El Watan (Algeria)

Un miniaturis­te hors pair

- Nacima Chabani

● Mohamed Racim est le pionnier de la peinture moderne en Algérie ● 44 ans après sa mort, son oeuvre est toujours vivante et parlante à la fois. ● La salle Frantz Fanon de l’Office national de Riadh El Feth, à Alger, a accueilli, dans la soirée de mardi dernier, une conférence portant sur «le patrimoine dans les oeuvres de Mohamed Racim», animée par le couple d’architecte­s Amel et Nadir Bendjallal.

Après une brève présentati­on du parcours et de la personnali­té de Mohamed Racim par Nadir Bendjallal, les présents ont pu assister à la lecture de certaines oeuvres phares que Mohamed Racim a réalisées. L’architecte et miniaturis­e Amel Bendjallal Diaffal a indiqué que l’artiste Mohamed Racim s’est inspiré des grandes écoles de miniatures, notamment de l’école persane. Il a excellé dans la miniature et dans l’enluminure : deux domaines différents mais complément­aires. Racim a pris beaucoup de renseignem­ent de l’orientalis­te français George Marcais pour dessiner ses tableaux. «Mohamed Racim, dit-elle, ne dessinait pas de sa tête. Il ne dessinait pas l’imaginaire comme pour les écoles de l’Asie. Il s’appuyait sur des documents historique­s. On retrouve dans sa peinture énormément d’informatio­ns historique­s qui ne paraissent nulle part ailleurs. Il a regroupé toutes ses informatio­ns pour constituer des miniatures. Sa miniature n’est pas un beau dessin ou encore une sorte de reproducti­on, mais c’était un outil de préservati­on d’un nombre important d’informatio­ns et du patrimoine culturel, architectu­ral, d’un point de vue vestimenta­ire et la vie sociale. On peut retrouver un quartier, les plans, la façade ou encore comment étaient

habillés les gens à cette époque-là. C’est toute cette combinaiso­n qu’on retrouve dans les tableaux de Racim.» L’oratrice soutient que Racim a beaucoup travaillé avec la symétrie et avec le point de perspectiv­e. Dans certains de ses tableaux, on retrouve en arrièrepla­n l’architectu­re, avec notamment tous les palais de La casbah d’Alger. Toujours selon l’architecte, dans ses tableaux liés aux batailles en mer, on retrouve une sorte de configurat­ion de ces batailles avec toutes les informatio­ns. «Si on agrandit plus le dessin, on va dans le détail. On retrouve des informatio­ns qui sont vérifiées par rapport aux habits, aux armes et aux bateaux. Dans un de ses tableaux, on voit même une partie de l’amirauté qui a été bombardée. Toutes ces informatio­ns on les retrouve dans l’histoire mais sur ces miniatures, on retrouve aussi l’image et la chose qu’on n’a pas pu voir. Racim a pris des informatio­ns historique­s et il les a regroupées et a formé une sorte d’images qu’il nous a transmises d’une façon très claire avec beaucoup d’éléments architectu­raux qui sont à l’identique», éclaire telle. Si dans certaines oeuvres de Racim la perspectiv­e a été exagérée, c’est pour mieux montrer la vie dans certains quartiers.

Nadir Bendjallal précise de son côté que le peintre algérien a redessiné fidèlement les éléments tels qu’ils ont été réalisés à l’époque. Il était en admiration devant les mausolées, notamment devant celui de Sidi Abderrahma­ne. Il était également en extase devant les éléments architectu­raux des minarets, et ce, même s’ils ne sont pas à leur place. «Ils les déplacent à chaque fois. Ils remplacent d’autres minarets par d’autres, par souci d’esthétique», note Amel Bendjellal. On retrouve également dans la miniature de Racim les remparts de la médina d’Alger, la typologie des maisons à patio et cette variation dans le paysage topographi­que au niveau de la faune et de la flore. Pour le couple d’architecte­s, la peinture de Mohamed Racim permet de resituer la ville d’Alger à cette époque révolue à jamais. Nadir Bendjallal souligne que le fondateur de l’école algérienne de miniature Mohamed Racim a repris dans ses travaux des éléments inscrits dans la mémoire collective. «Quand il pense à Alger, argue-t-il, il pense à tel minaret, à tel élément ou encore à telle coupole. Le deuxième point, c’est que la miniature donne la possibilit­é au miniaturis­te de dessiner trois ou quatre points de vue différents. En même temps, il va reprendre la perspectiv­e et la profondeur qui n’existe pas dans la miniature. C’est ce qu’a apporté Racim de nouveau dans la perspectiv­e et qui fait sa particular­ité et sa force aussi».

Mohamed Racim a certes brisé les règles de la miniature, mais il su préserver le patrimoine durant cette période. Assassiné le 30 mars 1975, le miniaturis­te algérien a laissé derrière lui un legs inestimabl­e.

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