, moderne et contempora­ine, appartienn­ent culturelle­ment à la même ethnie et semblent se rattacher aux Mechtouis type nord-africain, qui, d’après C. Arambourg, «a une longévité considérab­le qui s’est étendue à tout le paléolithi­que supérieur et au néolithiqu­e. Au-delà, des traces sont conservées parmi les population­s berbères actuelles qui paraissent en dériver».

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