La villa-navire renaîtra-t-elle de ses gravats ?
L’événement a remué plus d’un. Il a été déroulé par une vidéo balancée sur Facebook sans aucun commentaire pour en expliquer les tenants et aboutissants. Elle a tellement choqué qu’elle est rapidement devenue virale. C’est que les milliers d’estivants venus de tous les coins du pays à Bouzedjar n’ont pas manqué d’écarquiller les yeux à la vue de la si originale bâtisse qu’on pouvait voir sur le littoral national.
On voit sur la courte vidéo un gros engin réduire en gravats cette villa-navire qui agrémentait la façade du village balnéaire. Cet héritage architectural de la période coloniale a été livré à la décrépitude durant des décennies du fait de son abandon par ses propriétaires, des héritiers qui apparemment n’ont trouvé aucun terrain d’entente à son propos. Son propriétaire était le premier ambassadeur d’Algérie en Espagne. Bien qu’à première vue, elle agressait le regard du visiteur parce qu’elle représente un signe ostentatoire de richesse et de puissance de son propriétaire initial, un colon, elle n’en était pas moins un patrimoine urbanistique de premier plan. Elle constituait une prouesse technique et esthétique avec sa proue avant qui avance dans le vide et le reste de la structure, une parfaite réplique d’un navire, reposant sur un piton rocheux. A l’époque où Bouzedjar n’avait pas
de port et que l’ile de la tortue qui partage sa plage en deux constituait un abri de pêche, il ne lui manquait que de pouvoir partir en mer le soir venu avec les autres bateaux de pêche au coucher du soleil. Avec sa disparition, c’est un des deux charmes de la station balnéaire qui disparait. En effet, l’ile de la tortue est grignotée par un cancer d’habitations nouvelles qui s’avancent inexorablement sur son rocher en forme de carapace de tortue. Il ne reste plus que la tête de tortue qui, par mauvais de mauvais temps, rappelle son nom et qui continue de donner l’illusion de fendre les flots. Ere bouteflikienne d’encanaillement oblige et grignotage généralisé du foncier, d’horribles bâtisses ont vu le jour. La municipalité et ceux qui ont à charge la préservation des sites représentant un patrimoine vont-ils réagir pour raser les verrues qui gâchent le décor ? Quant à la villa-bateau, elle a été tant agressée par le temps et les intempéries qu’elle est devenue un danger, risquant de s’écrouler par pans. Les autorités la repeignaient de temps à autre pour voiler les outrages qu’elle subissait. C’était à chaque visite d’une personnalité pour ne pas avoir à répondre de leur incapacité à faire quelque chose pour elle. Avec sa démolition, d’aucuns ont craint qu’une horreur, un de ces hôtels à l’aspect prétentieux, ne surgisse à sa place. Sollicité hier par téléphone, un élu rassure. C’est même une bonne nouvelle qu’il annonce. La villa renaîtra de ses gravats. En effet, l’acquéreur, un parent semble-t-il de son dernier propriétaire, est venu, avant de la livrer à l’engin démolisseur, avec un bureau d’études pour qu’il réalise un plan de reconstruction de la bâtisse à l’identique. Pourvu que cela se réalise.